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novembre 2006 Grève nationale pour exiger : police et forces armées, dehors ! Épreuve de force au Mexique A bas le PRI, PAN et
PRD ! Rompez avec López Obrador y
son front populaire ! Formez des comités de défense ouvrière ! 10 novembre
- A 170 jours de son début, la combative grève et la rébellion de masse
qui ont ébranlé Oaxaca et qui secouent maintenant tout le
Mexique, sont entrées
dans leur phase décisive. L’invasion
violente de l’Etat [de Oaxaca]
avec la Police fédérale
préventive (PFP) et les forces armées a
déclenché une vague d’opposition qui
s’étend à tout le pays
et se répercute
à l’échelle internationale. Il est clair aux
yeux de tous que le déploiement de force
militaire
n’a pas eu – loin de cela – l’effet d’intimidation
souhaité.
Les grévistes de Oaxaca résistent
héroïquement à
l’attaque du gouvernement fédéral avec la même
détermination qu’ils ont montrée
tout au long de plus de cinq mois de combat contre le sanguinaire
gouverneur
haï, Ulises Ruiz Ortiz. Dès le moment où ils sont
arrivés dans l’Etat, les forces
fédérales se sont trouvées
face à une résistance de combattants sociaux expérimentés, pas du tout disposés à se rendre. Dans la bataille rangée qui, le 2
novembre, a duré sept heures autour de l’UABJO
(Université autonome
Benito Juárez de Oaxaca), un puissant coup
a été porté à
la PFP et aux
effectifs de l’armée déguisés en policiers.
À la défaite qu’a subie une armée formée
de milliers de policiers de
Oaxaca lors de sa tentative
manquée de déloger l’imposant plantón (campement) des enseignants le
14 juin, s’ajoute maintenant la
défaite indéniable de la police fédérale,
le 2 novembre. Sa fuite humiliante a eu un fort impact
démoralisateur sur les forces en
uniforme gris, dont
une bonne partie sont d’origine indienne
comme ceux qu’elles répriment.
Pour les travailleurs et opprimés du pays entier, par contre, la
mobilisation combative des
masses de Oaxaca contre
la tentative de fermer Radio Université, et faire taire ainsi la
voix et
l’organisateur de la résistance, a eu un effet dynamisant. Le dimanche 5 novembre, a eu lieu
la sixième « méga-marche » de
Oaxaca, où ont massivement afflué des dizaines
de milliers de participants. Les manifestants ont mis plusieurs
heures à parcourir le
parcours de douze kilomètres.
A la tête de la manifestation se trouvaient les
parents des assassinés, disparus et prisonniers politiques,
suivis par plusieurs
milliers d’enseignants de la région des vallées centrales
du syndicat des
enseignants, la Section 22 du
SNTE-CNTE. Ils ont
insisté sur le fait que, contre l’accord passé
par le dirigeant de la Section 22, Enrique Rueda Pacheco,
avec le ministère de l’Intérieur de retourner au travail,
ils ont décidé de
« continuer dans la lutte » jusqu’à la
chute de Ruiz Ortiz et le retrait de la PFP.
« Avec
Rueda ou sans Rueda, Ulises [Ruiz] partira ! »
ont-ils scandé. Face à la
répression, la protestation s’étend.
Pour la première fois étaient
présentes
des communautés indiennes de
la Sierra de Juárez, au nord de Oaxaca. Mais tandis que les
grévistes célèbrent – avec raison – leur victoire temporaire,
tout en se
maintenant toujours en état d’alerte
maximale, les forces de répression préparent
une riposte sanglante. L’Assemblée populaire des
peuples de Oaxaca (APPO) a appelé à
passer à l’offensive
générale. Sans aucun doute, c’est le moment de frapper
fort contre les
gouvernements du gouverneur assassin Ruiz Ortiz et du président
droitier Vicente Fox Quesada. Mais comment
vaincre ? Les insurgés de
Oaxaca ont déjà
montré leur bravoure et une
résolution incomparables. Ils ne doivent pas rester seuls ! Dans
cette lutte,
le dénouement ne dépend pas uniquement des masses
travailleuses de cet Etat assiégé,
un des plus pauvres du
pays. On a un besoin urgent
d’une mobilisation ouvrière à l’échelle nationale
et des actions au niveau
international autour de la revendication : PFP
et forces armées, hors de Oaxaca ! Les enseignants de tout
le pays doivent
déjà entamer une grève. Aux campements et
barricades des enseignants de Oaxaca
et de leurs alliés il faut
ajouter la force des électriciens du
SME, des travailleurs du téléphone du
STRM, des mineurs de Cananea, des ouvriers
du pétrole, des travailleurs
universitaires et travailleuses des industries de zone franche (les maquiladoras). Depuis plus de cinq mois,
le Grupo Internacionalista a fait de
l’agitation en faveur d’une grève nationale contre le
gouvernement
assassin. Il est aujourd’hui plus urgent que jamais de
transformer cet appel en réalité. Il est aussi nécessaire de
souligner l’importance de la lutte
internationale contre la répression au Mexique. Pendant des
mois, la lutte dans
le Oaxaca a été pratiquement ignorée à
l’extérieur du pays. Cependant, le
meurtre du journaliste américain de la presse alternative de
gauche, Brad Will,
le 27 octobre, a provoqué des
ondes de choc autour du monde. Il y a eu des protestations indignées dans des dizaines de pays et
dans plus de cinquante villes des
Etats-Unis. L’ambassadeur
américain, Tony Garza, s’imaginant être un
proconsul impérial, a
donné l’ordre de réprimer, en alléguant que le
décès de Will « souligne la
nécessité qu’on rétablisse le
régime de la loi et de
l’ordre à Oaxaca ». Le
président Fox, qui jusque-là
hésitait,
a expédié immédiatement la PFP. Lors
d’une
manifestation à l’extérieur du
consulat mexicain à New York le 30 octobre, des amis de
l’activiste assassiné portaient une
banderole « Non à
la violence d’Etat au nom de
Brad – Forces gouvernementales hors
de Oaxaca ». Il y a eu douze arrestations
ce jour-là, et les protestations se
poursuivent. Nos camarades du Internationalist Group ont
organisé
plusieurs piquets à New York contre la répression
à Oaxaca. Leurs pancartes
proclamaient : « Tlatelolco 1968,
Oaxaca, 2006 : Des massacres au Mexique, Made in U.S.A. » Et parmi les mots d’ordre scandés, ils
ont
rappelé l’enseignant de Oaxaca assassiné le
jour même :
« Emilio Alonso, Brad Will – la lutte continue
! » Comme toujours, il faut mener cette
bataille de classe politiquement. Le Parti révolutionnaire
institutionnel (PRI) du gouverneur Ruiz
Ortiz et Parti Action nationale
(PAN) du président Fox sont largement haïs pour leurs
actions répressives à Oaxaca. Le
Parti de la révolution démocratique (PRD) et son
porte-drapeau
Andrés Manuel López Obrador (largement connu par le sigle
de son nom, AMLO)
essaient maintenant de récupérer
la lutte de Oaxaca. Ils
cherchent à l’associer aux
protestations massives « en défense du
vote », après l’élection du 2
juillet, et à l’investiture, le 20 novembre prochain, d’AMLO
comme
« président légitime » d’un
« gouvernement itinérant ».
