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novembre 2005 
De l’Irak au Brésil :

La libération des femmes est possible
seulement par la révolution socialiste

Marche des femmes à São Paulo, 8 mars 2005
Contingent de la Contag (syndicat des travailleurs agricoles) dans la Marche
mondiale des femmes à São Paulo, le 8 mars 2005. La lutte contre l’oppression
de la femme est inséparable de la lutte contre l’exploitation.

(Photo: Marcha Mundial das Mulheres)

L’article ci-dessous est traduit d’un bulletin de la Liga Quarta-Internacionalista do Brasil, section de la Ligue pour la Quatrième Internationale. Il est basé sur des meetings tenus par la LQB aux sièges du syndicat des professeurs d’Etat de Rio de Janeiro (SEPE-RJ) à Rio (18 février) et à Volta Redonda (23 février).

En ce 8 mars, Journée internationale des femmes, les droits des femmes sont attaqués à l’échelle mondiale. En Irak, les autorités de l’occupation coloniale sont en train d’imposer une domination chiite, pendant qu’au cœur même de l’empire nord-américain, le droit à l’avortement est menacé non seulement par les républicains de George Bush mais aussi par les démocrates. Ici, au Brésil, en cette troisième année du gouvernement dirigé par Luiz Inácio Lula da Silva et son Parti des travailleurs (PT), nous n’avons même pas gagné le droit élémentaire pour les femmes de contrôler leur propre corps et de mettre fin à une grossesse non désirée. Il y a plus de 1 400 000 avortements clandestins chaque année au Brésil, et des milliers de femmes meurent chaque année des complications qui en résultent. En même temps, près de 14 millions de femmes, constituant 45% de toutes les femmes salariées, et par-dessus tout les femmes noires, gagnent le salaire minimum (ou moins), un des plus bas du monde. Mais le gouvernement de front populaire de Lula, qui lie les travailleurs et les femmes à leurs exploiteurs et oppresseurs, s’oppose à l’obtention du droit à l’avortement et défend, becs et ongles, un salaire minimum de famine.

Nous, Ligue pour la Quatrième Internationale, qui nous sommes vigoureusement opposés au front-populisme du PT depuis 15 ans, luttons pour le droit illimité à l’avortement libre et gratuit sur simple demande de la femme, avec des soins médicaux de bonne qualité ; pour des garderies ouvertes 24 heures sur 24, afin de répondre aux besoins des mères qui travaillent ; pour un salaire égal à travail égal ; pour la socialisation des tâches domestiques et l’intégration des femmes dans le travail social productif à l’extérieur du foyer. En même temps, nous mettons en garde : simplement doubler le salaire minimum de misère (et cela dans un délai de quatre ans !), comme le propose la Marche mondiale des femmes, laisserait des millions de femmes condamnées à la pauvreté. Les féministes acceptent le système capitaliste, cherchant seulement à adoucir ses conséquences. Nous, trotskystes, en revanche, insistons qu’aucun gouvernement bourgeois ne veut ni ne peut mettre sur pied les mesures économiques qui sont nécessaires pour jeter les bases d’une véritable égalité entre les sexes et d’une libération des femmes de leur oppression séculaire, et que la libération des femmes sera seulement possible en unissant les efforts des travailleurs hommes et femmes dans une révolution socialiste internationale.

8 mars : Journée internationale des femmes – et lutte révolutionnaire

La Journée internationale des femmes est un jour de célébration de la classe ouvrière. Depuis le début du XIXe siècle, les femmes ont lutté pour leurs droits : une journée de travail de 8 heures, contre le travail des enfants, le droit de vote pour les femmes. En 1857, des femmes grévistes à New York avaient manifesté le 8 mars pour réclamer des salaires égaux et des conditions de travail décentes. Lors de la grande grève des travailleurs de l’industrie du vêtement à New York en 1908-1909, les ouvrières ont commémoré cette date. Inspirée par cette lutte, la dirigeante socialiste (plus tard communiste) Clara Zetkin a proposé à la II Internationale d’adopter officiellement le 8 mars comme Journée internationale des femmes. Elle fut célébrée pour la première fois en Allemagne en 1911. Deux semaines plus tard, 148 travailleuses d’une manufacture de vêtements à New York périrent dans un tragique incendie, une tragédie qui encouragea par la suite la lutte pour syndiquer les femmes.

