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Août 2001
La Ligue pour la Quatrième Internationale (LQI) et la Revolutsionnaya Kommunisticheskaya Organisatsiya (RKO – Organisation communiste révolutionnaire) d’Ukraine annoncent la fusion de nos deux organisations afin de faire avancer la lutte pour reforger une authentique Quatrième Internationale trotskyste, parti mondial de la révolution socialiste. Cette fusion a été précédée de plus d’un an de discussions et de travail commun sur des questions clés qui se posent au prolétariat au niveau mondial et en Ukraine. Ensemble, nous nous basons sur la déclaration de fondation de la LQI, en 1998. Dans L’Agonie du capitalisme et les tâches de la Quatrième Internationale (1938), Léon Trotsky écrivait que « la crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire. (...) la crise de la direction du prolétariat, qui est devenue la crise de la civilisation humaine, ne peut être résolue que par la Quatrième Internationale ». La LQI et la RKO affirment que les six dernières décennies de lutte de classes ne font que confirmer la validité de cette thèse centrale du Programme de transition. Cependant, cette conclusion clé, qui est au coeur du document de fondation de la Quatrième Internationale et qui était la raison même de sa fondation, est aujourd’hui niée par la vaste majorité des organisations, réformistes aussi bien que centristes, qui prétendent faussement représenter le trotskysme. De diverses façons, elles capitulent ouvertement devant la propagande mensongère de la bourgeoisie sur une soi-disant « mort du communisme », quand elles ne la reprennent pas ouvertement à leur compte. La lutte pour défendre le bolchevisme-léninisme comprend donc aujourd’hui le combat pour démasquer et pour politiquement défaire la multitude de courants opportunistes qui trahissent son contenu internationaliste et révolutionnaire. Nous affirmons que le communisme vit, dans les luttes des ouvriers et des opprimés et dans le programme trotskyste – le fondement de l’avant-garde prolétarienne pour la construction de laquelle nous nous battons. I La paupérisation dramatique de la population ukrainienne dans les dix dernières années est une conséquence directe de la restauration du capitalisme qui a accompagné la destruction de l’Union soviétique. Le niveau de vie des masses travailleuses a été brutalement réduit de plus de moitié. Le système de santé est en ruines, des centaines d’usines sont fermées, des millions d’ouvriers ont été jetés au chômage, en particulier les femmes qui ont aussi vu leurs services médicaux détruits, tandis que ceux qui continuent à travailler durement dans des usines vétustes reçoivent des salaires de famine, quand ils en reçoivent un. La paupérisation générale est accompagnée d’un accroissement des attaques national-chauvines perpétrées par des bandes de fascistes ukrainiens et russes qui sillonnent le pays. Ceux qui ont proclamé la liberté et l’indépendance de l’Ukraine ont produit la misère et l’oppression de son peuple. La révolution d’Octobre a été l’événement clé de l’histoire moderne, montrant pour la première fois que le prolétariat est capable de briser les chaînes de l’exploitation capitaliste et d’entreprendre les tâches de la révolution socialiste. La direction bolchevique, avec Lénine et Trotsky, a insisté que la révolution, bien qu’ayant commencé dans l’empire tsariste russe économiquement arriéré, devait s’étendre aux pays impérialistes avancés pour survivre et réaliser le socialisme, une société sans classes basée sur l’abondance pour tous. L’usurpation du pouvoir par une bureaucratie nationaliste conservatrice dirigée par J.V. Staline en 1923-24, coïncidant avec la maladie et la mort de Lénine, a été bientôt suivie par l’abandon du programme internationaliste de l’Octobre rouge. Staline a proclamé le dogme antimarxiste de la construction du « socialisme dans un seul pays », la recherche d’une coexistence pacifique avec l’impérialisme. Le parti bolchevique fut vidé de sa substance, alors que des carriéristes remplaçaient les anciens cadres expérimentés. Les trotskystes furent exclus puis emprisonnés et assassinés lors de la sanglante épuration anticommuniste du milieu et de la fin des années 1930, comme le fut tout le reste de la direction bolchevique de 1917, y compris les propres partisans de Staline. Trotsky a analysé les effets de cette contre-révolution politique dans La Révolution trahie. Quand ce livre fut publié en Union soviétique à la fin des années 1980, les intellectuels et les ouvriers ayant une conscience de classe qui ont pu le lire (notamment les camarades qui se sont rassemblés pour former la RKO) ont immédiatement reconnu dans son analyse le régime stalinien pourrissant au pouvoir au détriment des travailleurs. Pour la première fois, des mineurs, des ouvriers d’usine et des étudiants ont pris connaissance de l’analyse marxiste élaborée par Trotsky sur la double nature de la bureaucratie, reposant sur l’économie collectivisée de l’Etat ouvrier et dépendant de cet Etat pour ses scandaleux privilèges tout en le minant constamment. Trotsky a insisté sur le devoir des révolutionnaires et des militants prolétariens du monde entier de défendre l’URSS face à la contre-révolution malgré les années de dégénérescence, tout en luttant pour la révolution politique afin de chasser la bureaucratie parasitaire. En 1939-40, une opposition petite-bourgeoise emmenée par M. Shachtman au sein du parti trotskyste américain a rompu avec le trotskysme en abandonnant le défensisme soviétique au moment même où furent tirés les premiers coups de feu de la Deuxième Guerre mondiale impérialiste. Menée conjointement avec James P. Cannon [dirigeant des trotskystes américains], la défense résolue de Trotsky à l’égard de la patrie d’Octobre représente un héritage qui n’a pas pu être détruit par l’abominable assassinat du fondateur de la Quatrième Internationale commis par un agent stalinien en 1940. Les trotskystes sont restés à leur poste à l’heure cruciale. Aujourd’hui les trotskystes soutiennent la défense militaire des Etats ouvriers déformés qui demeurent (la Chine, Cuba, le Viêt-Nam, la Corée du Nord) et la lutte pour la révolution politique prolétarienne afin de balayer la bureaucratie qui met en danger les acquis et l’existence même de ces Etats. Malgré le sabotage de Staline de