Nous signalons qu’au même titre que le PAN et le PRI, le PRD – un
parti
populiste et nationaliste bourgeois – n’est pas un allié mais un
ennemi de
classe des enseignants, des travailleurs et des Indiens
de Oaxaca et du reste du pays. Dans chacun des massacres
récents (sidérurgistes de
Sicartsa à Lázaro Cárdenas, Michoacán en
avril ; paysans et habitants de
San Salvateur Atenco, près de Mexico en mai ; et
enseignants de Oaxaca en
juin), des responsables et des élus du
PRD ont pleinement participé à la
répression. Pour combattre l’attaque
capitaliste, il faut lutter
pour former le noyau d’un parti ouvrier
révolutionnaire. De la rébellion populaire à la
révolution ouvrière : Après
la bataille entre des travailleurs en grève et la police locale,
fédérale et d’Etat à l’usine sidérurgique
Sicartsa de Lázaro Cárdenas, Michoacán, le 20
avril. (Photo: Arnulfo Moro/Quadratín.com) Les groupes
de gauche qui parlent aujourd’hui d’une
Commune de Oaxaca prétendent qu’il existe une situation
révolutionnaire
virtuelle dans l’Etat, voire dans
le pays entier. Un cas
exemplaire est le groupe Militante,
qui s’est proclamé la « tendance
marxiste » du PRD, parti bourgeois ! Le
principal dirigeant
de ce courant, Alan Woods, a écrit un article extensif sur
« Le réveil
révolutionnaire du Mexique » (8 septembre) où il fait référence aux « assemblées
populaires, qui sont des soviets
tout du moins
dans le nom », tout en affirmant qu’au
niveau national « les éléments de
dualité de pouvoir commencent déjà
à exister » et que tous les
aspects d’une situation révolutionnaire existent au Mexique,
sauf le parti
révolutionnaire. Woods et sa Tendance marxiste internationale (TMI) écrivent constamment des
commentaires haletants de ce genre, ayant découvert des
révolutions en cours au
Vénézuéla (où ils conseillent le président, militaire populiste,
Hugo Chávez
en matière de trotskysme !) et en Bolivie
(où le soulèvement ouvrier de juin 2005 a conduit
à l’élection du président populiste
bourgeois Evo
Morales). De telles affirmations démontrent, d’une part, que leurs auteurs vivent dans un monde
imaginaire peuplé de rêves,
résultat de leur perte de
confiance dans les capacités
révolutionnaires du prolétariat
réel ; et, d’autre part, qu’ils
ont redéfini
(c’est-à-dire révisé) les objectifs
révolutionnaires pour les rendre
cohérents avec la perspective
d’une révolution « démocratique »
(bourgeoise). Même s’il existait une
situation pleinement révolutionnaire ou une « Commune » à Oaxaca,
le
programme que soutiennent ces
messieurs n’est pas celui que
proposerait un authentique parti trotskyste. « Tout le
pouvoir à
l’Assemblée populaire du peuple de Oaxaca ! »
proclame Militante d’une voix tonitruante. « Pour un gouvernement
provisoire de l’APPO et des organisations
ouvrières, paysannes et
populaires en lutte » dit la Liga de Trabajadores por el
Socialismo (LTS)
; autre part, la LTS revendique
« un gouvernement ouvrier et populaire de
l’APPO ». Au lieu de se
battre pour une organisation des masses travailleuses qui
fournira le cadre d’une révolution ouvrière, ils
font appel à
l’actuel organisme dirigeant. Et ce n’est pas la première fois
qu’ils le font.
L’année dernière en Bolivie, les mêmes groupes ont
salué l’ « Asamblea
Popular Nacional Originaria » (APNO – Assemblée
populaire nationale et
autochtone), en soutenant que celle-ci était
l’équivalent, ou au moins
l’« embryon », d’un soviet dans
les Révolutions russes de 1905 et 1917. La Ligue pour
la Quatrième Internationale, par contre, a
appelé à former de réels conseils
d’ouvriers et
paysans (soviets) en même temps que nous démontrions que
l’« APNO » était mort-née et qu’elle n’était rien
d’autre qu’un cartel de
dirigeants opportunistes. Ceux-ci s’étaient donné des
airs révolutionnaires
pour dissimuler leurs propres trahisons : au plus fort du
soulèvement, les dirigeants de l’APNO ont ouvert la
voie à un nouveau gouvernement bourgeois au lieu de combattre pour le pouvoir ouvrier (voir
« Mythe et réalité : El Alto et l’
‘Assemblée populaire’ », The
Internationalist n°21, été 2005). Au Mexique
aujourd’hui, la LTS appelle à ce que
l’APPO « se transforme en organisme
basé sur des délégués élus dans les
communes, les quartiers et centres de
travail ». Militante-TMI se prononce pour « des
organes démocratiques
de lutte révolutionnaire ayant une
large base, lesquels le jour suivant la
victoire de l’insurrection pourront être
transformés en organes
de démocratie
révolutionnaire directe » (Woods, 8 septembre). Mais, même s’il y avait des
« organes démocratiques de lutte
révolutionnaire » ou si « des tendances
à l’auto-organisation »
des masses étaient en train de se
développer, cela ne donnerait pas à l’APPO un
caractère de classe prolétarien. Toute
l’histoire montre que
les organisations d’Indiens et paysans
pauvres, pour très démocratiques qu’elles
soient, ne peuvent pas, en
l’absence de conseils ouvriers basés dans les grands centres
industriels,
diriger une révolution. La paysannerie (une couche petite-bourgeoise contradictoire) et les peuples
indigènes (une catégorie ethnique)
n’ont ni le pouvoir social ni
l’intérêt de classe
cohérent caractéristiques de la
bourgeoisie et du prolétariat. Comme
d’autres couches intermédiaires, ils tendent
à suivre l’une ou l’autre des classes fondamentales.