Le 8 mars fut célébré en Russie pour la première fois en 1913, organisé par les bolcheviks, qui dans leur journal publiaient des exposés sur l’oppression de la femme et un programme pour son émancipation. En 1914, Anna Oulianova Elizarova, la sœur de Lénine, sortait le premier numéro de Rabotnitsa (La Travailleuse), dans des circonstances éprouvantes, la police ayant arrêté tout le comité de rédaction, sauf elle. C’était la première revue en Russie, et même dans le monde entier, concernant spécifiquement les questions de la libération de la femme. Nadejda Kroupskaïa, compagne de Lénine, écrivait dans l’éditorial du premier numéro de Rabotnitsa : « Ce qu’unit la travailleuse avec le travailleur est beaucoup plus fort que ce qui les sépare. Ils sont unis par leur manque de droits et par les besoins et conditions qu’ils ont en commun, c’est-à-dire leur travail, leur lutte et leurs objectifs communs. »

Comité de rédaction de Rabotnitsa en 1917A droite : le comité de rédaction de Rabornitsa en 1917.

La plus importante Journée internationale des femmes de l’histoire a eu lieu à Petrograd le 8 mars 1917 quand des ouvrières du textile entreprirent une grève « pour le pain et la paix » impliquant plus de 90 000 travailleurs et travailleuses. Ce fut le début de la Révolution russe, qui aboutit à la prise du pouvoir par les soviets, sous la direction des bolcheviks1, lors de la révolution d’Octobre qui donna naissance au premier Etat ouvrier de l’histoire. Parmi les plus importantes dirigeantes communistes, il y avait Rosa Luxemburg, dirigeante du Parti communiste allemand, qui fut assassinée en janvier 1919 sur ordre de la direction social-démocrate, Alexandra Kollontaï et plusieurs autres. La jeune république soviétique a très tôt légalisé l’avortement et le divorce, établissant l’égalité juridique pour les femmes. Encore plus important, elle a commencé à jeter les fondements économiques pour rendre possible la libération des femmes (garderies, restaurants collectifs, buanderies, etc.). L’Internationale communiste a adopté la pratique bolchevique de création d’organismes spéciaux pour le travail parmi les femmes, dans le but de gagner les meilleures combattantes à la cause révolutionnaire.

Beaucoup de ces acquis furent renversés ou limités à la suite de la contre-révolution politique menée par Staline et la couche de bureaucrates nationalistes qui ont trahi la politique internationaliste des bolcheviks Lénine et Trotsky. Mais la base économique des moyens de production collectivisés est demeurée, même si gravement affaiblie, jusqu’à la contre-révolution sociale qui a détruit l’Union soviétique et les Etats ouvriers déformés de l’Europe de l’Est entre 1989 et 1992. C’est pourquoi les trotskystes, tout en luttant en faveur d’une révolution politique prolétarienne pour renverser la bureaucratie parasitaire, ont toujours défendu l’URSS contre l’impérialisme et la menace de restauration capitaliste. A la suite du rétablissement du règne capitaliste, l’existence des travailleurs et travailleuses est devenue un véritable enfer. En Allemagne de l’Est (anciennement la République démocratique allemande – DDR), le pourcentage de femmes travaillant à l’extérieur de la maison est tombé de 95 à 50%, et plus de 500 000 enseignants furent licenciés en tant que « communistes ».