l’Armée rouge et sa confiance en son pacte avec Hitler, les travailleurs soviétiques et les hommes et femmes de l’Armée rouge ont repoussé les impérialistes allemands au prix terrible de 27 millions de morts. Les staliniens ont encouragé le nationalisme russe, faisant appel aux éléments réactionnaires y compris l’Eglise. Mais l’invasion de Hitler n’aurait pas été vaincue sans les énergies collectives qui furent seulement possibles dans les conditions d’un Etat ouvrier. Après la Deuxième Guerre mondiale, au début de la Guerre froide menée contre l’URSS par les anciens « Alliés » de Staline (les impérialistes occidentaux), un nouveau groupe de renégats dirigé par Tony Cliff en Grande-Bretagne a rompu avec la Quatrième Internationale en refusant de défendre la Corée du Nord lors de la Guerre de Corée. C’était l’expression concrète de la ligne antimarxiste de Cliff selon laquelle l’Union soviétique était « capitaliste d’Etat ». Pendant la Guerre d’Indochine, qui culmina dans l’héroïque victoire vietnamienne de 1975, beaucoup de groupes de gauche (comme les cliffistes) ont essayé de prétendre qu’il s’agissait simplement d’une guerre coloniale pour cacher le fait que c’était la première ligne de la défense des Etats ouvriers dégénéré et déformés contre l’impérialisme. Le défensisme soviétique s’est posé de nouveau avec le début de la seconde Guerre froide, en 1980. L’armée soviétique est intervenue alors pour empêcher le renversement d’un faible gouvernement bourgeois en Afghanistan par les moudjahedin (combattants de la foi) islamiques qui étaient aidés par la CIA. La plupart des plus grands courants se réclamant du trotskysme (notamment le Secrétariat unifié de E. Mandel et le courant dirigé par P. Lambert en France) se sont joints aux vociférations de Washington pour dénoncer l’intervention de Moscou; le courant dirigé par N. Moreno, basé en Amérique latine, a soutenu les moudjahedin, appelant à l’extension de la réaction islamique à l’Asie centrale soviétique. A l’encontre de ces imposteurs, les véritables trotskystes ont dit : « Salut à l’Armée rouge en Afghanistan », tout en appelant à l’extension des acquis sociaux de la révolution d’Octobre aux peuples afghans. L'intervention soviétique a fait une entaille dans la ligne stalinienne de recherche d'accords avec Washington. Moscou a peu après reculé, effectuant finalement un retrait honteux de ses troupes en 1989, ce qui constitua un élément clé contribuant à la mort du bloc soviétique et à la destruction de l’URSS. L’essor du mouvement nationaliste polonais antisoviétique Solidarnosc en 1980-81 a produit un front contre-révolutionnaire s’étendant de la CIA et du Vatican aux pseudo-trotskystes, tous appelant à la « solidarité avec Solidarnosc ». Au contraire, les trotskystes appelaient à « stopper la contre-révolution de Solidarnosc », à la fin de l’année 1981, et à la révolution politique afin de chasser Jaruzelski. Ils insistaient que ce « syndicat » jaune, qui comprenait des bourgeois et même des éléments fascistes, était un instrument financé et conseillé par Reagan et Thatcher, les plus grands casseurs de grève en Occident. Quand l’impérialisme américain a intensifié son offensive militaire et économique antisoviétique, l’illusion d’une coexistence pacifique avec l’impérialisme est partie en fumée. Les décennies de sabotage stalinien au nom du « socialisme dans un seul pays » (culminant dans la « perestroïka »de Mikhail Gorbatchev) ont ouvert la porte à la contre-révolution. Sous l’implacable pression impérialiste, les régimes staliniens du bloc soviétique se sont effondrés l’un après l’autre. La bureaucratie a volé en éclats, de grands pans de cette bureaucratie embrassant ouvertement le capitalisme : Boris Eltsine est devenu l’homme du président américain George Bush à Moscou, de même que Leonid Kravtchouk à Kiev qui proclamal’indépendance de l’Ukraine. La suite de l’histoire de la restauration bourgeoise a démontré la faillite du capitalisme et le besoin de la révolution socialiste partout dans l’ancien bloc soviétique. II La série des contre-révolutions dans le bloc soviétique en 1989-92 a conduit directement à la Guerre du Golfe orchestrée par l’impérialisme américain sous la couverture symbolique de l’ONU et de l’OTAN, en 1990-91, et à la proclamation par le président américain George Bush Ier d’un « nouvel ordre mondial ». Loin de réaliser même quelques années de « stabilité » contre-révolutionnaire sous la domination de l’unique « superpuissance » impérialiste, la dernière décennie a été marquée par une brutale escalade des guerres nationales et ethniques, et par une exacerbation des rivalités interimpérialistes. Pour le moment, ces dernières sont de caractère plutôt économique, mais l’histoire montre que des guerres commerciales mènent à de vraies guerres. Aujourd’hui, sous le gouvernement de Bush II, l’impérialisme américain multiplie rapidement ses provocations militaires, déclarant ses intentions de violer les traités de « contrôle des armements » avec Moscou et de lancer un bouclier anti-missiles dit de défense, qui est en fait une couverture pour réaliser une première frappe nucléaire. Loin d’être dirigé contre ce que Washington déclare être des « Etats hors-la-loi » comme l’Irak et la Corée du Nord, qui n’ont aucune arme nucléaire, ce système d’armes offensives est conçu pour abattre des satellites russes et réduire à néant les forces nucléaires plus petites (comme celles de la Chine). La nouvelle ligne dure anti-Moscou du Pentagone vise à transformer l’Ukraine en fer de lance contre la Russie; la soi-disant « Association pour la paix » est en réalité un pacte d’assujettissement impérialiste pour la guerre. La RKO et la LQI appellent à rompre tous les liens à l’alliance impérialiste de l’OTAN. Le développement récent le plus important dans le « monde de l’après-Guerre froide » a été l’apparition d’un prétendu « mouvement antimondialisation ». Les bourgeoisies impérialistes ont répondu à ces manifestations en recourant à une répression policière à grande échelle et aujourd’hui carrément au meurtre, avec l’assassinat d’un manifestant radical à Gênes fin juillet. En même temps, ce « mouvement » a représenté un test pour les diverses tendances de gauche, la plupart ayant répondu par un suivisme éhonté. Ce conglomérat disparate s’étend des soi-disant communistes aux nationalistes