Certainement, beaucoup des composantes actuelles de
l’APPO
pourraient faire partie de conseils d’ouvriers et
paysans à l’échelle nationale, mais
ceux-ci ne seraient pas une
simple extension de l’actuelle organisation de Oaxaca. La LTS appelle pour
que
l’APPO « ouvre la voie à une véritable
insurrection des exploités et des
opprimés et à
l’établissement d’un
pouvoir ouvrier et populaire réel dans
le Oaxaca ». Tenter une
insurrection dans le seul Etat de Oaxaca serait une aventure
réformiste
condamnée à l’échec : pour arracher le pouvoir des mains de la bourgeoisie et établir la
domination
prolétarienne, il faudra une lutte au niveau national. Isolée, une véritable –et
non imaginaire – Commune de Oaxaca ne pourrait pas tenir. C’est seulement au niveau
national que peut commencer une
révolution sociale, avec un
gouvernement ouvrier et paysan qui exproprie la bourgeoisie et
étend la
révolution à l’échelle internationale, surtout en direction des Etats-Unis. Dans un autre
écrit, la LTS fait appel à
plusieurs organisations
syndicales « indépendantes » comme l’Union
nationale des travailleurs (UNT), le Syndicat
mexicain
des électriciens (SME) et le Coordination nationale des travailleurs de l’éducation (CNTE), ainsi qu’à l’organisation zapatiste
« Autre Campagne », pour « appeler à un arrêt de travail national
de solidarité et à une
grande mobilisation dans le District fédéral [ville de Mexico]" (Estrategia
Obrera, 21 octobre). Cela n’est
rien d’autre que l’« arrêt
de travail civique » auquel appellent l’APPO, l’EZLN et
quelques syndicats
dans l’orbite du PRD, c’est-à-dire une mobilisation bourgeoise qui est
qualitativement différente d’une
grève nationale ouvrière,
pour laquelle milite le Grupo
Internacionalista. La clé pour que les
enseignants de Oaxaca et leurs alliés
ouvrent la voie à un
soulèvement
révolutionnaire des ouvriers, des paysans
et de tous les exploités
et opprimés contre la
bourgeoisie est de combattre pour l’indépendance
prolétarienne à l’égard de
tous
les partis et politiciens bourgeois. Il faut se demander comment il est possible que la lutte des
enseignants et la rébellion populaire de Oaxaca n’aient pas eu de répercussions au niveau
national. Où sont les grèves ouvrières de
solidarité, les manifestations de
centaines de
milliers de participants dans la
capitale pour soutenir la lutte de
Oaxaca ? Il n’y en a pas.
Et ce n’est pas par
hasard : c’est là le résultat direct du rôle
joué par le « front populaire »
autour du PRD de López Obrador. AMLO avait été
capable d’appeler à plusieurs reprises à des
manifestations
rassemblant jusqu’à deux millions
de personnes au Zócalo (la Place de la Constitution à
Mexico) contre le
gouvernement de Fox pour s’opposer à la levée de son
immunité en tant que chef
de gouvernement du District fédéral (desafuero)
[en 2005], puis pour dénoncer la
fraude électorale [2006] ; le PRD avait
aussi été capable de paralyser
les rues et les avenues du centre de la capitale de début
août à mi-septembre. De ce fait, il est évident
qu’il aurait pu mobiliser massivement ses
sympathisants en soutien aux enseignants
de Oaxaca. Il ne l’a pas fait, évidemment parce que le PRD est
un parti bourgeois
qui défend les intérêts du
capital contre les travailleurs. Il ne veut pas s’impliquer
dans une lutte qui pourrait échapper au contrôle
de la classe dirigeante.
Et par le biais du front populaire autour d’AMLO et du PRD, les
syndicats
soi-disant « indépendants » se sont
rangés Pendant tout ce temps, il est aussi
remarquable que les zapatistes n’ont
pas levé le petit doigt pour
aider les enseignants de Oaxaca. Tandis que López Obrador
faisait campagne pour l’élection du gouverneur
de
l’Etat de Tabasco, le sous-commandant Marcos
suivait la tournée d’« Autre Campagne »
dans le Nord du pays. Le jour
même où devait être annoncée
la
décision de Fox d’envoyer ou non des forces
fédérales à Oaxaca, Marcos, connu
maintenant sous le nom de
« Delegado Zero », disait
qu’il se contentait de « regarder
et apprendre » de la lutte de Oaxaca Dans la lutte à Oaxaca, la
deuxième mot d’ordre le plus
populaire -
après « Ya cayo, ya cayo,
Ulises ya cayo » (Il est tombé, il
est tombé, [le gouverneur] Ulises [Ruiz] est
tombé ! »)
- est : « El pueblo unido,
jamas sera vencido » (Le peuple
uni, jamais ne sera vaincu). La
vérité est plutôt le contraire – dans la mesure
où les exploités et opprimés
sont encore attachés à des secteurs des exploiteurs et
des oppresseurs au nom
de l’unité du peuple, ils seront vaincus à
chaque fois. « Le peuple uni... » était le slogan de l’Unidad
Popular chilienne (dont
l’hymne a été adopté et modifié par
l’APPO), qui a pavé la voie à la
dictature d’Augusto Pinochet. Ce dernier avait
été nommé ministre de la Défense
par Salvador Allende
et, quelques mois avant le coup d’Etat
sanglant du 11 septembre 1973, passait en
revue ses troupes en compagnie de Fidel Castro. Depuis
les années 1930, le front-populisme a
conduit les travailleurs à la
catastrophe : en
Espagne, pendant la Guerre civile, conduisant à
la dictature du général Franco ; en
France à la même époque, conduisant
à la dictature du maréchal
Pétain ; en Grèce, en Italie et en France
à la fin de la Deuxième Guerre
mondiale, évitant des révolutions ouvrières ; en Indonésie en 1965, conduisant
à la dictature du général Suharto, etc. Comme l’a écrit
Trotsky dans le Programme de Transition : « Sous
le signe de la révolution d’Octobre, la politique conciliatrice
des ‘Fronts populaires’ voue la classe ouvrière à
l'impuissance et fraie la
voie au fascisme. « Les
‘Fronts populaires’ d'une part, le fascisme de l’autre, sont les
dernières ressources politiques de l’impérialisme dans la
lutte contre la
révolution prolétarienne. » Ceux qui soutiennent qu’il existe
déjà une situation révolutionnaire au
Mexique, et non une situation potentiellement
révolutionnaire,
notamment le groupe Militante et la LTS, se basent sur une simple
opération
arithmétique : ils ajoutent la rébellion qui a
paralysé Oaxaca à la
mobilisation « en défense du vote »
à Mexico et ils concluent que le
pays entier est sur le point d’exploser. Ils confondent ainsi, d’une part, une tumultueuse grève de
masse dirigée par des forces petites-bourgeoises
radicales (l’APPO), qui fait face
au pouvoir d’Etat capitaliste,
résistant avec tout ce qu’ils ont sous la
main à l’attaque des
forces de répression meurtrières et
repoussant plusieurs tentatives de leurs dirigeants de la
trahir et, d’autre part, une
mobilisation plus que pacifique
convoquée et strictement contrôlée
par un
des principaux partis bourgeois (le PRD), dont le but était
d’exercer une
pression sur les institutions électorales et que López
Obrador a pu arrêter sans problème
une fois son but atteint. Ce sont des éléments non
seulement dissemblables
mais aussi opposées : la
direction du PRD est un ennemi de classe des travailleurs de Oaxaca,
qui
cherche à mettre fin
à leur grève. Il y a ici la mathématique du front
populaire. Comme l’écrit Trotsky
sur « la théorie du Front Populaire » lors
de la Guerre civile
espagnole : « Les
théoriciens du Front populaire ne vont pas au
fond plus loin que la première règle
d’arithmétique, celle
de l’addition : la somme des
‘communistes’, des socialistes, des anarchistes et des libéraux
est supérieure
à chacun de ses termes […] Pourtant l’arithmétique ne
suffit pas dans cette affaire. Il faut au moins
la
mécanique : la loi du parallélogramme des forces se
vérifie, même en politique.