Offensive mondiale réactionnaire contre les femmes

Actuellement, la Journée internationale des femmes est commémorée dans différents pays, mais cet hommage a perdu son véritable sens en tant que jour de lutte prolétarienne. La bourgeoisie avec son appareil idéologique veut seulement démontrer la valeur des femmes comme ménagères, mères et épouses. C’est une tentative globale de confiner les femmes au foyer. Un des instruments utilisés pour cela est ce genre de romans dans lesquels la femme est toujours passionnée, recherchant le mariage dans le but de bâtir une famille. Friedrich Engels, dans son ouvrage L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat, nous montre comment la dévalorisation et l’oppression des femmes ont commencé avec la formation de la famille monogame qui, avec l’accumulation d’un surplus économique de biens, a donné naissance à l’héritage et à la nécessité de garantir la paternité, conduisant à la formation des classes et de l’Etat, afin de défendre les intérêts de la classe dirigeante. De cette façon, les femmes furent reléguées et devinrent la propriété des hommes.

Avec le développement industriel, la bourgeoisie avait besoin de la force de travail des femmes. En conséquence, les femmes sont retournées travailler, un des aspects cruciaux de leur émancipation, mais dans les conditions d’exploitation, transformant les femmes en main-d’œuvre bon marché. Sans aucune aide pour les soins aux enfants, sans garderies, buanderies et restaurants gratuits, le travail est devenu un fardeau pour les femmes. Aujourd’hui, les nouvelles industries de haute technologie embauchent prioritairement de jeunes travailleuses, plusieurs d’entre elles étant des mères célibataires. Les femmes ont maintenant accès à plus d’emplois, mais avec des salaires inférieurs à ceux gagnés par les hommes. Néanmoins, même avec toute cette oppression, les femmes continuent de lutter pour leurs droits, ce qui inquiète toujours la bourgeoisie.

Comme le socialiste utopiste français Charles Fourier l’écrivait il y a presque deux cents ans, en 1808, dans une phrase mémorable citée par Karl Marx dans Le Capital  « Le degré de l'émancipation féminine est la mesure du degré de l'émancipation générale. » Pour les marxistes, le complément de cette observation est que la libération des femmes de leurs oppression et exploitation séculaires est intimement liée à la lutte de tous les secteurs des opprimés. (Voir la brochure de la LQB, Libertaçao  da mulher mediante a revoluçao socialista.)

Partout à travers le monde, les attaques contre les femmes ont été brutales, particulièrement dans les pays semi-coloniaux. Le Jornal do Brasil (6 février 2005) a récemment publié un article intitulé « Où c’est un risque d’être femme » :

« En Inde, le nombre de femmes est très inférieur au nombre d’hommes : pour 1000 hommes, il y a 927 femmes. Au Pendjab, la moyenne est de 793. La préférence pour les bébés mâles conduit à la suppression d’embryons femelles. Dans l’Etat du Pendjab, au nord de ce pays, les cas de grave malnutrition sont beaucoup plus répandus parmi les filles nouvellement nées, 18,35% comparé à 2,35% parmi les bébés mâles, selon les statistiques du gouvernement. Le nombre de garçons qui ont appris à lire et à écrire est le double de celui des filles; concernant le traitement des maladies, les garçons y ont aussi la préférence. Dans ce pays, 80% de la population indienne est de religion hindoue, qui croit dans la perpétuation de la famille par la lignée patriarcale. De nombreuses femmes souffrent de mauvais traitements de la part de leur mari ou beaux-parents si elles n’ont pas de bébé mâle. »

Dans le Nord du Nigeria, la loi islamique, la charia, a été introduite. La Ligue pour la Quatrième Internationale a dénoncé le cas de Safiya Hussain, une femme de 35 ans condamnée à mort par lapidation pour le prétendu « crime » d’adultère (voir « Stop à l’exécution de Safiya Hussain, Libérez-la immédiatement ! »)  The Internationalist n°13, mai-juin 2002.