bourgeois, mais partout l’élément dominant dans ces coalitions de collaboration de classes est le nationalisme. Dans les pays impérialistes, cela prend la forme d’un appui au protectionnisme : aux Etats-Unis, tandis que les anarchistes du « Bloc noir » brisent les vitrines des cafés et se heurtent à la police, les bureaucrates syndicaux anticommunistes de l’AFL-CIO insistent pour appliquer des restrictions sur l’acier brésilien et les camionneurs mexicains et s’attaquent à la « Chine rouge » avec une rhétorique sur l’« empire du mal » empruntée directement à Ronald Reagan. En France, les partisans de gauche et de droite de l’impérialisme français s’unissent pour soutenir la politique agricole européenne protectionniste et pour dénoncer les chaînes de restauration rapide américaines. Dans des pays semi-coloniaux aussi, le « mouvement antimondialisation » encourage les blocs avec la réaction bourgeoise. Le Marché commun sud-américain (Mercosur) est présenté comme un contrepoids à l’Accord de libre-échange des Amériques dominé par les Etats-Unis, alors qu’en fait ce pacte commercial régional est déchiré par les querelles entre le Brésil et l’Argentine, et l’économie argentine chancelante menace de déclencher une nouvelle crise internationale. Au Mexique, des cris protectionnistes sont poussés contre les importations chinoises. Dans les anciens Etats ouvriers dégénéré et déformés, comme on a pu le voir dans les manifestations à Prague en septembre 2000, le « mouvement antimondialisation » est utilisé par les forces qui ont soutenu la restauration capitaliste et la guerre contre la Yougoslavie en 1999 (y compris un grand nombre de soi-disant « socialistes ») pour mettre la misère actuelle des masses sur le dos du « libre-échange » et canaliser la colère dans de vaines protestations contre les organismes économiques internationaux, alors que le pouvoir réel dépend des maîtres de Wall Street et de Washington, ainsi que de leurs alliés et concurrents impérialistes de moindre taille. Les "antimondialistes" prétendent que les événements économiques récents représentent un phénomène fondamentalement nouveau. En fait, Karl Marx avait déjà indiqué, dans les années 1850, que « la tendance à créer le marché mondial se retrouve directement dans le concept du capital lui-même" (Fondements de la critique de l’économie politique). Au milieu de la Première Guerre mondiale impérialiste, Lénine a publié son ouvrage L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), notant : « Il y a longtemps que le capitalisme a créé le marché mondial. » Il a souligné que l’apparition de monopoles géants (aujourd’hui inexactement appelés « sociétés multinationales »), l’exportation massive du capital pour la production et le partage du monde entre les associations capitalistes ont marqué le début de la période de déclin du capitalisme. Même quantitativement, les statistiques réfutent la prétention que ce serait un phénomène nouveau : à la veille de la Première Guerre mondiale, les investissements internationaux effectués par les principaux pays développés étaient égaux à leurs produits nationaux bruts cumulés, alors qu’en 1990 les investissements étrangers ont représenté seulement 12% de leurs produits nationaux bruts. En fait, en réponse à la « menace du communisme », les principaux pays impérialistes ont introduit des mesures d’« Etat-providence » qui ont augmenté la part de la production nationale. C’est ce à quoi veulent revenir les antimondialistes sociaux-démocrates de « gauche », ignorant que la bourgeoisie s’est engagée dans ces mesures en grande partie pour des raisons tactiques liées à la Guerre froide contre l’URSS. Depuis la destruction de l’Union soviétique, les diverses bourgeoisies cherchent à accroître leurs taux de profit en baisse en éliminant de telles « charges » qui pèsent sur les profits. La réponse à la forte augmentation du taux d’exploitation capitaliste, qui est à la base des bavardages sur la « mondialisation », n’est pas l’utopie réformiste qu’il faudrait développer des Etats-providences nationaux, mais la révolution socialiste internationale, incluant les semi-colonies qui connaissent les affres de l’industrialisation et les centres d’impérialistes dont la base industrielle décline. La LQI et la RKO ne participent ni ne soutiennent politiquement le « mouvement antimondialisation » dont le programme nationaliste et protectionniste veut retourner en arrière. Mais, parce que beaucoup de jeune militants et d’autres peuvent être attirés par la rhétorique « anticapitaliste » de quelques-uns des composants de ce front populaire informe, nous cherchons à leur faire connaître notre analyse et notre programme trotskyste révolutionnaire. Et nous protestons énergiquement contre la répression sauvage perpétrée par les gardiens armés du capital. Nous notons que, ces dernières années, les armées et la police aussi bien des pays impérialistes que des pays capitalistes du « tiers-monde » ont changé leur armement et leur orientation stratégique pour se préparer à la « guerre urbaine ». Tout en proclamant bien haut la « mort du communisme », leurs actions montrent qu’ils sont loin d’avoir chassé le spectre de la révolution prolétarienne. III Actuellement, un des foyers les plus actifs du « nouveau désordre mondial » est le Proche-Orient ; les provocations des dirigeants de l’Etat sioniste israélien y sont à l’origine de la nouvelle intifada (soulèvement) de la jeunesse palestinienne dans les Territoires occupés. En quelques mois, plus de 500 manifestants arabes, au moins, ont été abattus de sang-froid et des dizaines d’autres Palestiniens ont été tués par des détachements d’assassins israéliens (sans compter les milliers de victimes gravement blessées par les tirs israéliens) ; aujourd’hui, les militaires sionistes sont prêts à mener par tous les moyens une guerre contre l’Autorité palestinienne, le pseudo-gouvernement installé en vertu des pourparlers de « paix » d’Oslo en 1994. Vers la fin de l’année dernière, quand de courageux jeunes Arabes armés de rien d’autre que de pierres ont été abattus en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, la LQI et la RKO ont coordonné leurs efforts pour des actions de protestation dénonçant les meurtriers sionistes, notamment la sortie d’affiches en « Défense du peuple palestinien » et « Pour la révolution