La résultante, est, comme on sait, d’autant plus courte que les
forces
divergent davantage entre elles. Quand des alliés politiques
tirent dans des
directions opposées, la résultante est égale
à zéro. Le bloc des différents groupements
politiques de la classe ouvrière est
absolument nécessaire pour résoudre les tâches
communes. Dans certaines
circonstances historiques où un tel bloc est capable d’attirer
à lui les masses
petites-bourgeoises opprimées dont les intérêts
sont proches de ceux du
prolétariat, la force commune d’un tel bloc peut se trouver
beaucoup plus
grande que la résultante des forces qui
le constituent. Au contraire, l’alliance du prolétariat
avec la
bourgeoisie, dont les intérêts, à l’heure actuelle,
dans les questions fondamentales,
font un angle de 180°, ne peut en général que
paralyser la force
révolutionnaire du prolétariat. » –Léon
Trotsky, « Leçons d’Espagne : Dernier
avertissement » (17
décembre 1937) Cette loi a déjà
été vérifiée dans les
faits. Malgré la grande combativité du syndicat des
enseignants de Oaxaca, la
Section 22, et de ses alliés de
l’APPO, leurs dirigeants sont ou
ont été liés au PRD. Le 2
juillet, ils ont appelé à un
« vote de punition » contre le PRI et le PAN – c’est-à-dire pour le PRD. Enrique
Rueda Pacheco, le chef de la section 22, est du PRD, comme le sont aussi les jaunes du
Comité central de lutte (CCL), dont le
« chef moral » est Humberto Alcalá
Betanzos, actuel secrétaire
général du comité de l’Etat de
Oaxaca
du PRD. Flavio Sosa, le porte-parole le plus en
vue de l’APPO, actuellement,
était du PRD et s’est même prononcé lors des élections de 2000 en faveur
d’un « vote
utile » pour Fox. Dans l’assemblée législative
de Oaxaca, les élus du PRD ont
approuvé avant le 14
juin l’utilisation de la « force publique » (la
police) contre les
enseignants ; ils ont ensuite soutenu le plan de
« transparence » du
gouverneur assassin ; ils ont voté pour étendre la
période de la législature ;
et ils se sont unis au PRI et au PAN pour demander l’intervention de la police fédérale contre les
grévistes. Le PRD est co-responsable de la violence meurtrière de l’Etat contre les enseignants de
Oaxaca, comme il l’est aussi des attaques
sanguinaires
contre des paysans et des citadins d’Atenco et contre les sidérurgistes à Lázaro
Cárdenas,
Michoacán (voir « Le Mexique : élections
bourgeoises et sang
ouvrier », El Internacionalista N°2,
août 2006). Le Grupo Internacionalista a
insisté sur la nécessité de rompre
avec le front populaire autour du PRD
et de Andres Manuel López Obrador, tout comme
nous avons mis en garde
auparavant contre l’influence néfaste du front populaire
de Cuauhtémoc
Cárdenas qui enchaînait la puissance
potentielle de la classe ouvrière à des secteurs
capitalistes. Nous appelons les travailleurs de
Oaxaca et de tout le Mexique à briser
la camisole de force corporatiste des fédérations
« syndicales » telles que les CTM, CT,
CROC
et pseudo-syndicats comme le SNTE
nationale qui font partie
directement de l’appareil étatique – et qui en
conséquence agissent comme de
véritables polices du travail au
service des capitalistes, ainsi que le font
aussi les « syndicats » blancos (patronaux)
dans le Nord. Dans le cas de Oaxaca, les
centrales
corporatistes organisent des jaunes pour briser la grève des
enseignants et ont
même monté des escadrons de la mort pour tuer des
grévistes. En même temps, il
est urgent de briser les chaînes
politiques qui ligotent les syndicats
« indépendants » et d’importants
secteurs de la classe
ouvrière à des forces bourgeoises comme le PRD. Pour que
triomphe la révolte
des enseignants, pour balayer la répression
déclenchée contre la
rébellion à Oaxaca et qui menace
tous les travailleurs
mexicains, il faut se battre pour construire un parti ouvrier
révolutionnaire
et internationaliste, basé le programme trotskyste de la
révolution permanente. II
- Combattre pour la révolution permanente Par son extension et sa
détermination, il est évident que la lutte des
enseignants dans le
Oaxaca est confrontée à quelque
chose de plus qu’un gouverneur assassin. Le fait que Ruiz Ortiz ait pu
résister
autant de temps, en ne cédant pas aux pressions des autres
partis bourgeois et
jusqu’à celles de son propre
PRI, qui peut utiliser les méthodes les plus atroces
avec une évidente impunité,
indique qu’il y a d’importantes forces qui le soutiennent. De fait,
« URO » a refusé de s’en aller avec tant
d’obstination que l’on peut penser qu’il y a de sinistres forces qui seraient
sérieusement touchées s’il
perdait le contrôle du pouvoir exécutif de l’Etat. Il y a,
d’une part, les
contrats fabuleux accordés à l’entreprise du
bâtiment de son frère, Víctor Hugo Ruiz
Ortiz, pour la
construction ou la réfection de
dizaines de mairies partout dans
l’Etat, ainsi que le siège du gouvernement
à Santa María Coyotepec et
le
Palais législatif à San Raymundo
Jalpán. Selon des reportages, le
gouverneur aurait « établi des rapports mafieux avec
le tsar du trafic de
drogues dans le Oaxaca, Pedro
Díaz Parada », qui « le contrôle à un tel point qu’il
a obtenu que le QG de la Police préventive de l’Etat fût installé sur un terrain de la ville de Santa María Coyotepec,
propriété présumée de
Díaz
Parada » (El Universal, 29
octobre). Néanmoins, de
tels cas de corruption existent
dans presque tous les Etats du
pays. Plus important est le fait
qu’Ulises Ruiz Ortiz peut compter sur le soutien d’une
frange étroite de
la
bourgeoisie qui se sent menacée par la lutte des
enseignants et de
l’APPO. Le grand-père du gouverneur, Odilón Ruiz,
était un cacique (chef politique) de
Chalcatongo, dans la région du Haut Mixtèque, où « les
gens
devaient lui embrasser la main »,
selon un fonctionnaire local – « et
les pieds » a ajouté un autre (La
Jornada 24 septembre). Il y a une véritable structure
oligarchique dans l’Etat qui reproduit des
relations
presque coloniales entre une élite blanche et la population
travailleuse
d’origine indienne. Cela ressemble
aux conditions qui régnaient
au Chiapas, où les « coletos »
de San Cristóbal ont la nostalgie de la
vieille époque où ils maintenaient
dans la vassalité les Indiens, jusqu’à
ce que ces derniers se soulèvent d’une façon inattendue
(pour les gouvernants)
le 1er janvier 1994. Dans l’actuelle rébellion de Oaxaca,
la revendication spécifique d’autonomie
indigène a joué un rôle de second
plan, les mots
d’ordre étant centrés sur le
départ du gouverneur
assassin. Nous, trotskystes, insistons sur le fait que ni la
reconnaissance juridique des droits des peuples autochtones ni le remplacement du personnel
dirigeant, pour aussi justifiées que soient ces revendications, ne vont produire
un changement radical dans les conditions misérables de vie des
travailleurs et
des Indiens pauvres. Libérer les peuples indigènes du
joug capitaliste
requiert une lutte pour un gouvernement
ouvrier, paysan et indigène dans le Oaxaca,
dans le cadre d’une révolution
ouvrière nationale et
internationale (voir « L’‘autre guerre’ contre les
indigènes de
Oaxaca », page 20). Nervis du PRI attaquant les barricades des
grévistes le 27 octobre, au moment où ils ont tué
le journaliste et militant américain Bradley Will. Un des rares points programmatiques
concrets de la campagne présidentielle du PRD
de López Obrador était la
révision ou la renégociation du chapitre agricole de l’Accord de libre commerce avec les Etats-Unis,
particulièrement en ce qui concerne le maïs et les
haricots, accord qui
a dévasté les campagnes de Oaxaca. Les révolutionnaires marxistes
s’opposent dans son intégralité à
l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA) qui
constitue une attaque contre
le les conditions de vie des travailleurs des trois pays (Canada,
Etats-Unis et Mexique) au profit des
grands capitalistes.