En Afghanistan et en Irak : les femmes sous occupation coloniale

Aujourd’hui en Afghanistan, les impérialistes se vantent du soi-disant « triomphe » de la « démocratie » depuis que les femmes afghanes votent. Mais les Afghanes sont toujours enfermées dans l’esclavage féodal. Le président américain Bush se flatte d’avoir envahi le pays et renversé le régime des talibans dans le but de libérer les femmes. Mais les talibans, comme leurs rivaux moudjahedin maintenant au pouvoir à Kaboul, étaient financés, entraînés et armés dans les années 80 par les impérialistes qui avaient mis sur pied une force contre-révolutionnaire pour combattre l’Union soviétique et le régime petit-bourgeois réformiste en Afghanistan. A cette époque, les guerriers islamiques tuaient des enseignants hommes et femmes qui apprenaient à lire et écrire aux jeunes filles. Toute la gauche brésilienne (PT, PSTU2, PCO3, POR4 et autres) s’est jointe à l’hystérie antisoviétique, pendant que les trotskystes authentiques proclamaient : « Salut à l’Armée rouge en Afghanistan! Étendez les acquis sociaux de la révolution d’Octobre aux peuples afghans ! ».

Des femmes afghanes en burka votent dans les « élections » bidon sous l’occupation coloniale par les impérialistes nord-américains et européens (octobre 2004)
(Photo: Emilio Morenatti/AP)

Après que Gorbatchev et la bureaucratie stalinienne eurent retiré les forces soviétiques du pays – un acte qui constitua un coup mortel pour l’existence même de l’Union soviétique –, la situation des femmes afghanes a subi un grave revers : l’éducation des filles fut interdite et les enseignantes licenciées. Dix ans plus tard, les impérialistes ont « découvert » la situation infernale des femmes afghanes, dans le but de transformer cette question en bannière de combat pour leur terroriste « guerre contre le terrorisme ». Alors que de nombreux « gauchistes » sont demeurés silencieux sur l’oppression des femmes en Afghanistan, et l’ont même excusée avec des références à la culture islamique, la Liga Quarta-Internacionalista et le Comitê de Luta Classista (groupe d’opposition syndicale lié à la LQB) l’ont dénoncée. En 2002, lors du congrès de la Confédération nationale des travailleurs de l’éducation (CNTE), le délégué du CLC a proposé au vote une motion disant, entre autres choses :

« A Kaboul et ailleurs, les femmes, à l’exception de quelques cas exceptionnels, continuent à être confinées dans la prison mobile de la burka (un voile qui couvre le corps entier de la femme, faisant d’elle une créature sans visage). Elles marchent toujours comme des ombres au milieu des ruines des villes et villages détruits par les bombes des alliés intégristes de l’impérialisme depuis plus de 20 ans et ensuite par la guerre actuelle des impérialistes. Maintenant que la ‘liberté’ a soi-disant été réalisée, les porte-parole capitalistes disent que les femmes portent la burka non pas à cause de la terreur des talibans mais parce qu’elles décident ‘librement’ de se couvrir elles-mêmes avec ce tissu. Les impérialistes ont ‘gagné’ et les femmes afghanes ont perdu encore une fois. »

Le PSTU réformiste a fait intervenir une de ses partisanes pour argumenter contre le vote de cette motion.

A la suite de leur « triomphe » en Afghanistan à la fin de 2001, les impérialistes ont envahi l’Irak en mars 2003, imposant un sanglant règne colonial. Le porte-parole de l’impérialisme yankee affirme que leur but était de libérer les Irakiens du joug du dictateur « diabolique » Saddam Hussein. Au contraire, ils ont plongé les Irakiens dans l’enfer. Récemment, après la tenue d’élections bidon à la fin de janvier sous la menace des fusils, les administrateurs coloniaux sont maintenant en train d’installer un pseudo-gouvernement chiite. Ces satrapes des vrais empereurs des terres mésopotamiennes ont déclaré leur intention d’imposer la charia qui placerait légalement les femmes sous le contrôle des hommes, les isolant et institutionnalisant la négation de leurs droits démocratiques. Le « Conseil d’administration irakien », qui a servi de couverture aux impérialistes, a déjà essayé d’y recourir, approuvant le décret 137 en décembre 2003, qui a déchaîné les protestations des femmes à Bagdad et dans d’autres villes irakiennes.

