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mai 2007 Après les
présidentielles, l’offensive réactionnaire
contre les jeunes et les travailleurs France : la droite dure au gouvernail Pour
vaincre Sarkozy, il faut en finir avec
les alliances de collaboration de classes Les ambitions bonapartistes de Sarkozy... (Illustration: The Economist) De la
campagne présidentielle la plus épouvantable qu’ait
connue la France depuis longtemps est sorti vainqueur le candidat qui
incarnait
le plus la surenchère électorale chauvine et
l’acharnement patronal à en finir
avec les minces acquis syndicaux qui subsistent encore après un
quart de siècle
de démantèlement de l’ « Etat
providence ». Nicolas Sarkozy a
été installé à l’Elysée pour
proclamer le décès du « modèle
français ». Erigé au lendemain de la
Deuxième Guerre mondiale impérialiste
pour conjurer le spectre de la révolution ouvrière, ce
modèle cherchait à
maintenir la « paix sociale » en concédant
notamment tout un ensemble
de services publiques et de mesures allégeant les conditions de
travail. Avec
la disparition de l’Union soviétique et l’affaiblissement des
organisations
ouvrières en Occident, les capitalistes croient avoir
écarté pour toujours la
« menace » du communisme qui a balayé
toute l’Europe. Dorénavant, les
patrons français veulent concurrencer sur le marché
capitaliste mondial leurs rivaux
américains, britanniques et
japonais sans avoir à supporter les
« charges » sociales jugées maintenant
inutiles. L’heure est à la guerre de classe contre les
travailleurs et toute la
population considérée
« improductive » (pour les profits !). ...doivent
se heurter à une forte opposition de classe ouvrière.
À droite : les grévistes de PSA Peugeot
Citröen à Aulnay-sous-Bois. Le
candidat des actionnaires du CAC40 et des multinationales
françaises utilise
son score électoral pour réclamer une
légitimité sans appel afin d’opérer
la « rupture » qu’il prétend
décréter à toute vitesse. La victoire de la droite
dure dans les urnes est
indéniable, produit d’un climat de réaction tous azimuts.
Mais l’écart des voix
entre Sarkozy (53%) et son adversaire Royal (47%) est moindre qu’en
d’autres
occasions sous la Ve République. En réalité, le
nouveau président tient tous
les atouts politiques en main parce que ni Royal ni les autres
principaux
candidats (Bayrou, Le Pen) n’avaient présenté de
programme contraire.
« Sarko » contre
« Ségo » était une
compétition entre deux
postulants ayant la même politique fondamentale, et une
majorité des électeurs
a préféré l’original à la copie. Cette
politique représente un consensus au
sein de la bourgeoisie française, et la candidate
« socialiste »
était en fait celle d’une coalition bourgeoise, appuyée
aussi par de petits
partis capitalistes comme les Radicaux de gauche (PRG) et le Mouvement
des
citoyens (MDC) de Jean-Pierre Chevènement. Elue, Royal aurait
installé un
gouvernement pleinement capitaliste. Comme
toujours, ce front populaire de collaboration de classes avait
l’objectif d’enchaîner les travailleurs à un secteur de la
bourgeoisie. La
responsabilité de cette politique n’incombe pas à la
seule candidate du PS,
issue d’une famille militaire coloniale, formée à l’ENA
(Ecole nationale
d’administration), représentante d’une « gauche
caviar »,
suffisamment riche pour qu’elle et son compagnon doivent payer l’ISF
(impôt de
solidarité sur la fortune). C’est aussi celle des bureaucrates
syndicaux, du
PCF, des dirigeants des ONG qui faisaient campagne pour
« Tout sauf
Sarko », ainsi que celle des cinq candidats du premier tour
des élections
qui se situaient à la gauche du PS et qui ont pu ainsi
récupérer les voix de
travailleurs et d’habitants des cités pour
l’élégante énarque front-populiste. Si la campagne
présidentielle a démontré la banqueroute d’une
gauche parlementaire
« social-libérale », elle a aussi mis
à nu le cul-de-sac dans lequel
se trouve une « extrême gauche »
plongée dans le front-populisme.
Olivier Besancenot, pour la LCR, a pu certes améliorer
légèrement ses
résultats, mais l’ensemble du vote de « la gauche de
la gauche » a
nettement régressé par rapport à 2002 du fait du
« vote utile » en faveur
du PS. Ce qui veut dire que cette « extrême
gauche » n’est que la
cinquième roue du front populaire (voir « L’
‘extrême gauche’ française à
la dérive », page 5). Le
tout-répressif de Sarkozy a gagné surtout à cause
de l’absence d’alternative.
Quand il entonnait le refrain que les
jeunes de banlieue « issus de l’immigration »
doivent « aimer la
France », Royal répondait que toute chaque famille
devait avoir un drapeau
tricolore dans son armoire. En plus, elle faisait chanter à ses
partisans
« La Marseillaise », avec son couplet sur le
« sang impur »
des étrangers qui devra « abreuver nos
sillons » ! On
n’avait pas vu déferler autant de xénophobie dans une
élection depuis 1981, à
l’époque où PCF faisait campagne sur
« Produisons français » et
envoyait un bulldozer démolir un foyer de travailleurs maliens
dans sa
municipalité de Vitry. Dans leur grand débat
télévisé du 2 mai, la candidate
qui voulait incarner « La France
présidente » a été réduite
à une
série de réponses « oui, mais ».
Les expulsions massives d’immigrés,
le refus d’une régularisation générale des
sans-papiers, les peines de prison
ferme et les régimes de discipline
militaire pour les jeunes ? Elle était d’accord sur tout,
essayant même
parfois de le doubler sur la droite. Elle promettait seulement de
réaliser ces
mesures draconiennes « plus humainement ». L’homme à cheval blanc en Camargue. George Bush à la française... ou le général Boulanger? (Photo: AP) Constater l’identité
fondamentale des programmes de Sarkozy et de Royal n’oblige nullement
à
sous-estimer le danger que représente le président
nouveau élu. Ses prédilections
napoléoniennes sont évidentes
pour tous, comme en témoigne la manchette même de l’Economist
(14 avril)
qui le proclame « la chance de la
France ». Il a affiché aussi sa vocation
bonapartiste dans l’étrange
spectacle qu’il a offert durant la campagne en s’exhibant devant les
caméras
sur un cheval blanc en Camargue. S’il essayait ainsi de ressembler
à George
Bush, plutôt qu’un cow-boy
français il donnait l’impression d’imiter le
général Boulanger, l’homme à
cheval qui s’était posé en sauveur de la
République alors qu’il voulait
l’anéantir sous un régime militaire. Mais si le
boulangisme était voué à
l’échec et sa « figure de proue » faisait
un peu ridicule avec ses
discours belliqueux, le sarkozysme promet d’être plus dangereux.
Quand il
qualifie les jeunes de banlieue de « racaille »
et de
« voyous » et qu’il promet de
« nettoyer au Kärcher », on
sait bien que les policiers sont tout à fait prêts
à mettre à exécution ses
menaces. Lors des premiers
affrontements de protestation de novembre 2005
suite à l’électrocution de Bouna Traore et
Zyed Benna poursuivis par des
flics, la réponse policière ordonnée par Sarkozy,
alors ministre de
l’Intérieur, a été d’encercler les cités de
« banlieue » et d’y
imposer un état de siège. Chirac le
généralisera ensuite en proclamant un état
d’urgence avec des décrets (n° 1386 et 1387) qui
donnaient aux préfets des
pouvoirs presque illimités. Ce sont là des
préparatifs pour la guerre civile,
et si la gauche parlementaire et l’« extrême
gauche » électorale
n’ont pratiquement rien fait pour combattre ces mesures, c’est une
preuve de
leur impuissance face au danger sarkozyste. Pendant la récente
campagne, le 27
mars, une intervention policière musclée à Gare du
Nord contre un usager qui
fut accusé (d’ailleurs à tort) d’être
« en situation irrégulière » a
soulevé des protestations qui furent dépeintes dans les
médias comme des
« violences » pour alimenter la campagne
« sécuritaire » de
Sarkozy. Tout comme sa chasse aux sans-papiers, traqués comme de
dangereux
malfaiteurs à grands renforts de police, sous l’œil complaisant
des caméras de
télé chargées de publiciser ses
« exploits ». Comme Berlusconi en
Italie, autre politicien aux ambitions bonapartistes semblables,
Sarkozy est
pleinement capable de fabriquer un casus belli pour s’emparer
d’un pouvoir
absolu. Mais entre être capable de
le faire et pouvoir l’achever avec succès, il y a tout un
parcours à faire. Un
politicien comme Sarkozy, qui veut identifier des
« gênes de la
délinquance » à l’âge de trois ans et
qui introduit une loi pour droguer
les enfants ainsi « identifiés », a
certainement vocation à instituer
un régime autoritaire. Il y a aussi la tendance quasiment
universelle parmi les
bourgeoisies impérialistes et semi-coloniales d’introduire des
mesures d’Etat
policier au nom du combat contre le terrorisme. Mais, même avec
tout leur
appareil répressif, leur contrôle des médias et
leur prétendue légitimation
sortie des urnes, ils peuvent être battus par une mobilisation
ouvrière
beaucoup plus puissante. Quand, en mai
1968, le gouvernement allemand de grande coalition a voulu
introduire
des lois d’Etat d’urgence (Notstandsgesetze), il a dû
reculer devant les
énormes manifestations de centaines de milliers
d’étudiants et travailleurs
appelées par les syndicats jusqu’alors plus que complaisants.