Toutefois, nous ne le faisons pas d’un
point de vue nationaliste ou patriotique mais
en tant qu’internationalistes
prolétariens qui cherchent l’unité des travailleurs du
monde entier, et
particulièrement avec nos frères et sœurs de classe
nord-américains, en lutte
contre l’impérialisme. Contre les ravages de la
« globalisation »
capitaliste, nous n’opposons pas un retour impossible à un
marché national
étroit mais la lutte pour une
économie
socialisée et planifiée au niveau mondial. Un des effets de l’ALENA a
été un accroissement énorme du flux
de migrants de Oaxaca aux
Etats-Unis, au point qu’une grande
partie de la campagne de Oaxaca a
été vidée aujourd’hui de
ses hommes et de ses jeunes, presque
tous étant allés au nord. Il
y a en fait tellement d’originaires de Oaxaca
qui
résident désormais dans le
secteur proche de la ville de Fresno, en Californie, que
cette région est
surnommée Oaxacalifornia. Dix
pour cent des Mexicains vivent
maintenant sur le territoire
américain, dont une grande partie a été volée au Mexique pendant les
guerres du XIXe siècle.
Les trotskystes luttent pour qu’un Mexique révolutionnaire fasse partie des Etats-Unis socialistes
de l’Amérique latine, conjointement avec
la formation d’une
alliance d’Etats ouvriers
nord-américains qui inclurait Mexique, Etats-Unis, Canada et
Québec. C’est
seulement ainsi que nous pourrons démolir le mur de la mort qui
est en train
d’être construit à la frontière entre les
Etats-Unis et le Mexique et qui sépare cruellement des familles ouvrières. La participation de travailleurs
mexicains dans des manifestations aux Etats-Unis contre
le gouvernement
d’Ulises Ruiz a été un aspect remarquable de cette lutte.
Plus importante encore serait l’extension de la
grève à la capitale mexicaine et
aux secteurs industriels, parce que la répression dont
souffrent les travailleurs de Oaxaca ne
tient pas à une particularité de la
personnalité
d’URO ou du régime du PRI, mais elle
est partie intégrante de l’attaque lancée conjointement par les
principaux partis capitalistes contre les travailleurs du pays. Pour
obtenir
cette extension nationale, en plus de rompre avec le front populaire
d’AMLO et
du PRD, il faut présenter un programme révolutionnaire de
revendications
transitoires en défense des travailleurs de tout le pays. Pour combattre le chômage
massif qui a provoqué une émigration
massive, nous soulevons la revendication d’échelle mobile des salaires et
heures de travail,
pour répartir le travail entre
tous les travailleurs sans perte de salaire et avec protection du
salaire
contre l’inflation. Nous avançons une grève nationale contre toute tentative de
privatisation de l’énergie (électricité,
pétrole), et pour imposer le contrôle
ouvrier sur ces industries afin
de résister au sabotage par le
gouvernement patronal. Au milieu de l’offensive
capitaliste contre les travailleurs de Oaxaca et de tout
le pays, il y a une nécessité brûlante de
préparer
l’autodéfense ouvrière. Les photos
de jeunes résistant à Oaxaca
à
la PFP avec des frondes et des pierres sont
saisissantes, mais les policiers ne vont pas toujours
répondre avec
leurs propres frondes et billes. C’est, comme l’a dit Ricardo
Allemand (El Universal, 7 novembre),
« une caricature ». Les
« cocktails molotov »
sont seulement défensifs et d’une efficacité
limitée. Les grévistes de Oaxaca ont su répondre
avec créativité et intelligence
aux multiples provocations et agressions du gouvernement, de ses policiers, voyous et hommes de
main. Mais la prochaine
fois, cela va être sérieux. Alors, comment préparer la
défense ? En formant des comités
de
défense ouvrière, sous contrôle des organisations de masse
des travailleurs, qui doivent s’équiper autant que possible pour
protéger les masses en lutte face à la menace (et à Oaxaca, devant la réalité) de la
répression généralisée. De tels
comités de
défense ouvrière pourraient
servir de noyaux de futures
milices ouvrières, pourvu qu’ils maintiennent leur
indépendance par rapport à
l’Etat et aux partis bourgeois.
