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avril 2002  


Pour une guerre de classe contre la guerre impérialiste !

Elections de guerre raciste en France

A bas le front populaire PS-PCF-Verts antiouvrier et anti-immigré !
Aucun soutien à la pseudo-opposition de Lutte ouvrière !
Pour un gouvernement ouvrier !

A l’approche des élections présidentielles, un décalage apparaît de façon saisissante : la population affirme, dans d’innombrables enquêtes, être lasse d’une campagne où elle ne voit aucune différence entre les principaux candidats,  alors que les partis, de droite à gauche, ne s’intéressent qu’aux sondages. Malgré tout le cirque politique bourgeois, il y a des questions brûlantes, sauf qu’elles ne sont pas abordées dans le débat électoral de l’hexagone. La France est un pays impérialiste en guerre : plus de cinq cents militaires français occupent l’Afghanistan, pendant qu’en France les « forces de l’ordre » font la chasse aux immigrés, considérés comme des « ennemis de l’intérieur ». Mais aucun candidat et aucun parti, même à la soi-disant « extrême gauche », ne s’opposent à cette guerre impérialiste.

Partout dans le monde, la guerre terroriste « contre le terrorisme » s’étend et réclame sa part de victimes. En Afghanistan, les impérialistes se débattent dans un bourbier qu’ils ont eux-mêmes créé. Le gouvernement fantoche intégré sous l’égide de l’OTAN à Bonn n’est même pas capable de garantir l’ordre à Kaboul ; le reste du pays est déchiré entre les seigneurs de la guerre pachtounes, payés et armés par l’impérialisme US, et les bandes de l’Alliance du Nord. Les paras français et leurs adjoints « militaro-humanitaires » de Médecins sans frontières se sont installés à Mazar-e-Sharif en décembre, apportant leur caution au général Dostam qui a massacré des centaines de prisonniers juste avant leur arrivée. En mars, des avions français Super-Étendard et Mirage ont participé au bombardement des positions talibanes au sud du pays. Et la guerre est loin d’être terminée.

Au Proche-Orient, le régime sioniste met la Palestine à feu et à sang avec sa grande offensive dont le but est de chasser des milliers de Palestiniens et de décapiter l’Autorité palestinienne. Pendant qu’ils bâtissent une « forteresse européenne » contre les immigrés et les réfugiés, les gouvernements impérialistes de l’Union européenne (UE) se posent en « défenseurs » du peuple palestinien meurtri. Les plans de l’impérialisme US de renverser Saddam Hussein sont critiqués en Europe où les impérialistes allemands et français craignent pour leurs propres intérêts au Proche-Orient. Mais ils en restent là.

Le tout sur arrière-fond de tensions interimpérialistes accrues. Après que le ministre « socialiste » des Affaires étrangères Vedrine a dénoncé l’« hyperpuissance » américaine, le conservateur (et ancien Harvard Boy) Chirac tonne contre la « vassalisation » de l’Europe. Le 1er janvier, est lancé l’euro (le deutschmark en costume) pour concurrencer le dollar américain comme monnaie de réserve de la haute-finance capitaliste. Ensuite, l’UE riposte aux taxes américaines sur l’acier – le début d’une véritable guerre commerciale qui fait entendre des « bruits de bottes » transatlantiques jusqu’à la rédaction du Monde.

Cependant, tout cela est absent de la campagne présidentielle ! Le consensus autour des intérêts de l’impérialisme français entre « droite » et « gauche » –  la base même de la « cohabitation » depuis toujours – en est la raison. Mais la guerre impérialiste est bien présente dans ces élections. Elle est présente derrière les surenchères nauséabondes, ouvertement racistes,  sur la « sécurité ». Elle s’est concrétisée, dès le début, par le renforcement des pouvoirs de police dont Vigipirate n’est que le haut de l’iceberg. La campagne raciste du gouvernement constitue le front intérieur. Les bandes armées du capital – la police, la gendarmerie – revendiquent dans la rue, en masse, en uniforme, sans entraves. Et ces derniers jours, les attaques ignobles contre des synagogues vont permettre le déchaînement des amalgames entre banlieue et « terrorisme islamique ».

  Blanc bonnet, bonnet blanc
Jacques Chirac (à gauche) et Lionel Jospin lors d'une cérémonie militaire à Vincennes, le 25 janvier 2002. Selon les sondages, les trois quarts des Français ne voient aucune différence importante entre les deux principaux candidats à la présidence du pays. (Photo: Patrick Kovarik/AP)

Le gouvernement de la « gauche plurielle » présidé par Lionel Jospin, avec la participation du Parti socialiste (PS), du Parti communiste français (PCF), des Verts et (initialement) du Mouvement des citoyens (MDC), est un front populaire classique. Cette alliance de collaboration de classes entre partis ouvriers réformistes et partis bourgeois est venue prendre le relais du gouvernement Balladur-Chirac profondément ébranlé par les grèves de masse qui ont déferlé dans la fonction publique pendant l‘hiver 1995-96, et ce dans le but de détourner le ras-le-bol ouvrier et d‘éviter une nouvelle explosion sociale qui pourrait à nouveau menacer le pouvoir de la bourgeoisie.