Mais, par-dessus
tout, pour que les projets de réformes antiouvrières de
Sarkozy et ses mesures
répressives se heurtent à une résistance
effective, tout dépend d’une direction
vraiment révolutionnaire, inexistante à ce moment et
qu’il faut forger. Sarkozy
se présente comme un partisan convaincu du libéralisme
économique et trouve le
code du travail actuel trop rigide car ne permettant pas de licencier
la
main-d’œuvre aussi facilement que le voudrait le patronat. Il veut
réformer,
c’est-à-dire détruire le modèle de
sécurité sociale existant, faussement accusé
d’être à l’origine du déficit budgétaire de
l’Etat, alors que les exonérations
de charges et aides publiques au profit des grosses entreprises
privées ont
atteint plus de cent milliards d’euros ces dernières
années. Bien qu’ayant été
discret lors de l’introduction du Contrat première embauche
(CPE) en 2006
(surtout pour affaiblir son rival potentiel, le premier ministre
Dominique de
Villepin), il est certain qu’il a des propositions encore pire,
prêtes à être
sorties des tiroirs. Il n’y a pas de doute que les groupes capitalistes
qui le
soutiennent veulent pousser Sarkozy à devenir un
« « Margaret
Thatcher » ou un « Ronald Reagan »
à la française. Certain aussi
que le Parti socialiste, maintenant en plein désarroi, dont la
candidate avait
proposé un « Contrat première chance à
l’embauche », presque identique à
celui de De Villepin, n’offrira aucune opposition réelle. Que
faire
alors ? Provocation
policière à Aulnay-sous-Bois la nuite du 6 mai. Où
en était la défense ouvrière des jeunes
ciblés par les flics ? Personne l'organisait. Il
faudra intervenir dans les luttes des travailleurs, des jeunes et des
immigrés
afin de les préparer et de les orienter pour une confrontation
inévitable avec
le pouvoir. Pendant la campagne électorale, ce ne sont pas les
possibilités de
le faire qui ont manqué. La grève de six semaines
à PSA-Aulnay (menée par des
travailleurs en grande partie issus de l’immigration) était une
opportunité
parfaite. Leur revendication de 300 d’euros d’augmentation de salaire
pour tous
pouvait être reprise par de larges couches de travailleurs. Cette
grève se
déroulait dans un département (la Seine-Saint-Denis)
où vit et travaille une
importante population ouvrière et immigrée. Plusieurs
villes du département,
dont Aulnay elle-même, avaient été les cibles de
provocations policières. On
aurait pu mobiliser les grévistes pour étendre la
grève aux autres usines et
entreprises non seulement du groupe PSA mais aussi de la région.
Il fallait
organiser des comités de soutien et des rassemblements de
solidarité dans
toutes les villes du département, englobant des travailleurs et
des jeunes, des
hommes et des femmes des quartiers, pour manifester sur Paris. Mais, au
lieu de
cela, les directions syndicales ont mené cette grève
comme une lutte de
routine. Et quand, la nuit du 6 mai, à la suite de l’annonce de
la victoire de
Sarkozy, les policiers ont lancé une provocation contre une
foule paisible, ni
les syndicats, ni les partis de gauche PS et PCF, ni les organisations
d’« extrême gauche » n’ont appelé
aux travailleurs à aller au secours
des jeunes et des habitants des HLM. Au même moment, le
mécontentement
s’amplifiait chez les travailleurs d’Airbus frappés par les
licenciements
annoncés (le Plan Power 8) et indignés par le
« parachute doré » de
8,5 millions d’euros que recevra le patron d’EADS, alors qu’eux
percevront, en
tout et pour tout, une prime de... 2,82 euros ! Il y a eu des
débrayages
étalés dans le temps, d’abord à Toulouse, puis -
après que celui-ci eut été
éteint - dans les usines d’Airbus à Nantes et
Saint-Nazaire. C’était juste à la
veille du second tour. Un mouvement d’occupation des usines aurait
dû être
lancé, partant des revendications des travailleurs d’EADS pour
être étendu à
des secteurs voisins. C’est ainsi qu’un véritable parti
bolchevique-léniniste
mènerait une campagne électorale. Face à la
conscience répandue du danger que représente
Sarkozy, il faut agir dans la perspective d’une mobilisation
ouvrière
(entraînant notamment la jeunesse) laquelle, pour vaincre,
devrait prendre les
proportions d’un nouveau Mai 68 ... qu’ira jusqu’au bout :
l’installation
d’un gouvernement ouvrier. De fait, l’une des
usines Airbus en question était l’ancienne
Sud-Aviation de Nantes qui avait été la première
à se mobiliser lors de la
grève générale de 1968. Mais même des
groupes d’extrême gauche qui font de la
grève générale un mot d’ordre constant (et
mythique) n’ont rien fait pour
utiliser ces opportunités. Pourquoi ? Parce que personne ne
voulait ruiner
les chances électorales de Royal. Absolument tous étaient
soumis à la
discipline du front populaire. Ce
qu’il faut faire, c’est d’engager la lutte pour forger le noyau d’un
vrai parti
ouvrier d’avant-garde révolutionnaire. Ce parti doit tirer les
leçons des
luttes passées et sabotées, et les leçons de cette
campagne, comme des
antérieures, notamment celle de 2002, quand la totalité
de la gauche, directement
ou indirectement, soutenait Chirac contre Le Pen. Le parti qu’il faut
construire doit rompre totalement avec le front populaire afin de
pouvoir
lutter pour l’indépendance de classe du prolétariat,
au lieu de multiplier
les manœuvres électorales à l’ombre des coalitions de
collaboration de classes.
Ce
parti doit être un parti internationaliste, qui non seulement
critique les
interventions militaires néocoloniales, notamment en Afrique
(où la cellule
africaine de Mitterrand a été impliquée dans le
génocide au Rwanda), mais qui
se bat à tout moment pour le retrait des troupes
françaises du Liban et
l’expulsion du corps expéditionnaire d’Afghanistan.
Au-delà de s’opposer à
l’occupation nord-américaine de l’Irak, ce parti doit lutter pour
la défaite
de sa propre bourgeoisie impérialiste. Ce parti ne peut
être un parti de « tous les
révolutionnaires » ou autres formules qui indiquent
un parti amorphe sans
politique claire. Seul un parti bolchevique-léniniste,
authentiquement trotskyste,
construit dans la lutte pour reforger la Quatrième
Internationale, sera capable
de mener à bien la lutte qui s’annonce contre un régime
aussi déterminé que
celui de Sarkozy. L'’ « extrême gauche
» à la dérive I : La LCR vote pour
Royal « en se pinçant le nez » Les candidats étiquetés
comme étant d’extrême gauche ou trotskystes n’ont pas non
plus adopté une
politique plus conséquente d’opposition à
l’énième candidature de front
populaire du Parti socialiste (PS). Olivier Besancenot, candidat de la
Ligue
communiste révolutionnaire (LCR), qui, avec 4,08% des suffrages,
a terminé
« en tête » des candidatures se situant
à gauche du PS, a certes mené
une campagne plus dynamique que les autres, qui étaient
plutôt moribondes. Se
vantant d’être « 100% à gauche » du
PS, la LCR, qui se targue de 3
000 militants, a cherché à gagner une audience
auprès de ceux qui étaient
insatisfaits de l’offre de Ségolène Royal sur le
marché électoral. Cependant,
Besancenot a saisi chaque occasion pour souligner qu’au deuxième
tour des
présidentielles son parti appellera à voter pour la
candidate socialiste :
« La LCR n'a jamais fait la politique du pire »,
déclarait-il à Libération
(14 avril). « Dans le passé, soit la LCR a
appelé à voter à gauche
directement en se pinçant le nez, soit elle ne le faisait pas
sans pour autant
appeler à l'abstention, en disant au PS : ‘Allez gagner nos voix
au second
tour, on ne vous empêche pas de le faire.’ » Cette
fois, il l’a fait à
20h30 précises le soir du premier tour, de telle manière
que personne n’ait le
moindre doute sur la consigne à suivre : « Le 6 mai nous serons du côté de
ceux et celles qui veulent empêcher
Nicolas Sarkozy d’accéder à la présidence de la
République. Il ne s’agit pas de
soutenir Ségolène Royal mais de voter contre Nicolas
Sarkozy. » Comme il était évident
dès
le départ qu’elle allait le faire au moment décisif, la
LCR a voté pour la
candidate du front populaire (coalition de collaboration de classes),
même si
c’est en se « pinçant le nez ». Pour cela
même, il fallait ne pas voter
Besancenot. En plus, elle n’a jamais signalé le fait que Royal
était aussi la
candidate des petits partis bourgeois comme le PRG (Radicaux de gauche)
et le
MDC chevénementiste. Pour les opportunistes confirmés de
la succursale
française du « Secrétariat unifié de la
Quatrième Internationale »
(SU), suivant la ligne politique de feu Ernest Mandel, refuser de voter
pour un
candidat ou une formation politique bourgeois n’est pas une question de
principe, comme il devrait l’être pour tout trotskyste. Pas du
tout. Dans sa
déclaration, Besancenot a prétendu que
« depuis cinq ans la LCR combat la
politique de Chirac et de ses premiers ministres dans la rue comme dans
les
urnes ». Mais, en avril 2002, le bureau politique de la LCR
affirmait que
« nous comprenons les électeurs qui votent Chirac
pour s’opposer à Le
Pen ». Et, dans la rue, sous le mot d’ordre
« Tous ensemble contre Le
Pen », la LCR organisait « un appui
extraparlementaire au ‘Front
républicain’ en faveur de Chirac, tout en recouvrant cet appui
d’une feuille de
vigne transparente d’indépendance’ vis-à-vis du candidat
du grand
capital », comme nous l’avons écrit à
l’époque (voir supplément de L’Internationaliste,
mai 2002). Ségolène
Royal, candidate du PS, PRG et MDC, au piquet de grève à
l’usine PSA Peugeot Citröen à Aulnay-sous-Bois, le 2 avril.