ouvrière arabe-hébraïque ! Pour une fédération socialiste du Proche-Orient ! » La presse impérialiste (du moins celle qui n’est pas grossièrement pro-israélienne) présente les événements en Palestine de façon mensongère comme s’ils étaient l’expression de « querelles » entre deux peuples qui n’arrivent pas à s’entendre, alors qu’en fait les Arabes subissent le joug de l’occupation israélienne. Plus fondamentalement, il y a une contradiction posée par le fait que deux peuples ayant droit à une existence nationale occupent le même territoire, minuscule et sans beaucoup de ressources. De plus, la création de l’Etat sioniste d’Israël a été le produit du refus des impérialistes "démocratiques" d’accueillir les réfugiés juifs fuyant l’Holocauste hitlérien avant, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale. Tout en reconnaissant le droit à l’autodétermination à la fois aux Arabes palestiniens et au peuple hébreu qui y vivent et aussi le droit au retour des réfugiés palestiniens chassés par les sionistes au cours de trois guerres, nous insistons que la question de ce droit démocratique ne peut pas être équitablement résolue sous le capitalisme, qui dresse nécessairement une nation contre l’autre en concurrence pour de maigres ressources, notamment la terre et l’eau. Contre l’idéologie bourgeoise du nationalisme, seul l’internationalisme révolutionnaire prolétarien fournit un programme pour émanciper les Palestiniens opprimés, pour faire rompre les ouvriers de langue hébraïque avec leurs dirigeants sionistes et pour unifier les travailleurs de la région entière dans la révolution socialiste. De nombreux soi-disant marxistes et pseudo-trotskystes ont longtemps été à la traîne de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) d’Arafat et des groupes nationalistes arabes plus radicaux à l’intérieur de l’OLP. Dans les années 1990, beaucoup ont soutenu le processus de « paix » bidon d’Oslo parrainé par les Etats-Unis, qui a seulement donné une couverture « légale » à l’occupation israélienne. Ces positions sont toutes deux une impasse pour les Palestiniens opprimés et n’offrent aucune perspective aux travailleurs hébreux qui ne veulent pas vivre dans une un Etat-garnison permanent. Nous, trotskystes, nous battons pour une république ouvrière arabe-hébraïque dirigée par un parti trotskyste multinational et partie intégrante d’une fédération socialiste du Proche-Orient, la seule structure dans laquelle puissent se résoudre les innombrables conflits nationaux impliquant les peuples pénétrés de la région (en particulier le peuple kurde, partagé entre six pays capitalistes et réprimé par tous). La question de la Palestine et d’Israël est rendue d’autant plus urgente que les dirigeants israéliens possèdent un arsenal nucléaire qui est le troisième au monde, devançant même celui de la Grande-Bretagne et de la France, et ils sont tout à fait capables d’utiliser ces armes. L’importance d’opter pour une position prolétarienne claire envers le Proche-Orient a été reconnue et adoptée par la RKO, qui a commencé à mettre ces perspectives en pratique. Cela peut apporter une contribution significative à la lutte pour le trotskysme en Palestine et au combat contre l’antisémitisme qui resurgit en Ukraine, en Russie et dans d’autres pays de l’ancien bloc soviétique. Les événements en Israël/Palestine seront aussi influencés de façon significative par les bouleversements ailleurs dans la région, notamment la révolte actuelle en Algérie, dans laquelle la LQI est intervenue avec une propagande trotskyste. IV La restauration du capitalisme et la déclaration d’indépendance, loin de résoudre les questions nationales en Ukraine, les ont renforcées. L’existence d’un Etat ukrainien avec une nette majorité (60%) de la population dont la langue maternelle est le russe doit nécessairement produire des tensions, avec quelques régions à l’ouest où domine la langue ukrainienne, à l’est où c’est le russe qui domine et des régions mélangées. Comme dans plusieurs Etats d’Europe de l’Est, les nouveaux dirigeants bourgeois ont attisé le nationalisme, cherchant à imposer des Etats capitalistes homogènes (au début sans capital) sur des populations hétérogènes sur le plan ethnique ou linguistique. L’obligation de l’ukrainien dans les documents officiels et dans les écoles est largement ressentie comme une humiliation dans les secteurs russes. Des personnes ont été agressées dans les rues par des nervis nationalistes ukrainiens parce qu’elles ne savent pas parler l’ukrainien. Nous exigeons la « suppression absolue de tout privilège pour quelque nation et quelque langue que ce soit » (Lénine, « Notes critiques sur la question nationale »). Nous exigeons des droits égaux pour l’ukrainien, le russe et les autres langues parlées par la population. Par ailleurs, il y a le cas des Tatars, injustement expulsés de la péninsule de Crimée par Staline en 1944 et exilés en Ouzbékistan. Beaucoup de ceux qui sont revenus se sont vu refuser la citoyenneté, le droit au logement ou au travail par les autorités locales staliniennes. Au sud, le long du Danube, il y a un mélange de populations – des Ukrainiens, des Russes, des Roumains, des Moldaves, des Hongrois, des Juifs, des Slovaques, des Bulgares, des Albanais et bien d’autres. L’Union soviétique, malgré le chauvinisme grand-russe stalinien, était un Etat multinational, et les nombreux cas de peuples interpénétrés peuvent seulement être résolus dans le cadre d’une fédération socialiste volontaire qui naîtra d’une révolution ouvrière s’étendant au-delà des frontières de chacun des anciens Etats soviétiques. Une politique internationaliste à l’égard de la question nationale en Ukraine affectera immédiatement les conflits aujourd’hui insolubles, comme celui du Trans-Dniestr. Pendant que l’Etat ouvrier soviétique dégénéré était en train de s’effondrer, les impérialistes ont cherché à utiliser le nationalisme des peuples non russes comme instrument contre-révolutionnaire. Beaucoup de pseudo-trotskystes y ont activement participé, appelant à une Lituanie indépendante, à une Ukraine indépendante, etc. Les trotskystes authentiques ont défendu le droit des peuples soviétiques à former des Etats ouvriers indépendants, mais ils se sont opposés à ce que le droit à l’autodétermination serve de couverture à la contre-révolution. La RKO et la LQI