Le bilan de ce gouvernement : aujourd’hui il y a six millions de personnes qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté, 4 millions gagnent moins que le SMIC. Le travail précaire s’est encore étendu. Les « réformes »du front populaire se sont avérées être autant d’attaques contre la classe ouvrière : la loi Aubry sur les 35 heures n’a pas créé d’emplois ; elle a, par contre, bloqué les salaires, accru l’intensification du travail et légalisé la « flexibilité » (lire : licenciements). Aujourd’hui, le Premier ministre « socialiste » Jospin a de la peine à se distinguer de son rival, le président Chirac.

Avec la dégradation de ses conditions de travail et de vie, le sentiment que le front populaire l’a trahie s’exprime d’abord dans l’effritement de la base ouvrière du partenaire « communiste », laissant de la place pour les trois candidats « trotskystes », et surtout pour Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière (LO). Mais cette « extrême gauche » reste fidèle à sa politique cynique de pression sur ce gouvernement bourgeois pour qu’il accorde quelques miettes aux ouvriers et aux opprimés. Le PCF tout comme les bureaucraties syndicales ont tout de suite adhéré à l’union sacrée « antiterroriste » ; l’« extrême gauche » ne s’y oppose pas non plus. LO, même si elle a déclaré que ce « n’est pas notre guerre », refuse d’appeler à la défaite de l’impérialisme français et de mobiliser la classe ouvrière pour stopper la machine de guerre. Dans les pages de Lutte Ouvrière on peut lire dernièrement des dénonciations du « bombardement américain » de l’Afghanistan, mais aucun appel au retrait des troupes françaises qui maintiennent l’ « ordre » dans le protectorat afghan de l’OTAN.

Le ministre « socialiste » de guerre, Alain Richard, avec le contingent français à Mazar-e-Sharif, au nord de l'Afghanistan, le 2 janvier 2002. (Photo: Efrem Lukatsky/AP)

La Ligue communiste révolutionnaire (LCR), elle, avait signé avec le PCF, les Verts et d’autres « partenaires » du gouvernement de la gauche va-t-en-guerre un « Appel à l’opinion » qui faisait écho à la propagande de guerre impérialiste contre le « terrorisme » et appelait à l’ONU et au « droit international » pour « identifier, arrêter et juger les auteurs de l’attentat » du 11 septembre 2001. La LCR avait même déclaré qu’« on ne peut que se réjouir » de l’arrivée des alliés afghans de l’OTAN à Kaboul (tract de la LCR, 17 novembre 2001). Aujourd’hui, le parti d’Alain Krivine appelle à l’envoi de troupes impérialistes (européennes et non pas américaines, bien sûr) au Proche-Orient, comme il l’a fait déjà en 1999 dans les Balkans. Le 6 avril, à Paris, la LCR a défilé en tête d’une manifestation derrière une grande banderole réclamant une « force de protection internationale pour les Palestiniens ». Au même moment, Jospin en personne proposait l'envoi d'une « force internationale d'interposition et d'observation » en Cisjordanie ; et une enquête de Libération (4 avril) révèle que parmi les candidats bourgeois à la présidence, tous sont « d’accord pour plus s’impliquer » au Proche-Orient.

En appeler aux impérialistes européens, massacreurs du peuple serbe, qui maintiennent le Kosovo et la Bosnie sous protectorat de l’OTAN ;  qui ont participé au bombardement de l’Afghanistan aux côtés de l’impérialisme américain et qui, maintenant, maintiennent « l’ordre » à Kaboul et Mazar-e-Sharif ; qui ont inondé  l’Algérie et l’Indochine avec le sang de centaines de milliers de leurs habitants pour écraser leurs luttes contre le colonialisme – en appeler à ces criminels de guerre comme « alternative » aux USA, c’est faire l’éloge de sa propre bourgeoisie et préparer une défaite sanglante pour les Palestiniens ! Au contraire, la Ligue pour la Quatrième Internationale exige : USA, OTAN, ONU, hors du Proche-Orient, de l’Asie centrale et des Balkans ! Défense de l’Afghanistan et de l’Irak – pour la défaite de l’impérialisme ! Pour la révolution socialiste internationale !

Cette « extrême gauche », LO comme la LCR, ne s’oppose pas non plus à l’hystérie sécuritaire de sa bourgeoisie. Elle essaie plutôt détourner de la campagne raciste vers le « terrain social », avec des appels (à l’adresse de l’Etat bourgeois) à interdire les licenciements, à interdire l’expulsion des locataires, etc. – un « rempart » de pacotille contre les ravages du capitalisme. Les attaques contre la classe ouvrière en France, dont une forte composante est immigrée, sont étroitement liées à la guerre impérialiste « antiterroriste » et aux attaques contre les droits démocratiques, contre la jeunesse « immigrée » et contre les sans-papiers. Une riposte d’ensemble contre ces attaques exige de surmonter les divisions racistes qui affaiblissent cette classe ouvrière en luttant contre la terreur raciste. Pour cela, il faut construire un parti trotskyste digne de ce nom, basé sur un programme révolutionnaire de lutte de classe. Fondamentalement, la crise du prolétariat est la crise de sa direction.