Pour vaincre Sarkozy il faut rompre avec le front populaire de
collaboration de classes. (Photo:
Michel Euler/AP) Il est vrai qu’avec la
candidature de Besancenot, la LCR a su gagner un public parmi certaines
couches
de la jeunesse. Il aurait recueilli jusqu’à 10% des votes de
l’électorat des
18-24 ans, et 1,5 millions de voix n’ont rien de négligeable.
Les salles de
réunion dans les facs et dans plusieurs villes étaient
combles : 1 800
personnes à Caen, 2 100 à Grenoble, 2 700 à
Toulouse... Le candidat s’est rendu
dans les cités de « banlieue », ainsi
qu’aux piquets de grève aux
usines PSA Citroën à Aulnay, Phillips à Dreux, etc.
Mais Ségolène Royal l’a
fait aussi, et les scores de Besancenot dans les départements
autour de Lyon et
Paris, avec ses fortes populations ouvrières et
« issues de
l’immigration », n’ont guère dépassé sa
moyenne nationale de 4%. Mais, que
dit-il aux jeunes étudiants, aux travailleurs en grève,
aux habitants des HLM,
et surtout qu’a fait la LCR pendant sa campagne ? En
réalité, elle a été
aussi électoraliste que celle du PS. Dans une visite aux jeunes
des quartiers,
dont témoigne un film officiel de la campagne, on parle des
discriminations
racistes envers les jeunes dits « issus de
l’immigration » même s’ils
sont nés en France ; mais sur ce qu’il faut faire, seules
sont mentionnées
la campagne électorale, les candidatures. Quant aux
mobilisations dans la rue
contre les violences policières, à la lutte contre la
précarité et pour les
emplois et des contrats de durée indéterminée,
rien ! C’est le cas aussi pour
toutes les luttes extraparlementaires qui devraient figurer au centre
d’une
véritable campagne bolchevique. Soudain, juste après le
premier tour, Rouge (27 avril) a affiché les
titres
« Mobilisation générale » et
soulevé le mot d’ordre « Troupes
hors d’Afghanistan ! » Mais, pendant les dix derniers mois, de tels mots d’ordre et appels à
l’action avaient disparu des pages de l’hebdomadaire de la LCR. (Tout
au plus,
y avait-il des dénonciations des massacres américains
en Afghanistan - presque rien contre les forces françaises de
l’OTAN.) En fait,
depuis l’entrée des troupes françaises au Liban fin
août 2006, pour servir de
gardes-frontière à Israël (après
l’échec de l’invasion sioniste le mois
précédent) et pour épauler le gouvernement
libanais de Siniora, on cherche en
vain dans Rouge des appels au retrait
des troupes françaises de cet Etat artificiel créé
par l’impérialisme français
comme rempart chrétien (à l’époque) pour mieux
contrôler la Syrie. Pourquoi ?
D’abord parce que les pseudo-trotskystes mandéliens ont
observé une trêve
électorale sur ces questions. Ensuite parce qu’ils auraient
voulu y voir des
forces françaises pour « maintenir la
paix » et les « droits
humains » si elles avaient affiché une
« indépendance »
(fictive) à l’égard de l’impérialisme
américain, comme ils le demandaient au
Kosovo avant les bombardements de l’OTAN en 1999. Tout en dénonçant la
politique « social-libérale » de Royal,
les mesures proposées par
Besancenot dans son programme « d’urgence », qui
était au cœur de sa
campagne, se différenciaient surtout quantitativement de celles
de Royal. Lui
proposait un SMIC net à 1 500 euros
dans l’immédiat ; elle suggérait un revenu minimum
de 1 500 euros brut
dans cinq ans. Pour le reste, la LCR a repris le « programme
d’urgence » que défend Lutte ouvrière depuis
1995 ; ses principales
revendications se résument en gros à une augmentation
générale des salaires de
300 euros, une semaine de travail de 32 heures, l’interdiction des
licenciements (dans toutes les entreprises pour la LCR, seulement dans
celles
qui font des profits pour LO), l’ouverture des livres de compte des
groupes
capitalistes et la réquisition des logements vides. Sans
même parler de la proposition
d’interdire par la loi les licenciements (qui est sous le capitalisme
une
illusion réformiste), c’est loin d’être un programme
révolutionnaire. Le
candidat lui-même soulignait que pour la
« redistribution des
richesses » qu’il préconise, il aura besoin
d’« une mobilisation
équivalente à 1936 ou Mai 68 ». Mais ces
mobilisations-là étaient des
opportunités révolutionnaires ratées, ou plus
exactement sabotées, et
les acquis que l’on a gagnés étaient le prix que les
capitalistes étaient
disposés à payer pour éviter une
révolution sociale. En réalité, la LCR n’a rien
à voir avec l’authentique trotskysme ; sa politique est
celle d’un parti
social-démocrate réformiste de gauche. Olivier Besancenot
se définit comme un
« militant révolutionnaire … plus que comme un
trotskyste ».Et, comme
le résume Libération, « sa
révolution ? Plutôt Mai 68 qu’octobre
1917. ‘300 euros de plus par mois, c’est 30 % d’augmentation des
salaires ; la
dernière fois qu’on a obtenu ça, c’était en
1968’ ». Vouloir répéter
seulement Mai 68, c’est envisager une nouvelle défaite pour la
classe ouvrière,
la jeunesse et tous les opprimés. Un Mai 68 qui va jusqu’au
bout, c’est
totalement autre chose : non pas une augmentation
générale des salaires
mais le renversement du capitalisme par la révolution
socialiste. Le programme
que le candidat de la LCR a présenté au cours de sa
campagne électorale peut se
résumer dans la défense des acquis sociaux et
de
l’« Etat-providence », contre le
« modèle néoliberal » de
Sarkozy et sa version « light »
social-démocrate de Royal. Les
pseudo-trotskystes refusent de voir que ces institutions et programmes
sociaux
étaient « acceptés » par les
capitalistes, en grinçant des dents,
comme étant le prix qu’ils devraient payer pour combattre
« le danger
communiste » pendant la Guerre froide antisoviétique.