considèrent que l’appel de Trotsky à une Ukraine soviétique indépendante en 1938-39, bien que principiel, était inopportun dans les circonstances données. Par la suite, l’Ukraine est devenue le foyer d’une campagne de l’impérialisme américain pour encercler la Russie. Ces dernières années, le pays est devenu le troisième plus grand destinataire de l’aide américaine, après Israël et l’Egypte. Le président Leonid Koutchma, le chef du parti des « oligarques » industriels ukrainiens, considéré auparavant comme l’homme de Washington, a été attiré de plus en plus dans l’orbite russe après que Vladimir Poutine eut remplacé Eltsine en 1999. S’en est suivie une campagne pour évincer Koutchma, campagne qui avait l’appui tacite, voire même l’encouragement direct des Etats-Unis. Le gouvernement de Bill Clinton a signifié sa préférence à l’époque pour l’ancien premier ministre Viktor Youtchenko et, en janvier 2001, les manifestants anti-Koutchma ont encerclé le parlement. Les organisateurs des manifestations ont parlé ouvertement de faire à Kiev un « second Belgrade », c’est-à-dire de renverser par un putsch déguisé en « pouvoir populaire » un gouvernement qui avait perdu les faveurs de l’impérialisme américain et le remplacer par un régime-client docile. Les manifestations étaient dirigées par une coalition nationaliste ukrainienne qui a pris la forme d’une « échelle mobile de front-populisme ». Le principal groupement s’appelait « Ukraine sans Koutchma » et était parrainé par le Parti socialiste d’Ukraine (SPU) bourgeois d’Olexandre Moroz, en commun avec des partis « sociaux-démocrates » plus petits et des fascistes ukrainiens comme l’UNA/UNSO. Après avoir participé au début à cette alliance de circonstance, le Parti communiste d’Ukraine (KPU) chauvin russe s’est retiré pour former sa propre coalition, « Ukraine sans Koutchma ni Youtchenko », qui regroupait les organisations satellites du PC et des bandes de fascisants russes. Une coterie de pseudo-trotskystes a formé son propre bloc, « Ukraine sans bourgeoisie ni fascistes », lancé par les MRM (Jeunes marxistes révolutionnaires), qui se décrivent comme fraternellement liés à la Tendance bolchevique internationale (TBI – International Bolshevik Tendency) stalinophobe, et promu avec enthousiasme par RV (Pouvoir ouvrier), qui fait partie de la LICR que dirige le groupe britannique Workers Power. Malgré ses prétentions à être indépendants de la bourgeoisie, ce bloc pourri était une simple feuille de vigne pour camoufler sa participation « critique » au front populaire anti-Koutchma. Il a été rejoint par les partisans ukrainiens du CIO (Comité pour une Internationale ouvrière, dirigé par Peter Taaffe), de l’OTI (Opposition trotskyste internationale), du COI (Comité international ouvrier), du groupe britannique Workers Liberty dirigé par Sean Matgamna, du Partido Obrero argentin de Jorge Altamira, du PTS argentin et de plus de vingt groupuscules ukrainiens qui se prétendent à gauche du Parti communiste. Début février, le campement des centaines de manifestants anti-Koutchma, Place de l’Indépendance, a été attaqué par des centaines de fascistes ukrainiens de Trident, un groupe à la solde de Koutchma, qui se sont affrontés au Parti bolchevique nationale russe fascisant. Pendant que Koutchma faisait le gros dos devant les manifestations, Moroz, le dirigeant du SPU, est allé chercher de l’appui à Washington. Finalement, le « mouvement » est passé de 10 000 à quelques centaines de manifestants et a ensuite disparu au fur et à mesure que les Etats-Unis s’en désintéressaient. Au lieu de cela, en juin, le secrétaire américain à la « défense » Rumsfeld a fait un voyage de six heures pour se rendre à Kiev, de retour d’une réunion de l’OTAN, afin de donner ses instructions à Koutchma qui, depuis, a changé de premier ministre. Le bloc pseudo-trotskyste est tombé en morceaux ; pendant que les MRM/TBI publiaient une autocritique pour avoir lancé un « bloc de propagande » – qui était en réalité une coalition front-populiste pour faciliter leur participation au front anti-Koutchma, le RV/LICR appelait même à renforcer les liens avec les forces bourgeoises. La RKO a refusé de rejoindre ce cirque de collaboration de classes et insisté sur le principe trotskyste qui refuse de donner un soutien politique à un front populaire quelconque. La RKO attire l’attention sur le fait que ces tendances qui se prétendent faussement trotskystes nageaient en fait dans le courant de l’impérialisme américain ; beaucoup d’entre elles ont fait de même une année plus tôt, pendant les bombardements de l’OTAN contre la Yougoslavie. Contre la « famille » incestueuse du pseudo-trotskysme en Ukraine, la LQI et la RKO appellent à la construction d’un parti d’avant-garde trotskyste indépendant dans le combat pour reforger la Quatrième Internationale. Nous nous battons pour des gouvernements ouvriers révolutionnaires en Ukraine et partout dans les anciens Etats soviétiques, et en particulier pour leur extension aux pays impérialistes industriels avancés de l’Europe occidentale, du Japon et des Etats-Unis. V La crise aiguë de la direction révolutionnaire du prolétariat – depuis le Proche-Orient explosif jusqu’aux conditions économiques et sociales catastrophiques des anciens pays du bloc soviétique – exige la construction de partis léninistes-trotskystes qui reviennent à l’héritage internationaliste de la Révolution bolchevique. L’identification stalinienne du bolchevisme au chauvinisme grand-russe a fait un mal incalculable à la cause léniniste, en particulier en permettant aux impérialistes d’attiser le sentiment contre-révolutionnaire sous couvert d’opposition à l’oppression nationale exercée par la bureaucratie. Après la destruction de l’Union soviétique, ce mal continue avec la prolifération de divers groupements « national-bolcheviques », staliniens et fascisants. La RKO d’Ukraine cherche à construire un parti d’avant-garde léniniste du prolétariat, un parti de révolutionnaires professionnels et non un salon de discussion social-démocrate, un parti qui agit comme « tribun du peuple » pour mobiliser la puissance du prolétariat contre toutes les formes d’oppression sociale, tel que Lénine l’a élaboré dans son travail de 1902 Que faire ? En plus du combat pour une politique internationaliste sur la question nationale dans cet Etat multinational, les trotskystes combattent avec vigilance tout acte de discrimination et de répression à l’égard de la population juive. L’antisémitisme a longtemps été la pointe avancée de la contre-révolution en Ukraine. Les Cent-Noirs tsaristes ont assassiné des milliers de Juifs – de Kichinev à Zhytomyr. Pendant la Guerre civile de 1918-1920, les armées blanches et les armées bourgeoises ukrainiennes sous le commandement de Simon Petlioura ont organisé de vastes pogroms contre les Juifs, aussi furieusement qu’ils ont massacré des bolcheviks. Les forces de Grigouriev, alors allié au dirigeant anarchiste Nestor Makhno, ont aussi effectué des pogroms antisémites. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, les envahisseurs impérialistes hitlériens ont attisé l’antisémitisme populaire avec leur propagande haineuse contre les « Juifs communistes » et ont assassiné plus de 35 000 Juifs parmi les 100 000 citoyens de Kiev qui furent ensevelis dans l’abattoir de Babi Yar. Pendant et après la guerre, les bandes fascistes de Stepan Bandera ont organisé des pogroms. Les staliniens ont refusé de reconnaître la nature spécifiquement antisémite du génocide nazi, ainsi que l’extermination des Roms (Gitans), des homosexuels, des minorités ethniques, des Slaves et de tous ceux que les aryanisateurs fascistes ont considérés comme des « sous-hommes ». Staline s’est servi de l’antisémitisme dans sa lutte contre Trotsky et aussi par la suite, en particulier dans la période de 1948 à 1952 qui a culminé avec l’infâme « complot des blouses blanches ». En même temps, les Juifs ont constitué une partie significative de l’appareil stalinien, y compris Vychinsky qui a présidé les procès de Moscou. La discrimination contre les Juifs a continué jusqu’à la fin du régime stalinien, notamment en ce qui concerne l’accès aux études universitaires. Les sionistes ont fomenté une campagne internationale pour « sauver la communauté juive soviétique » qui a tout à fait déformé la question juive en Union soviétique et ont fait un symbole de Nathan Chtcharansky, qui était coupable d’avoir passé des secrets de la défense soviétique à des journalistes occidentaux, entre autres. Depuis la restauration du capitalisme et l’indépendance de l’Ukraine, il y a eu des attaques fascistes régulières contre des lieux juifs, y compris un certain nombre de profanations de cimetières. Les trotskystes appellent à des actions de défense de front unique prolétarien contre les attaques fascistes antisémites. Bien que l’homosexualité ait été décriminalisée en 1991, les groupes gais sont toujours harcelés par le gouvernement ; les préjugés homophobes sont largement répandus, les gais subissent l’hostilité des staliniens (qui prêchent les « valeurs de la famille » traditionnelles à la Reagan) et ils sont la cible de la haine des fascistes, tels que les nervis nationalistes ukrainiens de l’UNA/UNSO, qui attaquent aussi les militants de gauche à Lviv et ailleurs. Les communistes défendent avec intransigeance les pleins droits pour les homosexuels et se battent résolument contre la répression qui les frappe. Une attention particulière doit être portée à
la question femmes. Les femmes font partie des couches les plus durement
frappées par les conséquences de la restauration capitaliste.
Le chômage les a affectées de façon disproportionnée
et beaucoup de services comme les crèches sont disponibles seulement
à celles qui peuvent se les permettre – quand ils sont disponibles.
Un parti léniniste doit faire des efforts particuliers pour recruter
des camarades femmes qui, comme l’histoire le montre, sont parmi les combattants
les plus résolus dans les batailles de classe à venir. Les
communistes se battent pour l’avortement libre et gratuit sur demande,
partie intégrante d’un système de santé gratuit et
de grande qualité pour tous; contre l’élimination drastique
des allocations de maternité; pour des crèches gratuites
ouvertes 24 heures sur 24 ; pour un salaire égal à travail
égal et pour l’ouverture aux femmes de tous les métiers.
Pour la libération des femmes par la révolution socialiste!
VI L’élément décisif dans le combat pour mobiliser le prolétariat contre les ravages de la contre-révolution et l’oppression capitaliste est la construction d’un parti international, un parti authentiquement bolchevique-léniniste. En particulier, il est nécessaire de combattre et battre la politique liquidationniste du pablisme, (du nom de Michel Pablo) qui a répondu à l’expansion du stalinisme après la Deuxième Guerre mondiale en abandonnant la lutte pour une avant-garde trotskyste indépendante. A la place, les pablistes ont pratiqué le suivisme à l’égard d’une multitude de forces non prolétariennes et antirévolutionnaires, d’abord les staliniens (ceux de Moscou, de Belgrade et de Beijing), puis les castristes cubains, les nationalistes bourgeois algériens, les guérilleros petits-bourgeois d’Amérique latine, les officiers militaires portugais, les mollahs iraniens. Ensuite, ils ont hurlé avec les loups impérialistes sur l’Afghanistan et la Pologne pendant la deuxième Guerre froide antisoviétique. A l’époque de l’écroulement du bloc soviétique, les pablistes s’étaient depuis longtemps habitués à faire cause commune avec la contre-révolution. Des proclamations générales remplies de citations de Trotsky sont la devise commune de la vingtaine de groupuscules qui cherchent à occuper le terrain politique à la gauche du PCU droitier. En même temps, eux et beaucoup de leurs mentors s’engagent dans une sarabande de combinaisons et des recombinaisons, de comités de coordination, de comités de liaison, de comités paritaires pour reconstruire, rebâtir ou reconstituer la Quatrième Internationale. En pratique, cela consiste à recoller les pièces et les morceaux issus de l’implosion et de l’effondrement des divers groupements qui ont prétendu être la continuité du parti fondé par Léon Trotsky. La RKO et la LQI, au contraire, insistent que le regroupement révolutionnaire nécessaire, qui passe par un processus de scissions et de fusions, doit être basé sur le programme trotskyste authentique, et non sur des accords diplomatiques provisoires. Les principes généraux sont testés dans la lutte des classes, et un événement clé dans les anciens Etats soviétiques a été août 1991 à Moscou, qui a marqué le moment où la contre-révolution ouverte a pris l’ascendant