Jusqu’à la guerre du Golfe en 1990-1991, l’Irak était un des pays les plus laïcs du Proche-Orient, même si le progrès social était largement limité aux centres urbains. Les femmes dans la capitale et les grandes villes étaient habillées de vêtements européens, comme le faisaient les hommes; des jeunes femmes portaient même des minijupes. Cela ne se reflétait pas seulement dans l’habillement : il y avait un nombre significatif de femmes professeurs d’université, médecins et enseignantes. Mais ce n’était pas à cause d’une quelconque vertu de Saddam Hussein, un dictateur nationaliste brutal dans la continuité de Chang Kaï-chek en Chine avant la révolution. Dans les années 60 et 70, Hussein était l’homme de la CIA à Bagdad, spécialisé dans les coups d’Etat et les massacres de communistes.

Les relatives avancées des femmes irakiennes étaient le résultat du fait que le pays a connu les débuts d’une révolution sociale en 1958, avec la chute de la monarchie hachémite imposée par les Britanniques. La première loi sur la condition des individus fut publiée en 1959 par le gouvernement du général Kassem, qui incluait une femme ministre du Parti communiste. Haifa Zangana, une ancienne romancière qui fut plus tard emprisonnée par Saddam Hussein, raconte :

« Les femmes furent impliquées dans la révolution de 1920 contre l’occupation britannique, y compris dans la lutte armée. Dans les années 50, les partis politiques ont créé des organisations de femmes. Toutes exprimaient le même principe : en luttant côte à côte avec les hommes, les femmes se libèrent aussi par elles-mêmes. Ce qui trouva sa confirmation dans les suites de la révolution de 1958, qui a mis fin à la monarchie imposée par les Britanniques, quand les organisations de femmes réalisèrent en deux ans ce que plus de 30 ans d’occupation britannique avaient échoué à faire : l’égalité juridique.

« Ce processus a mené l’UNICEF à écrire dans son rapport de 1993 : ‘Rarement les femmes dans le monde arabe bénéficient d’autant de pouvoir qu’elles en ont en Irak (…) Les hommes et les femmes doivent recevoir un salaire égal pour un travail égal. Le revenu d’une épouse est reconnu comme étant indépendant de celui de son époux. En 1974, l’éducation est devenue gratuite à tous les niveaux et en 1979 elle est devenue obligatoire pour les garçons et les filles jusqu’à l’âge de 12 ans’. »

–Haifa Zangana, « Silence ou j’appelle la démocratie » Guardian [Londres], 22 décembre 2004

La participation du Parti communiste aux gouvernements capitalistes après le soulèvement de 1958 suivait le dogme stalinien de « la révolution en deux étapes », donnant un appui politique au nationaliste bourgeois Kassem. Plus tard, ils ont fait la même chose avec Saddam Hussein. En échange de cette trahison réformiste des intérêts des travailleurs irakiens, des milliers de communistes furent tués.