Avec la chute de
l’Union soviétique et la destruction des Etats ouvriers
bureaucratiquement
déformés de l’Europe de l’Est entre 1989 et 1992, et
l’affaiblissement
concomitant du mouvement ouvrier dans les pays impérialistes,
ils ne sont plus
disposés à tolérer cette
« dépense sociale » jugée
désormais
« inutile ». Il n’est plus possible
aujourd’hui de restaurer le
« modèle français » version
social-démocrate d’un capitalisme dirigiste, avec de grands
programmes de constructions
de logements sociaux et d’autoroutes, qui avait pour but de
préserver la
« paix sociale » (et d’enrichir les grands
patrons de la construction
et du bâtiment). Avec la croissance des dépenses de
retraite d’une population
vieillissante, la classe dirigeante est déterminée
à les faire payer totalement
par les travailleurs. Toute prétention qu’un « autre
monde est
possible » sans renverser le capitalisme est un mensonge
dangereux, parce
qu’il risque de détourner les luttes des objectifs
révolutionnaires pour les
canaliser dans le trompeur jeu électoral bourgeois. En battant campagne plus à
gauche que Lutte ouvrière, Besancenot et la LCR ont pu mieux
résister à la
pression du « vote utile » en faveur de la
candidate PS. Mais qu’on
ne s’y méprenne pas, le « tournant à
gauche » n’aura duré que le
temps d’une campagne. Il n’y a là rien de surprenant pour
quiconque connaît
l’historique cette organisation opportuniste. A la suite de la victoire
du
« non » au référendum sur le
traité de constitution européenne en mai
2005, la LCR a pendant des mois participé aux côtés
du PCF, des partisans de
José Bové et d’autres forces petites-bourgeoises,
à des « comites
antilibéraux » dont l’objectif était de
désigner un candidat unique pour
représenter à l’élection présidentielle le
« non de gauche » (pour
distinguer de celui de Le Pen). Mais les « nonistes de
gauche »
engageaient aussi des formations bourgeoises comme les Verts ou les
chevènementistes du MDC, en plus des politiciens antiouvriers du
PS tel Laurent
Fabius (le père du « sale boulot » de la
rigueur, le premier ministre
du sang contaminé). En d’autres termes, la LCR était
prête non seulement à
s’effacer mais aussi à battre campagne pour un candidat
front-populiste, à la
seule condition que ce candidat désigné par les
comités s’engage à avoir une
politique indépendante du PS. Participer à ces fameux
comités bidons revenait à
une farce, car demander au PCF de renoncer à son alliance avec
les
sociaux-démocrates revient à lui demander de se suicider
politiquement. Une
fraction droitière de la LCR dirigée par Christian
Piquet, qui représente plus
d’un tiers des effectifs de la Ligue, a d’ailleurs fait fi de la
décision
tardive de la direction de se retirer des « comites
antilibéraux »
pour continuer à rechercher l’unité à tout prix.
Certains ont carrément fait
campagne pour José Bové, le leader de la
Confédération paysanne, qui s’est
rallié à Ségolène Royal au soir du premier
tour. (Cette tendance 3 s’est
plainte que pour le second tour la LCR n’ait pas sorti un appel
explicite à
voter Royal.) Du côté de la majorité, les choses ne
sont pas mieux :
cherchant à en tirer profit de son relatif succès
électoral, Besancenot appelle
à la formation d’un grande force politique anticapitaliste
à la gauche du PS.
C’est là la vieille politique mandélienne de former des
partis de
l’« avant-garde large » dans lesquels pourraient
cohabiter toutes
sortes de centristes, bureaucrates syndicaux
« progressistes »,
antilibéraux petits-bourgeois, staliniens et
sociaux-démocrates réformistes.
Cette politique, qui a été la pièce
maîtresse de la stratégie de Mandel et de
ses épigones dès les années 1980, a
déjà porté ses fruits, avec le Parti des
travailleurs (PT) brésilien... qui a exclu des partisans du SU
pour n’avoir pas
voté la privatisation des retraites (alors que d’autres
mandéliens sont restés
dans le cabinet de Lula). Et aussi en Italie, où ils viennent
d’être exclus de
Rifondazione Comunista pour avoir refusé de soutenir le
gouvernement Prodi sur
la question des troupes italiennes en Afghanistan. II : LO – La
candidature d’Arlette Laguiller à bout de souffle L’autre grand groupe se
réclamant du trotskysme, Lutte ouvrière (LO), qui compte
1 000 militants et
plusieurs milliers de sympathisants, bien implanté dans les
entreprises, présentait
pour la sixième (et dernière) fois consécutive
Arlette Laguiller sur une base
totalement économiste et réformiste. Le
« programme d’urgence »
qu’elle défend depuis plus d’une décennie, maintenant
emprunté par la LCR, ne
lie pas ses revendications économiques immédiates
(augmentation de salaire de
300 euros pour tous, SMIC à 1 500 euros net) à des
revendications transitoires
montrant la nécessité de renverser le système
capitaliste. Laguiller admet que
« ce programme ... n’a rien de révolutionnaire en ce
sens qu’il ne prévoit
ni l’expropriation du capital, ni la transformation de la
propriété privée de
l’ensemble des grandes entreprises en propriété
collective, en propriété
d’Etat ». Elle insiste que ces mesures simples seront
« parfaitement
réalisables » et donne une comptabilité
précise que les 750 000 postes
supplémentaires dans la fonction publique et la construction
annuelle d’un
million de logements ne coûteront que 131,50 milliards d’euros -
ce qui
pourrait être facilement financé en éliminant des
subventions aux entreprises,
en rétablissant le taux d’impôt sur les
bénéfices à 50%, etc., sans toucher
apparemment même au budget militaire. C’est vraiment un
« programme
minimum » réformiste pour un pays impérialiste
qui aurait pu être avancé
par n’importe quel social-démocrate des années 40 ou
60 ! Le “pompier pyromane” à l'Assemblée Nationale, le 16 novembre 2005. LO s’est faite écho des injures racistes de « voyous » lancées par Sarkozy contre les jeunes révoltés de banlieue. (Photo: François Mori/AP) En prétendant que son
programme à l’élection présidentielle ne sera rien
d’autre que « les
premières mesures d’une présidence et d’un gouvernement
vraiment
socialistes » dans le cadre d’un régime capitaliste,
LO se présente comme
un groupe de pression à la gauche du PS. Elle abandonne ainsi
toute possibilité
d’intéresser la frange des travailleurs qui sont à la
recherche d’une voie
radicale pour en finir avec le système. LO, qui axe
principalement son activité
sur l’intervention au sein des grandes boîtes industrielles, a
été totalement à
l’écart des luttes réelles de ces dernières
années, notamment le soulèvement
des jeunes « de banlieue » contre la violence
policière et le racisme
étatique en novembre 2005 et les millions de manifestants qui
ont obligé le
gouvernement de Villepin à retirer l’odieux Contrat
première embauche (CPE) en
mars 2006. Pire encore, au lieu de défendre la révolte
justifiée de la jeunesse
« de banlieue », LO s’est faite écho des
injures racistes de Sarkozy
contre les « voyous », en dénonçant
les « trafiquants » et
« petits caïds de quartier » qui auraient
« aujourd'hui le
soutien d'une bonne partie des jeunes » (Lutte
Ouvrière, 4 novembre 2005) ! C’est logique de la part d’un
parti qui exprime sa sollicitude pour les policiers et qui, non
seulement a
soutenu la loi raciste du 15 mars 2004 contre le port du foulard
islamique
(hidjab) dans les établissement scolaires, mais dont les
enseignants ont
déclenché toute l’affaire avec une campagne pour
l’exclusion de deux lycéennes d’origine immigrée à Aubervilliers. Arlette Laguiller a rendu
visite aux travailleurs en lutte de PSA à Aulnay-sous-Bois,
comme d’ailleurs la
plupart des candidats de gauche mais, en fait, sa campagne a
tourné le dos à de
larges couches du prolétariat. Au finish, les ouvriers et les
jeunes les plus
radicalisés ne se sont pas retrouvés dans sa politique
économiste, et ont
souvent préféré les propos plus combatifs de
Besancenot, alors que la majorité
des travailleurs les plus modérés se sont rabattus sur le
« vote
utile » en faveur du PS. LO a perdu les uns et les autres,
et s’est
effondré en obtenant un peu plus de 400 000 voix (1,33%), contre
plus de 1 600
000 en 2002. Est venu ensuite le moment de vérité. En
2002, LO « n’avait
alors pas donné de consigne de vote au deuxième tour, et
– ses dirigeants
l’admettent aujourd’hui – la consigne était mal passée
auprès des
sympathisants. ‘Il ne faudrait pas que l’électorat populaire
puisse reprocher à
notre campagne d’avoir fait perdre la gauche. En 2002, beaucoup nous en
ont
accusés’, reconnaît leur bulletin interne » (Le Monde, 13 avril). Cette fois, Laguiller a
souligné à maintes
reprises que le sens de sa candidature était d’« avertir
Ségolène Royal »
qu’« elle n’a pas un chèque en blanc ». Et
le 22 avril, à 21h
précises, la candidate de LO annonçait :
« Je voterai donc pour
Ségolène Royal. Et j’appelle tous les électeurs
à en faire autant »,