Chauvinisme tous azimuts

Depuis des décennies, ce pays a connu un cycle de gouvernements de gauche front-populistes suivis du retour de la droite revancharde. Chaque fois, le front populaire a accompli son « sale boulot » de démoraliser les ouvriers et d’ouvrir la porte aux fascistes par ses campagnes anti-immigrées. Cette fois, les partis bourgeois de droite sont divisés, son candidat traîne un lourd boulet d’accusations de corruption. Mais le spectre de la réaction n’est pas pour autant écarté.

La jubilation de l’« extrême gauche » sur les bons scores de Laguiller dans les sondages s’accompagne de la préoccupation qu’elle n’est pas sûre qu’« Arlette » est le « troisième homme » derrière Chirac et Jospin. Le crétinisme parlementaire a atteint un tel niveau que la menace fasciste de Le Pen n’est pas prise au sérieux du fait de ses difficultés à obtenir les 500 parrains nécessaires à sa candidature. Laguiller a même « discuté » avec le Führer du Front national à la télévision, et LO a longtemps nié que Le Pen et ses troupes de choc soient des fascistes. Mais il s’est depuis remis en selle, devançant son ancien dauphin et rival Mégret, et il est crédité aujourd’hui de quelque 10% des intentions de vote.

Quant à Chevènement du MDC, le « pôle républicain » de l’ancien ministre de l’Intérieur rassemble des royalistes et autres réactionnaires, transfuges du fascisme et de la social-démocratie, ex-staliniens en manque de « souveraineté nationale ». «Je ne demande à personne d’où il vient », explique cet aspirant bonaparte (le Monde, 20 novembre 2001). En effet. Le programme électoral de Chevènement dénonce le « masochisme national » et les « campagnes de repentance » - un appel du pied aux nostalgiques de l’« Algérie française ». Celui qui reçoit aujourd’hui l’appui de la plus grande partie de la franc-maçonnerie a toujours prôné un chauvinisme faisant appel aux déçus de la gauche comme de la droite, que se soit en persécutant les immigrés en tant chef de la police nationale ou en démissionnant du gouvernement Mitterrand pour protester contre le Traité de Maastricht.

Sa prétention à diriger le mouvement « antimondialisation » lui donne un air « de gauche », et la présence dans ses rangs de l’ex-dirigeant de la LCR, François Morvan, n’est pas tout à fait due au hasard. Pendant que Jospin flirte avec la « taxe Tobin » sur les capitaux  « spéculatifs » et qu’Olivier Besancenot, le candidat de la LCR, fait de l’« antimondialisation » un axe de sa campagne, ce mouvement représenté par ATTAC (front populaire parallèle qui lie une bonne partie de l’« extrême gauche » aux gaullistes et autres forces bourgeoises) incarne les ressentiments de l’impérialisme français à l’égard de son concurrent américain. Besancenot n’était pas seul en effet au sommet « antimondialisation » de Porto Alegre – la seule véritable ouverture de la campagne électorale française sur l’extérieur ; non seulement les Verts mais aussi le RPR étaient de la partie !

Naviguant dans le même courant de l’« antimondialisation » bourgeois et petit-bourgeois, le Parti des travailleurs (PT) ultra-réformiste animé par Pierre Lambert, dont le candidat dans ces élections est Daniel Gluckstein, tente de se positionner avec l’accusation que Jospin « prend ses ordres à Washington, à Bruxelles et dans les multinationales »… et non pas à Paris. Le PT, issu de l’OCI (Organisation communiste internationaliste) pseudo-trotskyste, a formé avec les stals « durs » de la Coordination communiste, il y a cinq ans, des Comités pour la révocation du Traité de Maastricht – un appui extérieur aux chevénementistes. Aujourd’hui, la pierre angulaire de la plate-forme bourgeoise du PT, c’est l’appel à « reconquérir la démocratie » au moyen d’une « assemblée constituante souveraine du peuple » !

Pour sa part, si Arlette Laguiller affiche un semblant d’orthodoxie communiste en critiquant ATTAC et d’autres courants qui « ne sont pas des gens qui veulent renverser le capitalisme » mais qui cherchent plutôt « à aménager le capitalisme », ce n’est pas pour autant que LO mène des luttes vraiment internationalistes pour la révolution socialiste (expression qu’on ne trouve d’ailleurs aucunement dans son discours électoral). Au contraire, sa campagne est résolument hexagonale, et absolument étrangère à toute lutte qui pourrait gêner son score. Bien sûr, se laver les mains de tout ce qui se passe en dehors du territoire national ne présente en rien une alternative au chauvinisme français.

Blair à la française

Devant un meeting électoral de Jospin à Lille, son service d’ordre confisque les tracts des infirmiers en grève. Les grévistes revendiquent plus de personnel – ce qui est « injurieux » pour Monsieur le Premier Ministre… Un peu plus loin, des sans-papiers. Il y a cinq ans le candidat Jospin invitait leurs porte-parole à sa tribune ; aujourd’hui, encerclés par les flics, ils scandent : « Les papiers et non les promesses. » A Marseille, le 21 mars, son service d’ordre va jusqu’à tabasser plusieurs manifestants sans-papiers. Après qu’Act-up s’est manifesté le 8 mars dans un meeting pour lui jeter au visage : « Sida, Afrique, Jospin raciste » (ses promesses d’une aide financière pour combattre ce fléau se sont révélé aussi mensongères que ses autres promesses), Jospin a organisé une équipe peuplée de « personnalités » ex-« trotskystes » comme Cambadélis et  Filoche pour « prévenir » ce genre de perturbation. En voilà le résultat.