Même ainsi, Hussein ne fut pas capable d’éliminer tous les acquis sociaux gagnés alors, malgré sa recherche de compromis avec les intégristes islamiques. Ce qu’il fut incapable de faire, les impérialistes l’accomplissent maintenant : en rejetant les femmes dans des conditions médiévales. Aujourd’hui, les Irakiennes qui sortent dans la rue sans leur voile noir (abaya, une prison vestimentaire qui couvre le corps en entier, de la tête aux pieds) courent le risque d’être tuées, si ce n’est pas par les intégristes chiites alliés aux occupants américains, alors elles le sont par les intégristes sunnites qui dominent l’opposition au régime colonial. Aujourd’hui, les trotskystes luttent pour la défaite des impérialistes en Irak et en Afghanistan, et pour la défense des peuples de ces pays, saluant chaque coup contre le régime colonial. Mais nous le faisons à partir d’une position internationaliste et prolétarienne, tout comme nous mettons en garde en même temps contre le danger posé par les islamistes qui ne sont en aucune façon des ennemis de l’impérialisme, mais qui, au contraire, recherchent la coexistence avec le « Grand Satan ».

Au Brésil, le front populaire de Lula perpétue l’oppression des femmes

Au Brésil, la question femmes est liée directement à la gamme complète de l’oppression sociale. Elle est inséparable de la lutte des paysans sans terres. La plus importante personnalité qui en est venue à symboliser la violence contre les femmes est Margarida Maria Alves, la dirigeante du syndicat des travailleurs agricoles qui fut assassinée il y a 20 ans à l’instigation des propriétaires du moulin à cannes à sucre de Paraiba. Sa mort est commémorée chaque année le 26 août lors de la « Marche des Margaridas ». Pendant que le front populaire occupe le Palacio do Planalto (le palais présidentiel), les militants paysans continuent à être abattus de sang-froid par les jagunços (les armées privées de tueurs professionnels des propriétaires terriens). Une preuve stupéfiante en est l’assassinat récent de la religieuse Dorothy Stange par un homme de main envoyé par un  fazendeiro (propriétaire d’un domaine) qui avait été accusé d’utiliser des esclaves. Et, alors que le gouvernement Lula exécutait à la lettre les programmes ant-ouvriers du FMI, sans même se conformer à son but minimal de réforme agraire, il prétend répondre  aux misérables conditions de vie des plus pauvres avec des programmes d’aide sociale tels que « Faim Zéro » et « Traitement familial ». Mais ces programmes ne vont même pas au-delà d’une aumône ridiculement infime de nourriture aux familles affamées.

L’oppression des femmes est aussi liée intimement au problème des enfants de la rue, qui souffrent de privation, humiliation, agression, torture et même meurtre, principalement de la part de la police. L’affaire la plus connue a eu lieu à Rio de Janeiro en 1993, quand huit jeunes enfants qui dormaient au centre de la ville, près de l’église Candelaria, furent abattus par des policiers. Mais ce n’est pas seulement une question historique. Le Jornal do Brasil (30 janvier 2005) rapporte en première page : « Jeunes gens exterminés - en un an, 51 enfants et jeunes meurent violemment au centre-ville. Les ONG5 suspectent une action planifiée ». Les enfants et les jeunes sont aussi à la merci des gangsters de la prostitution et de l’industrie du trafic de drogue, et des officiers de l’armée qui terrorisent les favelas (taudis) au nom de la « guerre contre la drogue », qui est en réalité une guerre contre les pauvres. Aujourd’hui, la torture est plus fréquente que durant les années de la dictature (1964-1985) ; la différence est que maintenant il n’y a pas de protestation, parce que ce ne sont pas les enfants de la classe moyenne qui sont torturés mais les habitants des taudis.

En Amérique latine, l’Eglise catholique (à la fois directement et par le biais d’organisations telles que « Familles pour la vie ») ainsi que de nombreuses sectes intégristes protestantes sont des bastions de la réaction sociale, qui cherchent à enchaîner les femmes à la famille. Ce sont des adversaires implacables du droit au divorce, de l’utilisation des contraceptifs et de l’avortement, même dans le cas de fœtus anencéphales (privés de cerveau). Le principal dirigeant des forces catholiques au Congrès, Severino Cavalcanti, l’auteur de la loi proclamant le « Jour des enfants à naître » a été élu président de la Chambre des députés suite à une manœuvre de Anthony Gortinho du PMDB6. Le gouverneur actuel de l’Etat de Rio de Janeiro, Rosinha Garotinho, également du PMDB, viole la Constitution qui promet des écoles laïques, une réalisation gagnée au siècle des Lumières. Elle veut retourner au Moyen Age, à l’époque de l’obscurantisme, en imposant l’éducation religieuse par le feu et l’épée.