Nous n’appelons pas, par contre, à
la formation d’organisations
« politico-militaires » séparées du
mouvement ouvrier, mais pour que
les grévistes eux-mêmes organisent la défense, avec
un appui syndical maximal. Ce n’est un secret pour personne que
dans le Oaxaca abondent des groupes armés, ce qui est
une conséquence
directe des régimes répressifs du PRI. Parmi eux, on
compte l’Armée populaire
révolutionnaire (EPR), l’Armée révolutionnaire du
peuple insurgé (ERPI), les
Forces armées révolutionnaires du peuple (FARP) et
d’autres. Depuis 1994, le
gouvernement a essayé de terroriser la campagne de Oaxaca,
particulièrement la
zone de Los Loxchica et la
Mixteca, avec ses opérations militaires
contre les insurgés. Ulises Ruiz Ortiz et sa procuratrice
enragée Lizbeth Caña
fustigent la grève des enseignants en essayant de la lier aux
groupes de
guérilla et ainsi justifier la
répression militaire. Jusqu’à présent, les
principaux groupes de guérilla ont maintenu leurs
distances à l’égard de la
grève
enseignante et de l’APPO. Le 6
novembre, un conglomérat de petits groupes de guérilla qui ont rompu avec l’EPR a répondu à la
répression dans le Oaxaca en faisant
exploser quelques engins dans différents
points
de la capitale. Les partisans
d’URO en ont profité pour
appeler à une brutale répression dans le Oaxaca. L’APPO a
pris rapidement ses distances avec ces
actes. Mais au-delà de l’effet négatif que peuvent avoir
de telles actions sur la lutte enseignante, et au-delà des différences tactiques
entre les différents groupes de guérilla, il y a une
question programmatique essentielle : tous ces
groupes se battent par une démocratie
« populaire », tout au plus
« révolutionnaire », non pour
la révolution socialiste. Avec le programme
stalinien de révolution
« par étapes » qu’ils ont
en commun, ils acceptent le cadre capitaliste. C’est le front-populisme
armé. Des éléments sensés de la
bourgeoisie mexicaine craignent que, vu l’ampleur de la mobilisation de
Oaxaca,
un bain de sang comme le préconisent
Ulises Ruiz et les siens puisse produire
une guérilla de masse. Nous défendons les
guérilleros de gauche face à la répression
et aussi nous défendons le corps
enseignant face aux déclarations stupides que
leur grève est
une « lutte de guérilla
urbaine ». Cependant, les
trotskystes empruntent un autre
chemin : au lieu de la guérilla basée sur la paysannerie,
nous nous battons
pour la mobilisation ouvrière sur
la base du programme trotskyste de
la révolution permanente. En
analysant la Révolution russe de 1905,
Léon Trotsky a conclu que dans les pays
semi-coloniaux et où subsistent
des formes de production pré-capitalistes, la bourgeoisie ne
peut plus accomplir les tâches des
grandes
révolutions démocratiques des siècles
précédents. Seulement sous la direction
de la classe ouvrière, il est
possible de réaliser la
démocratie, d’effectuer une révolution agraire
et d’arracher la
libération nationale au joug
impérialiste, en établissant la dictature du
prolétariat, soutenue par la
paysannerie, et en étendant la
révolution. C’était là le programme de la
révolution d’Octobre 1917 victorieuse conduite par
le Parti
bolchevique, sous la direction de
Lénine et Trotsky, qui a proclamé le début
de la révolution socialiste
internationale. Il y a aujourd’hui un consensus entre des secteurs du PRD et
plusieurs
groupes socialistes pour appeler à
une nouvelle assemblée constituante au Mexique. Le forum de mi-août sur la « gobernabilidad
» (gouvernabilité), où le PRD avait une forte
présence, appela « l’APPO à
promouvoir l’installation d’un
Conseil de gouvernement populaire » et « d’un
Congrès constitutif qui promeuve une
nouvelle
constitution » pour Oaxaca. Ajoutant
un peu de piquant au mot d’ordre du PRD, la LTS plaide pour
« un
gouvernement ouvrier et populaire de l’APPO » pour
« convoquer une
Assemblée constituante révolutionnaire dans
l’Etat ». Pour sa part, le
Parti communiste du Mexique (marxiste-léniniste)
revendique « un Gouvernement provisoire
révolutionnaire » qui convoque
« une Assemblée
nationale constituante démocratique et populaire d’où
émane une nouvelle
constitution ». Bien que la
liturgie diffère
légèrement d’une dénomination
à une
autre, il est évident que tous entonnent
une chanson provenant du même missel. Tous se prononcent
pour un nouveau
gouvernement faisant partie d’un
régime démocratique bourgeois. Une
assemblée constituante démocratique, qu’elle s’appelle
révolutionnaire ou non,
ne dépasse pas les limites du capitalisme. Bien sûr, les
masses de Oaxaca combattent pour des
objectifs démocratiques en s’opposant au régime
despotique d’Ulises Ruiz.
Toutefois, le devoir de tout C’est précisément ce
qu’avait dit un porte-parole du Grupo
Internacionalista dans le forum national convoqué par l’APPO en
août :
« La réalité est que dans tous les pays
où existe le capitalisme, la
démocratie n’existe pas. La démocratie pour les patrons,
pour les riches, pour
les puissants oui, mais pas de démocratie pour les pauvres, les
habitants des bidonvilles, les travailleurs, les
paysans pauvres, les Indiens,
les homosexuels, les femmes – il n’existe pas de démocratie
pour nous. » Par conséquent, insista-t-il,
il faut forger un parti
ouvrier basé sur le programme de la révolution permanente. Les groupes pseudo-trotskystes
comme la LTS et Militante ne mentionnent
guère la révolution permanente. Ils se battent pour la
démocratie sous le
capitalisme, tout comme les staliniens qui, eux, ont l’avantage
d’avoir
des mots d’ordre « démocratiques »
cohérents avec leur
« théorie » de la révolution par
étapes. Au lieu des propositions
d’assemblées constituantes démocratiques,
révolutionnaires et/ou populaires, ou
d’une « convention nationale démocratique et
révolutionnaire »
(version de Militante, qui souhaite ardemment que la CND de
López Obrador
prenne le pouvoir), les trotskystes du Grupo Internacionalista combattent pour un gouvernement
ouvrier et paysan qui établisse le pouvoir des travailleurs
(c’est-à-dire la dictature du prolétariat). C’est seulement ainsi que
l’on pourra effectuer les tâches démocratiques
révolutionnaires en
expropriant les capitalistes,
étendre la révolution à
l’échelle internationale
et ainsi débuter la construction du socialisme. Le
combat du Grupo Internacionalista en faveur de la mobilisation
ouvrière... La grève de masse à
Oaxaca, maintenant dans son sixième
mois, représente le plus
haut niveau de lutte des
travailleurs mexicains depuis plusieurs
décennies. Elle s’inscrit dans une série de luttes
ouvrières latino-américaines
de ces dernières années, parmi lesquelles les soulèvements des
ouvriers et paysans de Bolivie en 2003 et 2005 et les luttes plus récentes des piqueteros argentins.