Autre vedette de la « gauche » du PS et autre transfuge du pseudo-trotskysme, Julien Dray, grand bouffeur de talibans, a reçu pour mission la destruction de la loi sur la présomption d’innocence, dite « loi Guigou » – un droit démocratique des plus élémentaires. Dray fustige l’« angélisme », et le PS promet de rompre avec les « tabous », criminalisant ainsi l’ensemble des jeunes des banlieues. A vrai dire, ces « tabous » n’ont jamais existé ! Chaque front populaire – sous Jospin, comme sous Mitterrand – a amené son cortège d’immigrés assassinés en toute impunité par les flics.


La « sécurité » en banlieue. La terreur raciste des flics, 
maintenant sous régie front-populiste, est dirigé contre 
les jeunes d'origine maghrebine et africaine. 
(Photo : Le Figaro Magazine)

Le dernier en date est un jeune d’origine maghrébine, Moussa, abattu le 2 janvier par un flic près de la porte de Clichy, à Paris : une balle tirée d’un pistolet mitrailleur Beretta en plein dans la tempe droite. Jeune immigré habitant les Mureaux, il était « présumé coupable » et exécuté sur-le-champ. Lors de son enterrement, la police a procédé à des provocations contre des militants du Mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB).

Le MIB se présente comme le porte-parole des jeunes en colère des banlieues – « On veut du boulot, pas une balle dans le dos » ; ils savent qu’ils n’ont rien d’attendre de la « gauche ». A l’encontre de SOS-Racisme (qui est rapidement devenu la créature de la social-démocratie), le MIB a refusé l’argent de l’Etat. Il sait aussi, comme l’a dit un de ses militants dans une interview à radio Canal Sud, que « la population musulmane vit tous les jours des agressions à cause de l’amalgame avec le terrorisme islamique ». Mais le MIB se cantonne à des mobilisations pour un minimum de justice en faveur des victimes des flics assassins. Cette couche de la jeunesse manque de la puissance de la classe ouvrière. Libérée des chaînes de la collaboration de classes, cette puissance doit être mobilisée pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés et leurs familles, contre la terreur raciste de l’Etat bourgeois et de ses supplétifs fascistes.

La fin du PCF ?

Robert Hue est certes un personnage minable mais il n’est qu’à l’image de son parti réformiste, qui semble entré dans la phase finale de son agonie. Lors d’une manifestation syndicale à Paris le 13 mars, Hue s’est fait prendre à partie par des manifestants lui demandant, avec virulence, des comptes sur la participation au gouvernement antiouvrier de Jospin des ministres « communistes » comme Gayssot aux Transports, qui a enterré la grève des routiers de 1997 et tourné le dos aux travailleurs licenciés d’AOM/Air Liberté. Ce qui est plus nouveau, c’est le nombre important de ces ouvriers qui l’ont interpellé et surtout qu’il n’y a eu aucune réaction en défense de Hue – qui a été obligé de s’enfuir honteusement de la manif. Il est évident que la direction de la CGT – pour protéger son appareil menacé par le désastre du PCF – ne veut plus être en rien assimilée avec les loosers du PCF.

Hue promet qu’il obtiendra de Jospin « une autre politique à gauche », « une nouvelle expérience vraiment de gauche ». Promesse peu crédible, tout comme la menace de ne pas participer à un gouvernement de « centre gauche ». Jospin lui a répondu par avance : « Je ne changerai pas de cap. » Les cinq ans de participation gouvernementale des ministres PCF ont démontré, une fois de plus, qu’ils ne font que cautionner les attaques antiouvrières du front populaire.

Un symptôme du déclin du PCF est la multiplication de candidatures indépendantes du parti qui se disent communistes. Ainsi, à Marseille, Charles Hoareau (dirigeant du comité de chômeurs CGT) avec ses « rouges vifs », qui envisage de se présenter aux législatives. Mais l’opposition à la « mutation » du PCF n’est pas cohérente ; certains ne s’opposent même pas à la participation au gouvernement Jospin ; ils cherchent seulement à marchander de meilleures conditions à leur participation. D’autres sont les nostalgiques du PCF « révolutionnaire »… du 16e congrès de 1964.

Le premier pas, c’est de comprendre que la « mutation » du PCF ne date pas d’aujourd’hui, ou d’hier, mais de 1935, quand le parti – déjà gangrené par le stalinisme – a sombré dans le réformisme, soutenant la « défense nationale » et le front populaire. Avec ce pas décisif, dicté alors par les besoins diplomatiques de la collaboration de classes de la bureaucratie stalinienne soviétique (avec son délire nationaliste-conservateur du « socialisme dans un seul pays »), le PCF passe au réformisme, devenant un nouveau rouage de la domination capitaliste, une social-démocratie bis. A partir de ce moment, en dépit de sa rhétorique « marxiste-léniniste », le Parti « communiste » n’avait pas d’autre stratégie que la participation à des gouvernements bourgeois – l’éternel front populisme. Passant par l’« eurocommunisme » des années 70, devancé par le PS mitterrandiste dans les années 80, avec l’effondrement de l’Union soviétique au début des années 90, le PCF a perdu sa raison d’être. De là à sa dissolution, ce n’est qu’une question de temps.