L’avortement est un des points les plus fondamentaux de la défense des femmes. Sous ce système capitaliste, de nombreuses femmes sont incapables de s’occuper de leurs enfants et finissent par les abandonner. Les femmes ont voté à une grande majorité pour le Parti des travailleurs de Lula lors des élections de 2002 et plusieurs militantes du PT occupent maintenant des postes dirigeants dans le gouvernement. En juillet dernier, la Conférence nationale des politiques pour les femmes a approuvé une résolution cadre pour la légalisation de l’avortement. Cependant, en dépit de cela, le PT n’a pas défendu le droit à l’avortement. Lula lui-même a demandé à la Conférence de faire preuve « d’une patience de femme » envers son gouvernement (Folha de S.Paulo, 16 juillet 2004). Les organisations féministes pensaient qu’elles réussiraient finalement à faire bouger le gouvernement quand le ministre de la Santé a publié en septembre une « norme technique » demandant des soins médicaux pour les femmes qui ont subi un avortement et la Cour suprême a approuvé une injonction qui autorisait l’avortement dans les cas des fœtus anencéphales. Cependant ces mesures ont été bloquées.

Aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les forces ouvertement réactionnaires qui ont placé des obstacles dans la voie pour gagner le droit à l’avortement. L’Eglise catholique a des défenseurs à l’intérieur du PT, tels que Angela Guadagnin de Sao Paolo, une membre de « Pro-Vie » dans son diocèse, qui s’est maintenant prononcée contre l’élargissement des lois qui en ce moment permettent l’avortement seulement dans le cas de viol et quand la vie de la mère est en danger. Parmi les autres membres du PT qui sont férocement opposés au droit à l’avortement, il y a le sénateur Marina Silva, de l’Etat d’Acre, et Hélio Bicudo, qui fut maire-adjoint de Sao Paulo sous le règne de Marty Suplicy. Dans une interview à Folha de S.Paulo (13 décembre 2004), Bicudo déclara que le débat sur l’avortement est « inopportun » et s’est déclaré lui-même « absolument opposé » à l’avortement dans le cas de fœtus qui n’ont pas de cerveau.

Maintenant, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il ne fera pas de changement dans les lois sur l’avortement, laissant les membres du Congrès voter selon leur « conscience » sur le sujet (par contraste, lors du vote sur la « réforme » des pensions, les députés du PT qui ont voté contre cette attaque contre la classe ouvrière furent exclus du parti). Mais, même la « gauche » ne lutte pas sérieusement contre le refus du PT de légaliser l’avortement. Elle s’est alliée avec les partisans catholiques de la théologie de la libération à l’intérieur du PT et ne combat pas ces forces rétrogrades parce qu’elles l’ont rejointe en élisant ce gouvernement de front populaire qui défend le système capitaliste. Bien sûr, chaque 28 septembre, célèbre-t-elle de manière rituelle le jour latino-américain pour la légalisation de l’avortement. Mais, pour le 8 mars, Journée internationale des femmes, même la Marche mondiale des femmes ne mentionne pas le droit à l’avortement dans sa « Lettre mondiale des femmes pour l’humanité ». Ses 17 revendications font seulement une référence timide à la « reconnaissance du droit des femmes à décider de leur vie, de leur corps et de leurs fonctions reproductives ». Ce n’est pas un hasard, la « Marche » est basée sur des conférences internationales sur les femmes parrainées par les Nations Unies (à Beijing et au Caire) qui ont refusé de défendre le droit à l’avortement suite aux pressions des gouvernements islamiques, de l’Eglise Catholique et des Eglises intégristes protestantes.