ajoutant que « c’est uniquement par solidarité avec
tous ceux qui, dans
les classes populaires, déclarent préférer ‘tout
sauf Sarkozy’ ». Du
suivisme parfait, alors. L’appel de Laguiller à
soutenir Royal, même sans « illusions »,
quelques minutes après la
publication des premières tendances, a bien entendu
provoqué des grincements de
dent parmi les militants et sympathisants les plus conscients de
LO. Quand
« Arlette » a rencontré
« Ségolène » quelques jours plus
tard, quelques participants au Forum des Amis de Lutte Ouvrière
voulaient
croire au début à une « intox » de Libération, jusqu’à ce que Reuters confirme
la nouvelle. La
justification (prétexte) d’un tel tournant - ne pas se couper
des travailleurs
qui désirent battre Sarkozy - est si ridicule qu’elle a eu du
mal à convaincre
une partie des militants qui veulent baser leur politique sur une
analyse
marxiste, et non sur un suivisme béat de la direction. Cette
évolution de
LO n’était pourtant ni
imprévisible ni
nouvelle : en fait, LO a soutenu le candidat du front populaire,
François
Mitterrand, en 1974 et en 1981,
utilisant les mêmes arguments fallacieux de solidarité
avec les illusions des
masses. C’est une expression accablante et logique de la politique
économiste,
marque déposée de LO en France, que Lénine
avait déjà dénoncée et qui,
au travers des secteurs les moins conscients du prolétariat,
subit la pression
de la classe dirigeante et au final vote pour le candidat de la
coalition de
gauche bourgeoise (qu’elle s’appelle « Union de
gauche »,
« gauche plurielle » ou, dans le cas de Royal,
rassemblement de la « gauche
moderne du XXIème siècle »). Quant à la
« Fraction », la tendance minoritaire au sein de
LO (qui, grâce aux
pratiques social-démocrates antiléninistes de LO, agit
comme « fraction
publique »), elle a critiqué la méthode de
ralliement de LO à Royal mais
c’est finalement pour préciser qu’elle aurait voulu qu’une
décision ne soit pas
prise à la va-vite mais après une discussion plus
réfléchie. Tout au plus, la
fraction aurait souhaité un appel à
Ségolène Royal la priant de venir chercher
les électeurs d’extrême gauche là où ils se
trouvent et d’ajuster sa politique
en conséquence. Mais la « Fraction » ne
rejette en aucun cas de façon
inconditionnelle un soutien électoral à un candidat d’une
coalition de front
populaire. En fait, l’axe de la politique de la Fraction de LO (qui
avait une
convergence sur ce point avec des tendances publiques de la LCR) a
été de
vouloir un comportement plus « unitaire » de LO
avec le reste de
l’« extrême gauche », ce qui dans les faits
signifie une ligne
politique plus front-populiste que celle des dirigeants de LO. Eux,
préfèrent
une version plus solitaire de réformisme économiste. Pour
le reste, la Fraction
appuie la politique réactionnaire chauvine d’exclusion de LO sur
le port du
foulard. Le troisième pilier de ce
qui est habituellement considéré comme
l’« extrême gauche » en
France, le Parti des travailleurs
(PT), a lancé la candidature de Gérard Schivardi,
ex-membre du PS et maire
d’une petite commune rurale, qui s’est présenté comme
« candidat des
maires ». Suite à une plainte de la commission
nationale de contrôle de la
campagne électorale, il a dû changer son étiquette
pour devenir le
« candidat de maires ». Si les principaux
dirigeants du PT, Pierre
Lambert et Daniel Gluckstein, appartiennent au Courant communiste
internationaliste
qui se réclame du trotskysme, Schivardi ne se considère
ni trotskyste ni
révolutionnaire, mais « socialiste dans le sens noble
du mot ». Il
affirme qu’il n’aurait pas présenté sa candidature si
Fabius avait été le
candidat du PS. En tout cas, avec son score dérisoire (0,34%),
la candidature
de Schivardi n’a d’autre intérêt
que de
témoigner de la dérive et du
crépuscule
du courant lambertiste... Schivardi a axé son
intervention sur la sortie de la France de l’Union européenne,
qui serait à
elle seule responsable de l’état actuel de l’économie et
du chômage. Partisan
de la France « une et indivisible », il se
prononce pour l’autonomie
des territoires hors de la métropole, sauf de la Corse.
Ajoutez à cela
la « défense des 36 000 communes »
françaises pour sauver les
services publiques menacés par le traité de Maastricht,
et vous comprendrez que
Lambert et Cie sont plus proches e la tradition de la
franc-maçonnerie laïque
républicaine (bourgeoise) que du programme trotskyste de révolution prolétarienne. Au
cours de la
campagne, Schivardi et Gluckstein pour le PT ont lancé un appel
pour « un
authentique parti ouvrier ». Qu’on ne s’y trompe pas,
l’appel était lancé,
entre autres, en direction des maires, des
« laïcs », etc. - ce qui
donnera à ce nouveau parti imaginaire un caractère ouvrier
bourgeois. III. Le trotskysme
contre le front populaire Avoir cinq candidatures
présidentielles qui se situent à la gauche du PS, dont
trois lancées par des
partis réputés trotskystes, est une particularité
bien française, et plus
spécifiquement un reflet de l’influence toujours vivante des
luttes de Mai 68.
En réalité, les candidatures
d’ « extrême gauche » n’étaient
que
des relais pour la candidate du front populaire autour du PS. Voter
pour LO ou
la LCR au premier tour, de même que pour José Bové
ou le PCF, signifiait faire
pression sur le PS et voter pour Royal au second tour, lui
décisif. Pour des
authentiques trotskystes, voter pour
n’importe quel candidat d’un front populaire est exclu,
à cause du
caractère bourgeois de cette coalition de collaboration de
classes. Le fondement de toute
politique marxiste est l’indépendance de classe du
prolétariat vis-à-vis de la
bourgeoisie. Comme le remarquait Engels lors de la conférence de
Londres de la
Association internationale des travailleurs (Ière
Internationale), en septembre
1871, au lendemain de la défaite de la Commune de Paris : « Nous voulons abolir les classes. Par quel moyen
y parviendrons-nous
? Par la domination politique du prolétariat…. Cependant, la
politique qu'il
faut faire doit être celle du prolétariat: le parti
ouvrier ne doit pas être à
la queue de quelque parti bourgeois que ce soit, mais doit
toujours se
constituer en parti autonome ayant sa propre politique et poursuivant
son
propre but. » Ce principe fut
ensuite codifié pour les statuts de la
AIT, sous l’article 7a : « Dans sa lutte contre le
pouvoir collectif
des classes possédantes, le prolétariat ne peut agir
comme classe qu'en se
constituant lui-même en parti politique distinct, opposé
à tous les anciens partis
formés par les classes possédantes. » C’est ce
que contredit toute
coalition avec la bourgeoisie. Dans le reste de l’extrême
gauche, presque toutes les organisations ont donné leur aval au
front
populaire, directement ou indirectement. Parmi les différents
groupes issus du
courant dirigé par feu Stéphane Just (qui avait
lui-même scissionné du
lambertisme), le Groupe Bolchevik (GB) a appelé :
« Aux élections
présidentielle et législatives, vote contre les candidats
des partis
bourgeois » (Révolution Socialiste, avril
2007). Cet appel s’est
traduit dans le conseil à « choisir, lors des
premiers tours, une
candidate ou un candidat d’une organisation issue de la classe
ouvrière (PS,
PCF, LCR, LO) contre tous les candidats bourgeois », et au
second tour
d’apporter son vote à la « candidate (ou un candidat)
d’une organisation
ouvrière … sinon à s’abstenir ». Dans le concret, cela
voulait donc dire voter pour Ségolène Royal le 6 mai. Le
plus curieux de
l’histoire, c’est que le GB admet volontiers que la candidate du PS est
« directement soutenue par deux formations bourgeoises, le
PRG de Taubira
et le MDC de Chevènement » et que, à l’issue
d’une victoire électorale de
Royal, ce serait un « gouvernement bourgeois de coalition
entre PS, PCF,
PRG, MDC et autres débris, que Royal constituerait ».
Le GB résume aussi
les candidatures de la LCR et de LO, avec leurs programmes
« d’urgence » presque identiques, comme du
« réformisme 100 % à
gauche ». Néanmoins, il appelle à voter pour
ces lieutenants de la
coalition bourgeoise de Royal ! La politique du GB est donc un
soutien
« critique » au front populaire. Pour sa part, le Groupe CRI
(communiste révolutionnaire internationaliste), issu du courant
lambertiste, a
adopté une ligne plus à gauche dans les
présidentielles. Dans un article publié
sous le titre « Campagne électorale sans perspective
pour les
travailleurs » (CRI des Travailleurs, avril 2007) il
rejeta
d’emblée la candidature de Royal et constate aussi que
« Besancenot [LCR]
et Laguiller [LO] se réclament des travailleurs et
dénoncent le capitalisme…
mais mènent une campagne réformiste et s’apprêtent
à voter pour S. Royal au
second tour ». Qui plus est, le Groupe CRI annonçait
par avance qu’il
« n’appellera pas à voter pour Ségolène
Royal au second tour, mais au boycott ».