L’opposition de Lutte ouvrière à la « gauche plurielle » : une fraude

C’est LO qui bénéficie aujourd’hui de cette situation – pas la LCR ni le PT. Laguiller (qui, par ailleurs, renonce dans Mon communisme à toute référence au trotskysme) a ressorti son appel à « recréer un parti politique qui défende réellement les intérêts politiques et sociaux du monde du travail » (dans son discours électoral prononcé au meeting du 10 avril). Elle affirme explicitement, dans son meeting de Lille, le 8 avril, « défendre le programme abandonné par le parti communiste »,  c’est-à-dire le programme de réformer (et donc de préserver) l’Etat capitaliste… 

Il est certain que LO ne va pas attirer seulement des électeurs en provenance du PCF mais aussi des jeunes, séduits par sa façade d’intégrité, de non-compromission avec la gauche gouvernementale et de combativité « anticapitaliste ». En même temps, avec son sous-réformisme et sa vision de « petits blancs », LO offre un visage peu attrayant pour tous ceux qui veulent se battre contre les produits du capitalisme comme le chômage, le racisme ou le fascisme, et qui voient plus loin que le petit horizon hexagonal.
Aujourd’hui, la soi-disant « opposition » de LO au PS constitue son fonds de commerce – c’est ça qui la fait vivre et croître. Pour prendre la mesure de son discours « radical » contre la gauche gouvernementale aujourd’hui, il faut rappeler sa position par rapport à Mitterrand à l’époque de la « vague rose » :  l’appel à voter Mitterrand en 1981 « sans illusion mais sans réserves ». Son attitude vis-à-vis du front populaire fluctue de façon totalement opportuniste, en fonction de l’état d’esprit des travailleurs. Elle n’a aucune position de principe contre la collaboration de classes.

Sa position sur le second tour est une fumisterie. Ce n’est pas un appel à ne pas voter Jospin mais une absence de consigne. Réaffirmant à Lille qu’elle « ne donnerait aucune consigne de vote » lors du deuxième tour des élections, elle insiste : « Je n'appellerai ni à l'abstention, ni bien sûr à voter Chirac, ni à voter Jospin. » Mais les stratèges de LO sont bel et bien conscients que près des deux tiers de ceux qui voteront « Arlette » au premier tour donneront leur bulletin de vote à Jospin au second. C’est un marchandage qui donne la mesure de leur couardise et de leur opportunisme :  Faites ce que vous voulez, disent-ils en effet. Nous, les rrrrrévolutionnaires, on s’en lave les mains. Si vous votez Jospin, ce sera votre faute , à vous… » Depuis toujours, LO met la responsabilité des défaites sur le dos des travailleurs, pas sur leurs dirigeants traîtres. Au fond, pour elle, la classe ouvrière a la direction qu’elle mérite !

Quel programme pour quelles luttes ?

Sur toutes les questions décisives pour le prolétariat (la guerre, le racisme, le front populaire) LO a capitulé devant la bourgeoisie. Le programme qu’elle avance pour construire son parti n’est pas le programme révolutionnaire du trotskysme mais son « Plan d’urgence » ouvertement réformiste. « Prélever l’argent sur les profits patronaux » ou « sur la fortune des actionnaires » pour « redistribuer les richesses sociales et financer les emplois », en bref : « Faire payer les riches ». LO reproche au gouvernement de « se mettre au service des patrons », « faire des cadeaux au patronat ». Comme si ce gouvernement capitaliste pouvait être autre chose que le comité exécutif de la classe possédante !
Les appels à interdire les licenciements reviennent tout simplement à une politique de pression sur le front populaire. Jospin parle vaguement de « zéro SDF » … en 2007. En 1995, il parlait de « zéro licenciements » – on connaît le refrain. Laguiller répond aussitôt sur France-2 le 19 mars : « Qu’on commence dès aujourd’hui, que le gouvernement interdise les expulsions qui risquent d’avoir lieu dans les semaines qui viennent et vont créer de nouveaux sans domicile fixe. » Et qui va « interdire » les expulsions ? Allô, police ?

Derrière la rhétorique de LO comme quoi les travailleurs n’ont rien à attendre des élections, il n’y a pas la moindre perspective concrète pour la lutte de classe. Pendant toute l’année 2001, quand les licenciements faisaient de nouveau des ravages, chaque entreprise luttait seule. Ces luttes posent immédiatement la question centrale de la direction de la classe ouvrière. Les bureaucrates réformistes ont tout fait pour empêcher que s’engage la nécessaire offensive ouvrière contre le système capitaliste qui est la cause de la misère. Certes, Laguiller a rendu visite aux travailleurs de Moulinex, LU-Danone, McDo en Seine-Saint-Denis, mais seulement pour faire de la propagande électorale.