Au Mexique, il y a eu la lutte des travailleurs
de l’IMSS en 2004, quand ils
ont encerclé le Sénat en
essayant d’empêcher l’adoption de
la « réforme » de leurs retraites ; puis, la grève des
travailleurs de Sicartsa, qui s’est terminée par une victoire totale fin
août. Le Grupo
Internacionalista et la Ligue pour la Quatrième
Internationale (LQI) se sont
efforcés d’intervenir autour de
la lutte de Oaxaca afin de diffuser le
programme trotskyste pour cristalliser
une direction prolétarienne révolutionnaire, et
afin d’organiser des actions de
solidarité
ouvrière. Le 14 juin, à quelques heures
de la tentative d’expulsion brutale des grévistes de Zocalo
à Oaxaca, nos
camarades de l’Internationalist Group aux Etats-Unis appelèrent
à un piquet de
protestation devant le consulat du Mexique à New York. Ce qu’ils
firent encore
le lendemain, cette fois avec la participation de tout un
cortège du syndicat
de CUNY (City University of New York). Au même moment, des
camarades du Grupo
Internacionalista du Mexique se rendaient à Oaxaca, où
ils furent présents
constamment pendant deux mois. Les
sections américaine et brésilienne de la LQI
mobilisaient le 21 septembre, en prenant
l’initiative d’une manifestation de quelque 150 personnes
à New York, y
compris beaucoup d’enseignants et professeurs d’université,
en défense des grévistes de Oaxaca ; et, à Rio de
Janeiro, au Brésil, le même jour, les enseignants ont manifesté derrière une banderole qui
annonçait que la section
syndicale de la ville de Volta Redonda
appelait à des grèves ouvrières en
solidarité avec les enseignants de
Oaxaca. La LQI a réalisé
un DVD, « Batailles de classe au Mexique », en anglais
et en espagnol, centré
sur la lutte de Oaxaca,
qui a été projeté dans des assemblées d’étudiants
et d’enseignants aux Etats-Unis,
au Mexique et au Brésil, et qui a été retransmis
par sur le
câble à New York. Lors de l’invasion
de Oaxaca par la PFP et les militaires, l’Internationalist Group a appelé à un piquet d’urgence face au
consulat mexicain dans l’après-midi du même samedi, le 28 octobre, ainsi que le
30, et participa à une troisième manifestation le 31. Au Mexique, le Grupo
Internacionalista (GI) a déployé
une
activité intense pendant les mois de septembre
et d’octobre autour de la lutte
de Oaxaca. Le GI a assisté à
plusieurs réunions des sections 9 et 10 du SNTE-CNTE (représentant les enseignants du primaire et du
secondaire de la
capitale), incitant à ce que
le corps enseignant du District fédéral engage
une grève contre la menace de répression
massive à Oaxaca. Nous avons organisé une assemblée sur le
Oaxaca le 13 septembre au CCH-Sur
(établissement pré-universitaire en sciences et humanités) en présence
d’étudiants de l’Université de Oaxaca. Le
22 septembre, nous sommes allés à une réunion de
l’APPO de la ville de Mexico pour les informer des manifestations à New York et
Rio de
Janeiro et pour lutter en faveur de la
perspective d’une grève basée sur
la classe
ouvrière pour arrêter la machinerie répressive des capitalistes. Cortège du Grupo Internacionalista
dans la manifestation des enseignants de Oaxaca lors de leur
arrivée dans la capitale, Mexico, le 9 octobre. Le GI a manifesté
avec les
enseignants de Oaxaca pendant les derniers trois jours de la marche de
l’APPO
qui a atteint la capitale
mexicaine le 9 octobre. Nous portions une
banderole qui proclamait
: « Solidarité prolétarienne avec les
enseignants de Oaxaca ! Grève
nationale contre le gouvernement assassin ! Formez des
comités de défense ouvrière ! A bas le PAN, le PRI
et le PRD
! Forgez un parti ouvrier
révolutionnaire ! » Pour protester contre l’invasion de
la PFP, le GI a été à l’initiative –
avec d’autres militants étudiants de
l’établissement, essentiellement
anarchistes –d’une grève (paro) du
CCH-Sur le jeudi, 26 octobre. Le même jour, plusieurs de nos
camarades ont joué
un rôle actif dans l’organisation d’une
grève à la faculté de philosophie et de
lettres de l’Université
nationale. Le 31, pendant une
seconde grève
au CCH-Sur,
des étudiants du GI ont dirigé une manifestation
de 150 personnes depuis
l’établissement universitaire jusqu’au
campement des enseignants de Oaxaca face au Sénat. Ce sont les principales
grèves qui eurent lieu à Mexico, en
plus de la grève au CCH-Naucálpan où,
quelques jours auparavant, un
étudiant avait été tué par balles
et
quatre étudiants blessés par des voyous. En
même temps, le Grupo Internacionalista a
rencontré d’importants syndicats
dans la capitale, pour les encourager à
débrayer contre la répression. Le 5 octobre, le GI a
dirigé une brigade
d’étudiants du CCH-Sur qui s’est rendue
dans des centrales électriques pour parler avec les
travailleurs sur la
nécessité de mobiliser leur énorme
puissance sociale pour défendre les enseignants
de Oaxaca. Dans le cadre des
grèves étudiantes contre l’invasion de la PFP,
nous avons emmené un cortège de
50
étudiants au siège du Syndicat mexicain des
électriciens, le 31, pour discuter
de la nécessité d’actions
ouvrières en soutien aux
grévistes de Oaxaca attaqués. Le 26 octobre, un porte-parole du
GI et plusieurs étudiants en grève sont
allés au Conseil général de grève du
Syndicat des travailleurs de l’UNAM (STUNAM),
où ils ont demandé la parole
pour parler du cas urgent de Oaxaca. Notre camarade a exprimé
que « ce qui
arrive maintenant à Oaxaca fait
partie de la longue série d’attaques de la bourgeoisie contre
les travailleurs
pendant les derniers mois l’administration Fox ». Si la
grève des
enseignants de Oaxaca et de ses
alliés est mise en échec, a-t-il dit, « cela
impliquera des coupes claires dans les salaires et
des attaques antisyndicales dans d’autres syndicats, particulièrement
dans l’énergie et l’éducation » qui sont visés par le gouvernement depuis
plusieurs années. Les grèves étudiantes,
poursuivit-il, bien qu’importantes,
« sont loin
d’être suffisantes » pour
arrêter la répression. Les travailleurs de l’UNAM ont tout
intérêt à défendre leurs frères
et soeurs de classe à Oaxaca et, par
conséquent, devraient se
mettre en grève, « non seulement en
défense de leurs emplois et de leurs salaires, mais aussi pour
arrêter la machine répressive du gouvernement. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une
grève nationale contre le gouvernement assassin. Le STUNAM
pourrait jouer un rôle clef dans le déclenchement d’une
lutte d’une envergure
nécessaire ». Le discours de notre camarade a été bien reçu : des
délégués présents nous ont
dit plus tard que « cela avait changé les
termes du
débat pour les travailleurs » quant à la
nécessité d’agir contre la
répression à Oaxaca. Dans un
autre syndicat universitaire, le Syndicat des
travailleurs de l’université autonome métropolitaine
(SITUAM), des militants et
sympathisants du Grupo Internacionalista appartenant à
ce syndicat ont pris la
parole devant le Conseil général des
délégués le 8 novembre. Un camarade
a fait une intervention énergique, en indiquant que
« le SITUAM s’est
exprimé maintes fois pour des actions en solidarité avec
la lutte des
enseignants à Oaxaca et contre la répression. Nous sommes
arrivés au moment de
passer des mots aux actes. Ce
qui manque n’est pas seulement d’arrêter le travail ce vendredi,
mais de
préparer une grève nationale contre la
répression ». Il a souligné que
« les travailleurs doivent comprendre que s’il y a une
‘solution finale’ utilisant toute la force de
l’Etat,
les attaques meurtrières contre
les luttes des travailleurs se
généraliseront de plus en plus ». La résolution que nous avons
présentée n’a pas été adoptée mais, le jour
suivant, sur le
campus d’Iztapalapa de l’UAM nous avons
été reçus très positivement par les
travailleurs, qui ont voté pour reproduire un journal
mural préparé par le GI sur la lutte de
Oaxaca. Bien que
ce ne soit pas du goût des bureaucrates syndicaux, ils ne peuvent
pas échapper
à la lutte des classes et il est
possible qu’ils soient surpris un beau
jour en découvrant que ce géant
enchaîné qu’est le prolétariat mexicain
a cassé les chaînes qui le retiennent
et s’est levé. Tout dépend des attaques de
la bourgeoisie et de la capacité des
révolutionnaires. Nous citons les activités du
Grupo Internacionalista et de la Ligue pour la
Quatrième Internationale pour
indiquer comment un petit noyau communiste devrait répondre
à une lutte de
classe d’envergure. Nos efforts ne
rencontrent pas toujours immédiatement
du succès, mais comme le montrent
les grèves et débrayages étudiants
dont
nous avons pris l’initiative, ils peuvent avoir un
effet. Il convient de rappeler que pendant la grève
de l’UNAM
de 1999-2000, le GI a insisté sur la
nécessité de former des groupes de
défense ouvriers-étudiants
jusqu’à ce que, le jour même où l’armée
allait « prendre » Ciudad
Universitaria, arrive un fort cortège du
SME pour former les premiers groupes
ouvriers de défense (avec des centaines de
participants) apparus en Amérique latine depuis
longtemps. ...