Au fond, les féministes et les réformistes du PT ne luttent pas pour les droits des femmes parce qu’ils ne luttent pas contre la classe dirigeante et le gouvernement bourgeois qui défend ses intérêts. Pour la même raison, ils ne défendent pas les droits des homosexuels, brimés par les forces réactionnaires qui considèrent les gays comme un « danger » pour la famille, la base pour le traditionalisme et le conservatisme dans la société capitaliste. Nous, trotskystes, luttons pour l’abolition de la famille telle que proclamée dans le Manifeste du Parti communiste et pour son remplacement par des institutions collectives qui libèrent les femmes de l’esclavage domestique. En même temps, nous appelons en faveur de la pleine égalité pour les droits des homosexuels, incluant le droit au mariage ou aux unions civiles.

La vérité est que ce gouvernement bourgeois de front populaire poursuit la même politique que les présidents qui l’ont précédé. Ses priorités sont celles des grands capitalistes; il a exécuté à la lettre les programmes anti-ouvriers du FMI. Les femmes du PT qui ont des positions importantes dans le gouvernement, telles que l’ancienne gouverneur de Rio de Janeiro, Benedita da Silva, et les anciennes maires de Sao Paulo Marta Suplicy et Luiza Erundina, maintenant dans le PSB7, n’ont pas seulement rien fait pour les droits des femmes, mais elles ont été de féroces briseurs de grèves au service des intérêts du capital, envoyant la police tabasser les syndicalistes en lutte, hommes et femmes. C’est seulement en construisant un parti ouvrier révolutionnaire qui lutte pour la révolution socialiste internationale que l’on peut réaliser l’émancipation définitive de la femme de son oppression, libérant ainsi la capacité créatrice de la moitié de l’humanité des obstacles qui barrent le chemin d’une vie de dignité et de pleine participation à la société sans classesn 


1 Les soviets (conseils ouvriers) sont apparus lors de la Révolution russe de 1905, qui échoua, et de nouveau lors de la Révolution russe – victorieuse – de 1917 et constituaient la base de l’Etat soviétique dans ses premières années. Ils furent plus tard vidés de leur contenu avec l’usurpation du pouvoir politique par la bureaucratie nationaliste conservatrice sous Staline, en 1923-1924. Le Parti bolchevique était dirigé en 1917 par V.I. Lénine et Léon Trotsky. En opposition avec les partis sociaux-démocrates « larges », qui ont presque uniformément capitulé face à leur propre bourgeoisie lors de la Première Guerre mondiale impérialiste, les bolcheviks furent un parti révolutionnaire d’avant-garde, qui a pris une position défaitiste révolutionnaire dans cette guerre, jetant les bases pour la conquête du pouvoir, juste après.

2 Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado, Parti socialiste des travailleurs unifié, disciples du pseudo-trotskyste argentin Nahuel Moreno, décédé en 1987.

3 Partido Causa Operária, Parti de la cause ouvrière, allié avec le pseudo-trotskyste argentin Jorge Altamira.

4 Partido Operário Revolucionário, Parti ouvrier révolutionnaire, disciples du pseudo-trotskyste bolivien Guillermo Lora.

5 Organisations non gouvernementales (ONG), groupes soi-disant privés faisant dans le social et l’ « humanitaire » qui sont en fait financés par les gouvernements ou des associations caritatives et autres « fondations » mises sur pied par des dirigeants capitalistes dans le but de canaliser le mécontentement et combattre la gauche.

6 Parti du mouvement démocratique brésilien, un mouvement mis sur pied sous la dictature pour servir de fausse opposition au régime militaire.

7 Parti socialiste brésilien, un parti bourgeois dirigé par le propriétaire foncier du Nord-Est Miguel Arraes, qui fait partie du gouvernement de front populaire dirigé par le PT.


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