L’usine Moulinex à Cornelles-le-Royal en flammes. Centaines de travailleurs licenciés, usines fermées, le syndicat n’exige qu’une prime supplémentaire de licenciement, alors qu’il fallait mobiliser toute la classe ouvrière contre l'attaque du patronnat. (Photo: Franck Prevel/AP)

Sans direction révolutionnaire, la combativité, souvent née du désespoir (comme à Moulinex où l’on battait pour une prime supplémentaire de licenciement de 80000 francs), ne peut déboucher que sur l’acceptation des plans de licenciements et même sur un coup de main aux repreneurs des boîtes en faillite, en acceptant finalement leur chantage. La réponse de LO a été peu différente de celle de la CGT et du PCF qui offraient comme réponse d’ensemble des manifestations de pression parlementaire. (Toute cette agitation a seulement abouti au lamentable amendement Michelin, qui permet les licenciements après le début de négociations sur les 35 heures.)

Au cours de l’hiver 2001-2002, c’était le tour de la fonction publique, et plus particulièrement les hôpitaux, en lutte contre les conséquences néfastes de la loi Aubry. Bien sûr, LO n’a pas appelé à étendre ces luttes. Elle n’a pas non plus soulevé la revendication transitoire de l’échelle mobile des salaires et des heures de travail, pour partager le travail disponible entre toutes les mains ouvrières et sans réduction de salaire. Cette revendication ne pourra être satisfaite par aucun gouvernement capitaliste. Comme l’a remarqué León Trotsky, l’échelle mobile des salaires et des heures de travail préfigure la planification économique socialiste. Un système de revendications transitoires ne frappe pas seulement la propriété privée et les lois économiques du marché capitaliste, il vise aussi à mobiliser systématiquement les masses pour la révolution prolétarienne et amener à l’établissement d’un gouvernement ouvrier, basé sur les organes soviétiques du pouvoir ouvrier. Des comités de grève élus et révocables à tout moment peuvent être l’embryon du pouvoir des soviets. LO n’a pas soulevé même le plus petit début d’un tel programme.

LO capitule devant les flics et la terreur raciste

Le vote LO dans ces élections n’est évidemment rien d’autre qu’un vote de protestation sans perspective de lutte. « Avec le vote Arlette Laguiller : Leur faire craindre le monde du travail », avertit Lutte Ouvrière (15 mars).  « Le bulletin de vote peut inquiéter les possédants et réconforter les travailleurs », déclare Laguiller à la Mutualité, le 17. Mais il faut renverser les capitalistes et non les avertir ou les « inquiéter », et pour cela le prolétariat a besoin non pas d’être « réconforté » mais d’un programme révolutionnaire. Même en admettant tout cela, quelques-uns se poseront la question :  un vote pour LO n’est-il quand même pas un moyen de tirer une ligne de classe contre le front populaire au pouvoir, même de façon déformée ? La réponse nécessaire est un « non » déterminé.

Il s’est trouvé que LO a lancé sa campagne présidentielle au moment même où ont explosé les mobilisations de rue réactionnaires de la police et la gendarmerie. Ces mobilisations bonapartistes ont cherché à libérer les flics et les militaires des dernières entraves « civiles ». Que dit LO ? Lutte Ouvrière n° 1742 (7 décembre 2001) proclame sur deux pages  :  « Police, justice, gendarmerie… Le gouvernement aux prises avec ses propres services. »  « Les policiers avaient su faire reculer leur ‘patron’, le ministre de l’Intérieur », affirme triomphalement LO. Ensuite, le journal nous explique (on croirait lire un manuel scolaire « républicain ») que « la police, mais aussi les gendarmes, exercent des fonctions qui sont utiles à l’ensemble de la collectivité » ! Comme quoi ? Briser les grèves, tabasser les manifestations, chasser les immigrés ?! Mais attention, dit LO, ces « gardiens de l’ordre » ne sont pas seulement là pour les automobilistes et baigneurs ; ils sont « aussi » (!) les gardiens de l’ordre capitaliste !! Après cette belle leçon de « marxisme » dénaturé, Lutte Ouvrière en finit par applaudir ces « luttes » :

 « …ils ont fait une démonstration qui peut être utile à l’ensemble du monde du travail, et montré que, pour se faire entendre de l’Etat-patron, il peut être efficace de manifester son mécontentement dans la rue. »
Dans son numéro suivant, Lutte Ouvrière (14 décembre 2001) titre: « Vers une contagion des revendications sociales? Si c’est le moment, allons-y ! » C’est aussi le titre de l’édito d’Arlette Laguiller, qui commence ainsi :
« Après les concessions faites aux gendarmes dans le week-end des 8 et 9 décembre, la presse s’inquiète : et si cela donnait l’idée aux autres couches de salariés de revendiquer à leur tour ? Eh bien! ce serait une bonne chose. »
     

A gauche : rassemblement bonapartiste des gendarmes en uniforme, le 6 décembre 2001 à Cintegabelle, où ces flics paramilitaires ont vitupéré contre la loi de présomption d’innocence.  Lutte Ouvrière approuve les revendications des gendarmes pour les gilets pare-balles et leur mobilisation pour plus de terreur raciste ! A droite : exercice d’entraînement d’un corps de police européen anti-émeutes, le 29 janvier 2002 à Saint Astier. (Photos : Christophe Ena/AP)

L’éditorial se poursuit par une évocation pleurnicharde des « conditions de travail » des bandes armées du capital : 