Très bien, ça. Mais, quand même, il appelait
à voter Besancenot ou Laguiller.
Sur quelle base, alors ? Il précise : « Si nous critiquons fortement l’orientation
réformiste de ces deux
organisations, nous estimons important que le maximum de travailleurs
et de
jeunes se saisissent de ces deux candidatures pour exprimer leur refus
du
capitalisme, leur refus de l’alternance entre la droite et la gauche
gouvernementale et leur volonté de combattre. » Mais comment peut-on
exprimer un « refus du capitalisme » en votant
pour des candidats et
des partis qui disent aux travailleurs que lors du tour décisif
de l’élection
ils doivent élire la candidate d’une coalition bourgeoise ?
(C’est
d’autant plus le cas que le Groupe CRI considère, à tort,
que le PS est désormais
un parti bourgeois tout court, et non un parti ouvrier bourgeois, selon
la
caractérisation qu’avait faite Lénine des partis
sociaux-démocrates réformistes
à l’époque de la IIIe Internationale.) Les
conséquences de cette politique
peuvent apparaître quelque peu opaques aujourd’hui en l’absence
de grandes
luttes ouvrières en France. Mais celles-ci ne vont pas manquer
de ressurgir, et
les mots d’ordre des révolutionnaires doivent préparer
les couches les plus
avancées des ouvriers et opprimés aux enjeux à
venir. Prenons un cas historique,
dont on connaît déjà les conséquences :
le Chili au temps de l’Unidad
Popular (UP) de Salvador Allende. L’équivalent de la politique
du Groupe
Bolchevik aujourd’hui aurait été de voter en 1970 pour le
MIR, le PC ou Allende,
en tant candidat du PS, alors qu’il était en fait le candidat de
l’UP, un front
populaire qui comprenait aussi de petites formations bourgeoises telles
que le
MAPU et le Parti radical. La politique du Groupe CRI serait de voter
pour le
MIR, qui donnait à son tour un soutien électoral critique
à Allende et au PS.
Mais la nécessité urgente à l’époque
était de dire tout haut à la classe
ouvrière qu’il fallait refuser de voter pour tout candidat ou
parti de l’UP. Il
fallait faire scissionner le front populaire sur des lignes de classe,
pour
rompre avec la bourgeoisie. Sinon, en dressant une barrière
à la lutte ouvrière
révolutionnaire, l’UP mènerait forcément au
désastre, à un bain de sang, comme
ce fut le cas et comme nous en avions averti à l’époque. La politique des
pseudo-trotskystes du courant pablo-mandélien au
Chili en 1970-1973, qui s’exprimait dans le MIR (dont plusieurs des
fondateurs
étaient membres du Secrétariat Unifié d’Ernest
Mandel), était de faire leurs
petites affaires « dans l’ombre du front
populaire » de Allende,
comme Trotsky avait mis en garde (dans sa lettre de juillet 1936
à la section
néerlandaise de mouvement pour la IVe Internationale) à
propos des évènements
en Espagne : « La question des
questions à présent est le front populaire. Les
centristes de gauche cherchent à faire passer cette question
pour un manœuvre
tactique ou même technique, pour être en mesure
d’écouler leurs camelotes dans
l’ombre du front populaire. En réalité le front populaire
est la question
centrale de la stratégie de classe prolétarienne en
cette époque. Il offre
également le meilleur des critères pour
différencier le bolchevisme du
menchevisme. » C’était aussi la politique
des pablo-mandéliens dans la France de 1973-74, quand ils ont
appelé à voter au
second tour pour Mitterrand, le candidat de l’Union de la gauche, une
coalition
de front populaire, alors que l’organisation de Lambert et Just
(à l’époque
l’OCI) appelait à voter déjà au premier tour pour
Mitterrand, « premier
sécretaire du PS ». Finalement élu
président en 1981, Mitterrand formait
un gouvernement bourgeois menant une politique étrangère
social-démocrate de
Guerre froide antisoviétique sur la Pologne et l’Afghanistan, et
inaugurant les
attaques contre les conquêtes ouvrières en France,
attaques qui n’ont pas cessé
depuis. Aujourd’hui, les orphelins du lambertisme et de sa variante
justienne
utilisent le « Front unique
ouvrier » (FUO) pour maquiller la capitulation face
à la
bourgeoisie. C’est du front-populisme au deuxième degré. IV. Du
crétinisme parlementaire d’un type nouveau Finalement, dans la
constellation de l’« extrême gauche »
trotskysante, il faut
mentionner la Ligue trotskyste de France (LTF), affiliée a la
Ligue communiste
internationale (LCI). La LTF a refusé de voter autant pour la
candidate du
front populaire, Ségolène Royal, que pour les candidats
de la LCR et de LO, qui
« servent ainsi de rabatteurs pour le vote
Royal ». Cependant,
arguant de son refus d’administrer l’Etat bourgeois, la LTF a
innové en
ajoutant qu’en tout cas elle n’allait pas se présenter à
des postes exécutifs
comme la présidence de la République. Elle
présente cette nouveauté comme une
avancée de la politique des trotskystes du temps de Trotsky et
Cannon (qui fut
le principal dirigeant du trotskysme américain jusque dans les
années 60). En
réalité, la politique de la LTF,
argumentée par une scolastique qui s’éloigne
progressivement de la lutte
des classes, révèle un crétinisme parlementaire
semblable aux prétendus trotskystes
mandéliens. Assurément, la bourgeoisie
française sera soulagée d’apprendre que la LTF ne
présentera aucun candidat à
la présidence de la République ! Mais, pour les
révolutionnaires, le fait
de présenter des candidats à des postes exécutifs
comme président de la
République ou maires n’implique en rien qu’ils pensent occuper
ces postes dans
le cadre de l’Etat bourgeois. Comme nous avions toujours
souligné à l’époque où
la LCI et la tendance spartaciste internationale (qui l’avait
précédée)
représentaient la continuité du trotskysme authentique,
nous utilisions les
élections comme plate-forme pour la propagande
révolutionnaire. Si - cas
extraordinaire - un candidat révolutionnaire avait eu
suffisamment d’influence
pour pouvoir être élu, c’est que le parti trotskyste
aurait déjà commencé la construction
de conseils ouvriers et d’autres organes de caractère
soviétique. Et il
insisterait que, s’ils étaient élus élus, ses
candidats se baseraient sur ces
organes de pouvoir ouvrier et non sur des institutions de l’Etat
bourgeois. En réalité, nous,
marxistes, nous opposons (depuis Marx) même à
l’élection de présidents au moyen
du suffrage universel - ce qui produit un exécutif
semi-bonapartiste qui
échappe au contrôle des corps législatifs. Nous
nous opposons aussi à
l’existence d’une deuxième chambre législative
supérieure pour être
foncièrement antidémocratique. Devrions-nous alors
refuser de présenter des
candidats aussi au sénat ? La LTF explique sa nouvelle
ligne avec
l’argument que se présenter à un poste exécutif
pourrait « prête[r] une
légitimité aux conceptions réformistes dominantes
de l’Etat ». Mais des
illusions pareilles pourront aussi être alimentées dans le
cas de candidats à
des postes législatifs, surtout quand il y a des régimes
parlementaires où le
conseil des ministres prétend s’appuyer sur une majorité
au parlement. Dans ce
cas, il faut souligner que même si un candidat est élu
député, on ne fera pas la
révolution en obtenant une
majorité à la chambre. Par contre, refuser, avec
l’argument avancé par la LTF,
d’utiliser l’opportunité de ces campagnes pour faire de la
propagande
révolutionnaire implique qu’étant élu on suivrait
les règles du jeu
parlementaire bourgeois. Ce sont les craintes de crétinistes
parlementaires qui
ont peur de leurs propres impulsions, et avec raison. Il est plus probable, en
fait, qu’un candidat vraiment révolutionnaire, à
n’importe quel poste, finirait
en prison, comme ce fut le cas de Liebknecht en Allemagne ou des
députés
bolcheviques à la Douma dans la Russie tsariste. Et là,
on n’aura pas le petit
problème qui préoccupe tellement la LTF. Donc la vraie
question, c’est la
nature politique de la campagne : soit révolutionnaire,
soit réformiste,
soit la confusion cristallisée du centrisme avec les zigzags
constants qui
caractérisent la politique de la LCI ces dernières
années. Des
élections bourgeoises à la lutte pour la
révolution ouvrière Nous sommes maintenant dans
la période post-présidentielle, qui est aussi celle des
élections législatives.