dans le pays de la révolution d’Octobre. Frustrés dans leurs espérances, les lieutenants de Gorbatchev, qui formèrent le « Comité d’état d’urgence » (GKChP), ont organisé sans enthousiasme un coup d’Etat au nom du maintien de l’URSS (mais non de l’arrêt de la restauration du capitalisme), seulement ils ont été supplantés par le contre-coup d’Eltsine appuyé l’impérialisme. À ce moment décisif, le pot-pourri de pseudo-trotskystes s’est mis du côté de la contre-révolution au nom de l’« antistalinisme ». Certains, comme les mandéliens du Secrétariat unifié, ont proclamé que face au GKChP Eltsine était progressiste, au nom d’une démocratie (bourgeoise) soi-disant au-dessus des classes. Eux et le courant de la LICR dirigé par Workers Power en Grande-Bretagne sont littéralement montés sur les barricades d’Eltsine. Le groupe britannique « Militant », dont est issu le CIO de Taaffe, a titré dans son journal « Coup d’Etat écrasé » (Militant, 30 août 1991) ; un éditorial parlait « des éléments de la révolution politique » dans « la lutte pour arrêter les bureaucrates durs ». Les morénistes se sont joints aux partisans de Cliff pour saluer le contre-coup contre-révolutionnaire d’Eltsine comme une nouvelle « Révolution russe ». Les shachtmanistes modernes de la LRP [League for the Revolutionary Party – Ligue pour le parti révolutionnaire] ont dirigé leur feu contre « les staliniens intransigeants » de Moscou, tout en critiquant Eltsine pour sa « politique pseudo-démocratique » – vraisemblablement la LRP est pour la « vraie » démocratie (bourgeoise). Le PTS argentine a exulté : « La révolution a commencé en Union soviétique en août 1991 », saluant « le secteur d’avant-garde du mouvement de masse qui a rejoint la lutte contre le coup d’Etat [du GKChP] ». D’autres groupes étaient plus circonspects dans leur présentation d’une ligne semblable. En Argentine, le Partido Obrero de J. Altamira a déclaré que « les impérialistes ont soutenu le coup d’Etat [du GKChP] » en URSS et a salué « la victoire du peuple contre le coup d’Etat » pour avoir des « dimensions révolutionnaires ». Ces courants sont présents en Ukraine aujourd’hui et leur politique opportuniste actuelle est tout à fait prévisible étant donné leur position en 1991. Qu’importe de soutenir Youtchenko contre Koutchma dans une querelle entre bourgeois, par exemple, pour des gens qui se sont joints à la bourgeoisie pour poignarder l’Union soviétique ? Un cas en apparence différent mais qui, en réalité, revient à la même chose : celui de la TBI, qui a essayé de cacher sa stalinophobie en adoptant la position fausse d’appeler à un « soutien militaire » au GKChP. Mais le « soutien militaire » à une force qui n’a pas entrepris la moindre action militaire contre Eltsine ne signifie pas du tout résister à la contre-révolution. En fait, la TBI a utilisé les événements d’août 1991 pour déclarer que l’Etat ouvrier dégénéré soviétique était mort et enterré et pour jeter par-dessus bord toute prétention à défendre l’Union soviétique. Par contre, pour les véritables trotskystes, il était décisif de chercher des ouvertures pour que s’engouffre la résistance prolétarienne au moment où la bande d’Eltsine procédait au démantèlement du régime stalinien et donnait une cohérence aux éléments centraux constituant un nouvel Etat bourgeois. En août 1991, la Ligue communiste internationale (LCI), dirigée par la Spartacist League des Etats-Unis, a correctement appelé à mobiliser les ouvriers soviétiques pour briser la contre-révolution d’Eltsine-Bush. La LCI, qui pendant trois décennies a représenté la continuité du trotskysme révolutionnaire au niveau international, a lutté ouvertement pour le défensisme soviétique révolutionnaire en Afghanistan, en Pologne et ailleurs. Elle s’est mobilisée au niveau international pour intervenir en Allemagne de l’Est (RDA) contre la réunification capitaliste et pour la révolution politique contre les héritiers staliniens du régime Ulbricht-Honecker. Ces derniers, suivant l’exemple de Gorbatchev, ont capitulé devant les impérialistes de l’Allemagne de l’Ouest, leur offrant la RDA sur un plateau. À Moscou , en août 1991, tout en ne donnant aucun soutien au pâle coup d’Etat, la LCI a correctement laissé ouverte la possibilité d’un bloc militaire avec les « éléments récalcitrants de la bureaucratie » au cas ils auraient utilisé leurs armes contre le putsch d’Eltsine. La « bande des huit » du GKChP a cependant rangé les chars et n’a même pas coupé les lignes téléphoniques reliant la Maison Blanche de Moscou à la Maison Blanche de Washington. Aujourd’hui, la LCI déclare au contraire dans ses polémiques contre la LQI que les staliniens ont « dirigé » la contre-révolution en RDA et en URSS. Cette affirmation est directement opposée à l’analyse de Trotsky sur la double nature de la bureaucratie, est contraire aux événements réels (Eltsine a rompu avec la bureaucratie, tout le bureau politique de la RDA a fini dans les prisons du Quatrième Reich) et contredit ce que la LCI a écrit à l’époque où elle combattait la contre-révolution. Dans le même temps, la LCI dénonce la LQI pour son soutien à la déclaration de Trotsky que la crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat. La LCI écrit dans sa Déclaration de principes, remodelée en 1998, que cette thèse clé de la Quatrième Internationale « est antérieure à la profonde régression actuelle de la conscience prolétarienne », ce que la LCI désigne également comme ayant été l’élément clé qui a conduit à l’effondrement des Etats dégénéré et déformés. Ainsi, au lieu de mettre en évidence la crise de la direction et le combat pour la résoudre, elle accuse les masses travailleuses pour cette défaite historique mondiale. Avec sa ligne actuelle sur la bureaucratie stalinienne, elle n’aurait jamais pu faire ce qu’elle a fait il y a dix ans dans la lutte contre la contre-révolution. De même, elle a abandonné la position de Trotsky sur les fronts populaires (prétextant de leur impossibilité dans les pays qui n’ont pas de partis ouvriers de masse) et a renoncé à la position fondamentale de l’Internationale communiste qui exige l’indépendance de toutes les colonies. Parce qu’elle s’embourbe de plus en plus dans le centrisme de gauche et l’abstentionnisme, la LCI est incapable de conduire les nouvelles luttes révolutionnaires de demain. VII La Ligue pour