« Même s’ils ne comptent pas parmi les salariés les plus défavorisés, leurs revendications, comme celles des policiers, étaient au moins en bonne partie fondées, non seulement sur le plan salarial, mais également en ce qui concerne leur dotations en équipement, telles que gilets pare-balles ou micro-ordinateurs. » 
Alors, « Tous ensemble » avec les flics pour des gilets pare-balles !  « Allons-y ! », signé… Arlette. Les instituteurs matraqués pendant leur manifestation à Nantes début mars, tout comme la famille de Moussa, apprécieront... Les cyniques de LO savent pertinemment bien qu’il s’agissait non pas de « dotations en équipement » mais de la loi Guigou, « texte dont policiers et aujourd’hui gendarmes se sont emparés pour manifester leur grogne » (le Figaro, 6 décembre 2001). C’était une mobilisation pour encore plus de terreur raciste.

Il n’est pas surprenant que LO soit incapable de prendre nettement position contre l’hystérie sécuritaire ; elle sermonne même, dans un article sur le meurtre de Moussa, les jeunes qui « préfèrent à l’école les copains de la cité » (Lutte Ouvrière, 18 janvier). LO caractérise à cette occasion la police d’« arrogante » mais jamais de raciste. Pas surprenant non plus que LO refuse de dénoncer Vigipirate – véritable acte de guerre raciste, qui est au cœur de la situation politique aujourd’hui.

LO s’est souvent retrouvée à la traîne ou même à l’avant-garde de mesures racistes prises par l’Etat capitaliste ; par exemple, en 1992, elle avait participé à l’expulsion d’une jeune fille musulmane qui portait un foulard à Villeneuve-la-Garenne  sous prétexte de la menace de l’« intégrisme islamique ». Tout au long de son histoire, LO a démontré une scandaleuse insensibilité à l’oppression raciste. Au mieux, dans les rares occasions où elle participe à des manifestations antiracistes, argumente en faveur du droit de vote pour les immigrés ou défend les sans-papiers, elle ne voit dans le racisme que des idées malheureuses. Elle est incapable d’opposer une perspective prolétarienne de lutte basée sur la puissance sociale de la classe ouvrière contre la ségrégation et la terreur racistes.

Pour un trotskysme authentique !

Ironiquement, des groupes qui se prétendent à gauche des trois grandes formations pseudo-trotskystes, comme Pouvoir ouvrier, officine française de la Ligue pour une internationale communiste révolutionnaire, en arrivent à les critiquer de la droite en déplorant la multiplicité des candidatures.

Même son de cloche chez la minorité publique de LO qui édite Convergences révolutionnaires. Elle critique la direction de LO pour ne pas avoir négocié une candidature commune avec la LCR. La minorité – dont les documents pour le dernier congrès de LO ont au moins le mérite (à l’encontre de la majorité) de parler d’autre chose que des candidats possibles et des résultats à espérer dans les élections à venir – affirme même souhaiter la défaite des impérialistes dans la guerre actuelle. Mais ce défaitisme en paroles est frappé de nullité dans les faits par son projet d’unité de tous les « trotskystes », y compris les sociaux-patriotes ouverts de la LCR.

     

Les candidats pseudo-trotskystes : Arlette Laguiller, Lutte Ouvrière ; Olivier Besancenot, Ligue Communiste Révolutionnaire ; (en bas) Daniel Gluckstein, Parti de travailleurs, avec Pierre Lambert (à droite). (Photos : Reuters, AFP)

Au niveau programmatique, la minorité de LO ne se différencie guère de la majorité. Elle critique, par exemple, le manque d’initiative de la direction lors de la manifestation nationale contre les licenciements du 9 juin 2001, tout en maintenant le mot d’ordre réformiste et utopique d’interdiction des licenciements par l’Etat capitaliste. Elle n’est pas en opposition non plus au scandaleux soutien aux manifestations de flics.

Plus « révolutionnaires » encore sont les faux naïfs de la Ligue trotskyste de France (LTF), section française de la Ligue communiste internationale (LCI), dont l’intransigeance programmatique est en carton-pâte. Une « Lettre ouverte à Lutte ouvrière » publiée par la LTF (10 mars) commence par un éloge de la campagne LO : 

« Dans cette campagne électorale il n’y a qu’une candidature qui cherche de façon rudimentaire à tracer une ligne de classe contre le gouvernement capitaliste : c’est celle d’Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière. Nous sommes d’accord avec elle que les dirigeants du PS sont du même monde que les Seillière et autres patrons qui exploitent les travailleurs dans les usines, et que  Jospin pratique la même politique que Chirac. » 
Et ainsi de suite pendant tout un paragraphe qui met en contraste la candidature LO avec celle de la LCR. La LTF prétend que « pour ces élections LO rompt avec son histoire fréquente de soutenir le front populaire … ». En plus d’être foncièrement fausse (la candidature LO ne trace pas de ligne de classe pas plus qu’elle ne rompt avec ses pratiques antérieures), cette flatterie honteuse est un ton nouveau pour la LTF.