Les éléphants du PS ont décidé de reporter
de quelques semaines la petite
« fête » où vont se régler
les comptes (un vrai festin
cannibale !) pour prendre la mesure des douloureux
dégâts du troisième
tour électoral. Déjà, les principaux acteurs de ce
« drame » font une
course, dans le couloir de droite, pour décider qui sera le
mieux placé pour
convertir la social-démocratie française en copie carbone
du New Labour
britannique de Tony Blair... au moment où celui-ci, en totale
disgrâce,
quitte Downing Street ; ou, encore,
pour fonder un nouveau parti ouvertement bourgeois, peut-être en
mésalliance
avec le droitier camouflé en centriste Bayrou, comme le font les
résidus du PC
italien avec leur projet de Parti démocrate avec le
débris de la Démocratie
chrétienne. Pour le PCF, au bord de la disparition de
l’échiquier parlementaire,
l’enjeu est de sauver ce qu’il peut du naufrage en tant qu’appendice du
PS.
Pour les Verts, la guerre est finie. En tout cas, la totalité de
la gauche
parlementaire se prépare à une nouvelle période
étendue de futilité politique. Côté gouvernemental,
Sarkozy prépare la « rupture ».
L’ère de la
« cohabitation » style Mitterrand ou Chirac est
passée. Même si à
côté du premier ministre François Fillon figure un
ministre
« socialiste » ou un autre – tel Bernard
Kouchner, vétéran de la
guerre froide antisoviétique -, ce n’est guère le
modèle du front populaire
gaulliste de l’après-guerre qu’il envisage mais plutôt un
régime fort dans la
tradition pétainiste, dans lequel il y avait aussi des
fonctionnaires
ex-« socialistes » (et aussi des futurs, comme
Mitterrand). S’il
prétend introduire les « réformes »
de façon graduelle, n’abolissant
pas d’un coup la semaine de 35 heures mais en
l’« assouplissant », il
est évident que Sarkozy prépare une confrontation avec
les syndicats, surtout
ceux du transport. Il veut craquer le noyau dur et donner une
leçon comme
l’avait fait Mme Thatcher en Angleterre en écrasant la
grève des mineurs
1984-1985 et en détruisant leur syndicat. Et les bureaucrates
syndicaux ont
laissé clairement entendre qu’ils n’ont aucune intention de
mener une
résistance de fond. Ils veulent surtout être
consultés. Donc le terrain est
prêt pour des luttes de classe
acharnées dans des conditions de grande faiblesse de la classe
ouvrière. Quant à l’« extrême
gauche » électoraliste, sa réponse
diffère selon ses scores aux
présidentielles. Pour la LCR, sortie première de la
« gauche de la
gauche », c’est l’heure des législatives. Si la
dernière campagne se
faisait avec surtout le fric de l’Etat (un gage de loyauté
à l’égard de cet Etat
bourgeois), cette fois elle pense dépenser plus de 1 600 000
euros pour lancer
450 candidats. Le parti de Krivine et Besancenot parle aussi de
« résistance » et, tout à coup, les
thèmes de mobilisation qui
avaient disparu pendant la « trêve »
électorale reparaissent. Les
sans-papiers sont de retour, les grèves aussi ! C’est
« la lutte
d’après » (Rouge, 18 mai) : tout ce
qu’elle évitait
soigneusement « avant » pour ne pas
déranger la campagne de Royal.
Mais attention ! Cette « résistance »
sert surtout au décor de
la « devanture » pour le seul temps de la campagne électorale. Pour LO,
c’est : « Après
l’élection de Sarkozy, Reprendre le chemin de la
lutte ! » (Lutte
Ouvrière, 18 mai). Soudainement, le scrutin ne vaut plus
rien, le bulletin
de vote n’est plus qu’un bout de papier, il faut retourner aux luttes
syndicales de toujours... Les petites organisations
chantent aussi la même musique, chacune selon sa partition
habituelle.
« Préparons la résistance aux attaques de
Sarkozy : Construisons un
regroupement politique anticapitaliste cohérent et
conséquent » proclame
le Groupe CRI (tract du 10 mai). Pour lui, c’est le front unique
ouvrier, et il
accepte toutes les propositions de la LCR sur une « force
anticapitaliste », ce qui veut dire avec les Bové et
les altermondialistes
bourgeois d’Attac ; il lance de nouveau aussi ses appels à
former des
oppositions syndicales de front unique. La LCR, elle aussi, appelle
à
construire une opposition syndicale. Pour le Groupe Bolchevik, l’axe
doit
être : lutter pour que les directions syndicales ne
participent pas aux
négociations avec le gouvernement Sarkozy-Fillon. Toutes ces
initiatives sont
censées faire pression sur la bureaucratie syndicale
procapitaliste, et leurs
plateformes sont toutes dans sillage du programme minimum
« d’urgence »
commun à LO et la LCR. Une véritable opposition de lutte
de classe contre
l’offensive capitaliste devra aller au-delà des luttes
économiques pour
soulever des mots d’ordre transitoires et des luttes qui
dépassent le cadre
strictement syndical pour se diriger vers une lutte pour le pouvoir
ouvrier. Police anti-émeutes à Corbeil-Essonnes au sud de Paris, le 7 novembre 2005. Il fallait appeler aux travailleurs et aux jeunes à se mobiliser aux cités en défense de la population assiégée par les flics. (Photo: Michel Spingler/AP) Prenons d’abord la
situation des jeunes dits « de banlieue » ou
« issus de »
l’immigration et du colonialisme. Le sentiment de désespoir
est tel que
dans beaucoup de cités HLM autour des grandes villes il y eu des
votes jusqu’à
80% en faveur de Royal. Et ce, en dépit de sa politique
ultrarépressive - pour
l’ « l'encadrement militaire des mineurs »,
des « centres
éducatifs renforcés », la construction de
« centres fermés »,
l’exécution des « peines adaptées au premier
délit », etc. Pourquoi
les candidats de l’« extrême gauche »
n’ont-ils pas eu une meilleure
réponse aux « banlieues » ? Parce
qu’ils n’ont absolument
rien fait pour défendre les populations soumises à
la féroce répression
policière en novembre 2005. Tout au plus quelques petites manifs
bien
parisienne de protestation … au
Quartier latin et même au Champ de Mars ! Où était la marche
sur la Cité des 3 000, aux Minguettes, pour rompre
l’encerclement des
CRS ? Il n y en avait pas. Mais qu’est-ce qu’il faut faire
maintenant,
alors qu’il est évident qu’avec Sarkozy président la
répression
s’intensifiera ? Nous, trotskystes de la
Ligue pour la Quatrième Internationale, avons appelé
à la défense
ouvrière-immigrée des banlieues contre la
répression policière et les attaques
racistes. Le fait que beaucoup des cités se situent
auprès des zones
industrielles, des entreprises et des grandes usines facilite cette
perspective. La ville d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, peut
servir
d’exemple. C’est un lieu qui est régulièrement investi
par la police
paramilitaire, qui a provoqué consciemment les incidents, comme
nous l’avons
vu. Et c’est juste à côté de l’usine de PSA, qui a
connu une grève longue de
six semaines en pleine campagne présidentielle. Visiter les
piquets de grève
comme l’ont fait Royal, Laguiller, Besancenot, Buffet et Bové
est seulement un
geste de sympathie – qui ne coûte rien mais qui n’apporte rien
non plus. Il
fallait généraliser la grève à tout le
secteur automobile et manifester en direction
de la capitale. Il fallait aussi appeler les ouvriers et militants
syndicaux à
se mobiliser en défense des populations assiégées
par la police. Des milliers
de travailleurs sur place auraient pu empêcher les
« bavures »
policières la nuit de 6 mai à Aulnay – ce qui aurait
servi d’avertissement à
Sarkozy que la prochaine fois qu’il essaie de « nettoyer au
Kärcher »
il risque de déclencher une guerre civile. Il y a aussi la situation
terrible des sans-papiers. Depuis juin 2006, il y a eu des milliers
d’expulsions
parmi les 23 000 personnes dont la demande de régularisation a
été refusée,
sous le coup de la circulaire Sarkozy. Des milliers d’enfants
scolarisés sont
menacés. La police a arrêté des parents venus
chercher leurs enfants à la
sortie des écoles, et même un grand-père à
l’école de la rue Rampal, à
Paris. La directrice de
l’établissement s’est vue mettre en détention, pour
s’être opposée – avec
d’autres – à cette arrestation arbitraire honteuse. Des
enseignants se sont mis
en grève pour protester, mais qu’a fait la gauche ? Dans le
débat avec
Sarkozy avant le second tour, Royal s’est opposée à
toute régularisation
massive, explicitement en accord avec son
« adversaire ». Pire encore, dix jours
avant le premier tour, les « services d’ordre »
de la CGT, de la CFDT
et de FO ont expulsé un collectif de sans-papiers qui occupait
la Bourse du
Travail de Paris. En décembre, quand une centaine de
sans-papiers ont occupé
une piscine désaffectée de Saint-Denis, le maire PCF de