la Quatrième Internationale (LQI) a été fondée en 1998 par d’anciens membres exclus de la LCI aux Etats-Unis, au Mexique et en France, et par la Liga Quarta-Internacionalista do Brasil (LQB) ; fuyant une bataille de classe décisive en plein combat pour chasser la police des syndicats brésiliens, la LCI avait rompu les relations fraternelles avec la LQB. Dans sa déclaration de fondation, la LQI déclare qu’elle est « une tendance en formation. Elle attirera vers ses rangs ceux qui cherchent à défendre et à étendre le programme du trotskysme authentique et à l’appliquer dans la lutte de la classe ouvrière et des opprimés. » La déclaration poursuit : « Pour reforger la Quatrième Internationale, il est nécessaire de vaincre le pablisme et tous les autres courants qui trahissent le programme révolutionnaire trotskyste. Un élément important de ce combat, et de la lutte pour surmonter la disparité entre les tâches que nous confrontons et nos forces limitées, sera la tactique du regroupement révolutionnaire sur la base du programme de l’internationalisme léniniste. Nous prévoyons une série de scissions des organisations révisionnistes et des fusions avec ceux qui cherchent véritablement à être communistes, pour construire le parti d’avant-garde. »Cette fusion entre la LQI et la RKO d’Ukraine est une première réalisation de cette perspective. Dans sa courte existence et malgré ses forces extrêmement limitées, la LQI a déjà connu quelques succès modestes. Au Brésil, la LQB, reprenant ainsi la tradition de l’International Labor Defense, est à l’origine des premiers débrayages (en avril 1999) pour exiger la libération du prisonnier politique Mumia Abu-Jamal, qui est enfermé dans le quartier des condamnés à mort aux USA. Au Mexique, le Grupo Internacionalista a fait une intervention exemplaire dans la grève longue de dix mois à l’Université Nationale (UNAM) en 1999-2000, contribuant ainsi à la formation de détachements de défense ouvriers, composés de centaines d’ouvriers de l’électricité et de l’université, qui sont parvenus à un moment crucial à faire échec à l’occupation du campus en grève par la police et l’armée. Aux Etats-Unis, l’Internationalist Group est seul à se battre pour apporter le programme communiste aux travailleurs immigrés, qui représentent un apport de nouvelles forces combatives au mouvement ouvrier bureaucratisé. La LQI a désormais des publications en cinq langues. La RKO d’Ukraine a été formée par des camarades qui, déjà en 1989, avaient publiquement annoncé leur intention d’établir une section de la Quatrième Internationale en Ukraine. Elle se constitua, en 1992, d’abord comme un cercle qui se tournait vers la politique trotskyste. Réunissant d’anciens étudiants et des ouvriers qui avaient passionnément lu les premières œuvres de Trotsky publiées en russe depuis son exil en 1929, la RKO a cherché un contact international, notamment avec la LCI à l’époque où elle avait une station à Moscou. Mais le refus de la LCI de débattre des questions programmatiques a amené les camarades de la RKO de constater une divergence entre les mots de la LCI et ses actes. En 1997, la RKO commença à construire un parti structuré, cherchant à mettre en pratique les normes léninistes, recrutant à ses rangs de jeunes mineurs venus à la vie politique pendant la grève des mineurs de charbon de 1989. En prenant contact début 2000, la LQI et la RKO sont parvenues à un accord sur les questions discutées ci-dessus. Pendant la période de ces discussions, la RKO a grandi de façon significative, intégrant de nouveaux militants originaires d’horizons divers. En tant que section de la Ligue pour la Quatrième Internationale, la RKO participera à une tendance internationale centralisée démocratiquement, ce qui permettra à l’organisation fusionnée d’accroître l’impact de nos interventions. La RKO adopte la perspective de publier prochainement un journal modeste à la fois en ukrainien et en russe qui reflétera les luttes sur le terrain national et les questions internationales clés abordées dans la presse de la LQI. Un deuxième projet est de publier sous forme de brochure une série de textes choisis de Trotsky pour les rendre accessibles aux contacts ouvriers et étudiants dont les ressources sont limitées. Elle cherchera à organiser des ventes devant une usine importante et dans d’autres lieux à Kiev et à jeter les bases pour étendre la diffusion de sa propagande à d’autres régions importantes en Ukraine orientale et occidentale. La RKO et la LQI reconnaissent aussi leur responsabilité de propager le programme du trotskysme authentique dans les autres anciens Etats soviétiques et en Europe de l’Est. À la suite de la restauration du capitalisme en Union soviétique, le premier Etat ouvrier de l’histoire, et en Europe de l’Est – après des décennies de sabotage stalinien et sous les coups de boutoir de l’impérialisme –, beaucoup de réformistes et de centristes ont adopté un programme de défaitisme ouvert, soit sous la forme d’un opportunisme rampant, soit par le refus de lutter pour la direction révolutionnaire de la lutte de classe, soit les deux. Au contraire, pour les révolutionnaires, il est nécessaire de tirer les leçons révolutionnaires de ces défaites historiques pour la cause ouvrière. N’importe quel ouvrier militant qui est passé par une grève dure connaît ce processus et sait que beaucoup restent sur le bas-côté de la route. Mais ceux qui continuent la route et ceux qui entrent en lutte ne sont pas rejetés à la période d’avant 1914, c’est-à-dire avant la Révolution russe de 1917, comme les révisionnistes le prétendent aujourd’hui. Au contraire, nous nous tenons sur les épaules de ceux qui se sont battus avant nous, y compris l’analyse trotskyste du stalinisme qui est un élément clé pour les victoires futures. Nous continuons le travail de dizaines de milliers des bolcheviks-léninistes qui sont tombés victimes de la répression stalinienne, fasciste et bourgeoise-"démocratique". Seuls les véritables trotskystes possèdent le programme pour mener les ouvriers et les opprimés des anciens Etats soviétiques à la victoire révolutionnaire – victoire qui s’étendra à la planète entière et offrira un avenir socialiste à l’humanité, au lieu de la barbarie que nous pouvons déjà voir devant nos yeux. Kiev, le 26 juillet 2001
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