En 1986, à l’époque où la LTF était encore révolutionnaire, elle avait appelé à un soutien critique aux candidats de LO qui avait abandonné sa politique précédente d’appeler à voter Mitterrand au deuxième tour des élections de 1981. Cinq après, la « vague rose » s'était échouée et, en bons économistes, LO appliquait la politique du « possible » pour récupérer les votes de travailleurs déçus. Mais le soutien farouchement critique de la LTF à l’époque était tout à fait différent du doucereux soutien critique conditionnel qu’elle prône actuellement. La nature des élections, elle aussi, était différente. En 1986, il y avait des protestations ouvrières contre la politique économique bourgeoise menée par Mitterrand, alors qu’aujourd’hui nous sommes en pleine guerre impérialiste, dont la guerre raciste contre les immigrés est le « front intérieur ». LO ne s’oppose pas a cette guerre, elle y participe plutôt.

La LTF nous rappelle qu’en 1981 elle avait envisagé un soutien critique au PCF qui se présentait indépendamment du front populaire, car il était isolé par la campagne de Guerre  froide. Elle nous rappelle aussi qu’elle a retiré ce soutien après que le PCF eut attaqué au bulldozer un foyer de travailleurs maliens à Vitry, une atrocité raciste réalisée dans le but de réintégrer le giron du front populaire. Ce n’est pas sans leçons pour les élections actuelles. Aujourd’hui, au milieu d’une guerre impérialiste « antiterroriste », la LTF pose comme « condition » pour soutenir LO que cette organisation dénonce Vigipirate tout en sachant pertinemment que LO a déjà applaudi aux manifestations policières  bonapartistes et racistes. La LTF veut qu’« Arlette » s’exprime « clairement » contre Vigipirate. Peut-être se satisfera-t-elle d’une phrase, ou même une demi-phrase, de la bouche de la candidate, qu’elle pourrait d’ailleurs très bien prononcer sans changer en rien sa politique « sécuritaire » à la traîne de celle du PS, du PCF et de l’ensemble des partis bourgeois. Main en dépit d’une mobilisation frénétique, la LTF n’a pas pu arracher la moindre concession, même de pure forme, de la bouche de Laguiller.

La réalité, c’est que la campagne de LO est une répétition des campagnes réformistes du PCF, comme elle-même le reconnaît. Un article du Nouvel Observateur (14 mars) évoque les « prolos d’Arlette » qui voteront LO « puisque Jospin et le PC ne s’intéressent plus à nous ». Il cite un politologue qui observe que beaucoup des votes pour Laguiller seront « pour faire pression sur Jospin de l’extérieur ». Le sociologue favori de Chirac, Emmanuel Todd, commente : « Le succès de Laguiller peut se lire comme un besoin de vrai réformisme. » Et c’est ça que la nouvelle LTF appelle « tracer la ligne de classe. » En fait, son actuel « soutien critique conditionnel » relève du même opportunisme que le reste de l' « extrême gauche » fascinée par le score électoral d'« Arlette ». La douceur de la « critique » et la ferveur de son appui s’expliquent par l’évolution politique de la LTF, désormais centriste, vers les positions de LO. Après tout, tant la LTF que LO n’appellent pas à la défaite de « leur » impérialisme dans la guerre, et toutes les deux n’appellent pas non plus à l’indépendance des colonies françaises, les DOM-TOM, mais formulent seulement des vœux pieux pour leur « droit » abstrait à l’autodétermination – qui ne les compromettent en rien.

La réalité, c’est que la candidature de Arlette Laguiller essaie de pousser le front populaire à gauche, et le soutien « critique » conditionnel de la LTF essaie de pousser LO à gauche. Pour Lénine, le soutien électoral que les révolutionnaires accordent aux réformistes a pour but de les « soutenir exactement comme la corde soutient le pendu » ; au contraire, avec son soutien obséquieux à LO, c’est la LTF qui se ligote à ces réformistes. Ce qu’elle applique, c’est la politique centriste de pression - pas la politique trotskyste de lutte intransigeante pour l’indépendance révolutionnaire du prolétariat pour laquelle se bat la Ligue pour la Quatrième Internationale. Le trotskysme incarne encore en France l’opposition prolétarienne au front populaire, héritage qui est prostitué par les organisations qui, abusivement, se prétendent révolutionnaires, mais qui sont en réalité des supplétifs du front populaire. Il faut démasquer ces organisations dont les candidatures servent de soupape de sûreté au gouvernement, un vote de protestation sans lendemain. Disons clairement, ces pourvoyeurs du crétinisme parlementaire ont pris leur place dans le train de bagage du front populaire de guerre.

Aujourd’hui encore, la question centrale reste : pour briser l’offensive bourgeoise et préparer la victoire, la classe ouvrière et les couches opprimées ont besoin d’un parti trotskyste, armé d’un programme non pour réformer le capitalisme, mais pour le détruire par la révolution socialiste internationale. Pour gagner, il faut un parti ouvrier multiethnique d’avant-garde qui combatte avec intransigeance la collaboration de classes pour balayer les bureaucrates réformistes, un tribun du peuple sur le modèle du Parti bolchevique de Lénine qui rassemblera derrière la classe ouvrière tous les opprimés. Ce parti sera construit dans la lutte pour reforger la Quatrième Internationale, authentiquement trotskyste, parti mondial de la révolution socialiste.

14 avril 2002


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