la ville appelait les
flics pour les faire évacuer. Même opération, juste
avant Noël (!), à
l’université de Saint-Denis où la présidence
d’université « de
gauche » – avec la participation active des élus PCF
au Conseil régional –
appelait les CRS pour expulser manu militari les sans-papiers qui
occupaient un
amphi ! Et les candidats de l’« extrême
gauche » n’ont rien fait
pour appuyer la lutte des immigrés sauf quelques rares et
timides expressions
de sympathie. Des mobilisations massives de dizaines de milliers de
personnes
pour empêcher les expulsions des sans-papiers et revendiquer les
pleins droits
de citoyenneté pour tous les immigrés auraient
secoué la campagne. Mais
celles-ci n’ont pas eu lieu... pour ne pas déranger la candidate
du front
populaire. Aujourd’hui, la
lutte des sans-papiers continue. Que peut-on
faire ? Il faut mobiliser les syndicats en leur défense. Il
y a de
nombreuses opportunités. A Lyon, un élu du PCF,
François Auguste, est poursuivi
en justice pour avoir demandé aux passagers d’un vol d’Air
France de s’opposer
à l’expulsion des sans-papiers à bord de l’appareil. Au
lendemain du deuxième
tour, des centaines de manifestants sont venus le soutenir. Si tout le
mouvement ouvrier lui apportait son soutien, la prochaine fois ils
pourraient
être des milliers. En plus, il faudrait faire à une
échelle de masse ce que ce
courageux militant a essayé de faire tout seul en
empêchant physiquement les
expulsions. Deuxième exemple : la fédération
Ile-de-France de LO porte une
certaine attention sur le cas des travailleurs immigrés de
l’usine Metal
Couleur, dans le Val-de-Marne ; 19 d’entre eux ont
été licenciés en
janvier pour être en possession de supposés
« faux papiers ». Quand
tous les travailleurs avec l’appui de la CGT ont manifesté leur
intention
d’occuper le lieu de travail, ils ont obtenu des titres de
séjour provisoire
pour leurs camarades. Il faut attirer l’attention sur cet exemple et le
généraliser. Prenons le cas des
travailleurs de la SNCF et de la RATP, cible
préférée de Sarkozy qui a déclaré
la guerre aux « régimes spéciaux »
de retraites, en essayant de les
faire passer pour des
« privilégiés ». Le nouveau
président annonce
qu’il imposera le « service minimum » dans les
transports pendant les
grèves. « Le calendrier de la démocratie
politique ne peut pas être bafoué
par le calendrier syndical », martèle-t-il. Les
bureaucrates syndicaux des
trois fédérations majoritaires (CGT, CFDT, FO) insistent
seulement qu’ils
veulent être consultés, se basant sur la loi de
modernisation du dialogue
social, votée par l’UMP elle-même, qui exige la
« concertation préalable
». Par contre, ils n’insistent pas sur la défense du droit
de grève et des
retraites. Il est prévisible, donc, que la lutte
nécessaire pour défendre ces
acquis syndicaux sera faite contre les hauts dirigeants
confédéraux. Il
faut commencer dès maintenant à tisser les liens
militants pour préparer des
luttes ouvrières déterminées, pour jeter les bases
de comités de grève élus et
révocables à tout moment. Ce sera aussi un moyen pour
dépasser la division
syndicale et établir l’unité dans la lutte qui englobera
également les
non-syndiqués. Mais, pour ce faire, il
faut rompre la discipline de l’appareil syndical et forger un courant
syndical révolutionnaire.
Et là, il y a problème. Quand des organisations
d’« extrême gauche »
veulent construire des oppositions syndicales, elles pensent le faire
avec
leurs propres militants qui sont aujourd’hui en grande partie des
bureaucrates
de bas ou moyen niveau. Rompre définitivement avec les bonzes
syndicaux
coûterait leur emploi. Donc tous leurs mots d’ordre, leurs
références à la
lutte de classe, leurs invocations à une grève
générale, ont pour but de faire
pression sur les sommets du mouvement ouvrier. C’est la voie de la
défaite. Pensez à l’expérience de la lutte de 1995
contre le plan Juppé. On
chantait en permanence « Tous ensemble, tous
ensemble », on était
pleinement « motivés ». La question d’une
grève générale s’imposait,
non comme une formule rituelle ou un mythe mobilisateur mais comme une
tâche immédiate.
Mais comment y arriver ? Il fallait rassembler les secteurs plus
combatifs
dans la lutte (PTT, RATP, etc.) pour brise la mainmise des Marc
Blondels et
Cie. Mais en dépit des mobilisations
répétées de centaines de milliers de
travailleurs, les grèves ont échoué au lieu de se
généraliser, les
travailleurs étant
restés sous la coupe de ces bureaucrates syndicaux
réformistes. C’est là la question
clef : celle de la direction révolutionnaire. Heureusement,
il y a
aujourd’hui de nombreux militants, travailleurs et jeunes, qui sont
fortement
critiques des organisations les plus représentatives de
l’extrême gauche, et
refusent de suivre ces dernières dans un suicide politique
certain. Ce sont eux
qui, par leur volonté de lutte pour l’indépendance
politique de la classe ouvrière,
représentent l’avenir du marxisme en France. L’expérience
qui peut être tirée
du récent choc des présidentielles (un
« thermomètre » de la
situation politique et social), mais surtout des luttes sociales de la
décennie
passée, est l’urgent et nécessaire regroupement des
marxistes orthodoxes au sein d’un parti ouvrier
révolutionnaire. Cependant,
il faut souligner que ce parti ne peut être qu’un parti
authentiquement
trotskyste. Sinon, il serait voué à l’échec. Il
est notable que dans les écrits
des organisations d’« extrême gauche »
identifiées comme trotskystes
presque toutes n’appellent pas à la construction d’un parti
trotskyste mais à
un parti plus « large » qui unira
« tous les
révolutionnaires », etc. Dans une période de
confusion idéologique tous azimuts, de l’effondrement du
stalinisme et la
banqueroute de la social-démocratie, nous avons besoin surtout
de clarté
programmatique. Au niveau électoral, il faut lutter pour la
rupture
inconditionnelle avec les fronts populaires d’aujourd’hui et de demain,
et en
finir avec les tractations de coulisse et jeux tactiques. Le parti
révolutionnaire doit se forger sur la base d’une lutte
implacable contre toutes
les sortes d’opportunisme social-démocrate, et non de
convergences de
circonstance. Il faut tirer les leçons des luttes de 1995, de
1968, de 1936 –
c’est-à-dire des opportunités révolutionnaires qui
ont été sabotées par le
charme trompeur du centrisme quand il fallait avoir la fermeté
révolutionnaire.
Les programmes minimums « d’urgence »
d’aujourd’hui ne sont
évidemment pas à l’hauteur de la lutte nécessaire
pour vaincre une bourgeoisie
si décidée à écraser toute opposition
qu’elle choisit comme gérant de ses
affaires un « pompier pyromane » comme Sarkozy.
Plus dangereux même
que le programme réformiste de Besancenot et Laguiller serait la
réapparition
d’une variante centriste, comme en Mai 68 quand Ernest Mandel
remplaçait les
revendications du Programme de transition pour le contrôle
ouvrier par son
ersatz des « réformes de structure
anticapitalistes ». Pour construire le parti d’avant-garde prolétarien dont on a besoin aujourd’hui, le trotskysme n’est pas une simple référence historique, comme le prétendent les dirigeants de la LCR, de LO et aussi des petites formations qui ont abandonné l’essentiel du programme révolutionnaire de la Quatrième Internationale de Trotsky. Devant la nécessité de défendre la Chine et Cuba, Etats ouvriers bureaucratiquement déformés, face à la contre-révolution, il ne peut pas être question de combinaisons avec des courants qui ont salué des contre-révolutionnaires comme Eltsine en 1991 ou Walesa en 1981, qui ont « hurlé avec les loups » impérialistes contre l’intervention soviétique en Afghanistan. Face à une nouvelle montée de front-populisme, il faudra insister sur les leçons apprises, à grands frais en vies ouvrières, des expériences d’Espagne, d‘Indonésie et du Chili. Pour pouvoir conduire à la victoire de nouvelles révolutions prolétariennes, il faut maintenir fermement les acquis théoriques et programmatique de l’Octobre rouge et de la lutte que les trotskystes ont menée pendant trois quarts de siècle pour le bolchevisme-léninisme authentique. C’est là la tache qu’assume la Ligue pour la Quatrième Internationale. n Banqueroute de la gauche
parlementaire... et de l’ « extrême gauche »
électoraliste : Il faut forger un vrai parti trotskyste
Pour contacter la Ligue pour la Quatrième Internationale ou ses sections, envoyez un courrier electronique à: internationalistgroup@msn.com |
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