et pour forger une direction révolutionnaire Les activités
nécessaires de solidarité et de mobilisation
constituent seulement une partie des tâches des
révolutionnaires. Ce qui est indispensable est la lutte pour cristalliser le noyau d’un parti
communiste d’avant-garde afin de résoudre
l’urgente crise de la direction
prolétarienne. Il n’y aura pas, nous l’avons
répété à maintes
reprises, de meilleur exemple d’audace, de ténacité et de courage de la part des travailleurs que ce que
nous avons vu à Oaxaca. Ils sont
déjà conscients de la nécessité de briser
la camisole de force du corporatisme bourgeois du SNTE
national, de la
CTM, CROC et autres centrales charros (corporatistes,
intégrées dans l’appareil de
l’Etat). « Contre le charrismo
et le néocharrismo syndical ! »
dit la banderole de la section 22, en montrant un niveau de conscience
plus
élevé que celui des opportunistes, comme ceux du Grupo Espartaquista de México, organisation
qui
considère ces polices du travail
du régime comme d’authentiques syndicats ouvriers. Cependant, nous soulignons que la
combativité n’est
pas suffisante pour gagner la
lutte. Dans la mesure où les grévistes de
Oaxaca sont encore enchaînés politiquement à
des secteurs capitalistes, leur admirable
esprit de lutte sera sacrifié, et ils seront
soumis au chantage de maintenir une soi-disant « alliance »
avec les
bourgeois soi-disant « progressistes » – en l’occurrence Andres Manuel López Obrador et
son Parti de la
révolution démocratique. Aujourd’hui, le front populaire
autour d’AMLO et du PRD est le plus grand obstacle pour que la grève de masse de Oaxaca ait un puissant écho
dans le reste du pays.
C’est pourquoi il faut rompre avec cette coalition de collaboration de
classes
et de nous battre pour un parti ouvrier révolutionnaire. L’image de Léon
Trotsky, décrit par le peintre russe Iuri Annenkov,
exposé la dernière fois dans la Biennale de Venezia en
1924. Ce doit
être un
parti léniniste-trotskyste, parce que sans l’organisation ferme
et le programme
intransigeant des bolcheviks, il
ne sera pas possible de vaincre
l’énorme pression de la bourgeoisie. Un tel parti doit aussi
agir comme
« tribune du peuple », défenseur de tous
les opprimés, champion de
l’émancipation et de la libération
de la femme, y compris le droit à l’avortement libre et gratuit
; de la défense
des homosexuels, exigeant aussi l’abolition de toute loi à leur encontre. Ces revendications
rencontreront une opposition impitoyable de part de
l’Eglise catholique et de ses représentants
politiques, y compris les dirigeants
« communautaires » qui agitent la
Vierge de Guadalupe pour
combattre les syndicats et
aveugler les travailleurs quant
à leurs intérêts de classe. Le parti dont nous avons besoin
pour gagner cette guerre de classe doit
être internationaliste jusqu’à
la moelle. Le drapeau tricolore est celui de la bourgeoisie, pas
celui des indigènes massacrés aussi
bien sous le régime colonial que
républicain; ce n’est pas
non plus celui des paysans,
utilisés comme chair à canon des armées
bourgeoises, y compris pour tuer leurs
frères comme maintenant à Oaxaca.
Le nôtre est le drapeau
rouge de la classe ouvrière du monde entier, avec la faucille,
le marteau et le
4 de la Quatrième Internationale. Contrairement à
ceux qui veulent concurrencer le PRI et le PRD en agitant les
symboles de la patrie, les trotskystes se battent pour commencer
une révolution socialiste internationale. C’est seulement en étendant la
lutte au Grand Nord, aux
centres impérialistes, que l’on pourra
mobiliser les ressources nécessaires pour surmonter le retard
économique
asphyxiant dont souffrent les
pays semi-coloniaux comme le Mexique.
Précisément en
raison des déprédations commises par l’impérialisme,
aujourd’hui des millions de travailleurs mexicains sont
déjà des éléments
indispensables à la machine
productive nord-américaine, tant ceux qui vivent
« dans le ventre de la bête »
que les centaines de milliers d’autres qui travaillent dans les
usines maquiladoras (de zone franche)
de ce côté de la frontière, rendue chaque fois plus artificielle
par la poussée sans cesse de
l’économie capitaliste mondial. Pendant quelques jours, le Mexique va
avoir trois présidents bourgeois (López Obrador,
Cáderón et Fox), tous
trois ennemis des travailleurs. Mais tandis que ceux d’en
haut se chamaillent pour
la possession de Los Pinos [le palais
présidentiel du Mexique], ils craignent qu’un
nouveau mandat de six ans inauguré par
un bain de sang à Oaxaca soit voué à
l’échec. En outre, leurs parrains
à Washington, ceux qui pensent être les maîtres
de la planète, s’étant
enlisés en Irak, sont bien conscients qu’une
erreur de calcul au Mexique aurait des
répercussions à
l’intérieur même des Etats-Unis. L’issue
de la lutte des enseignants de Oaxaca sera
décidée à l’échelle
nationale et internationale, où les trotskystes
luttent pour la révolution ouvrière dans l’ensemble
du continent américain. n Forger un parti ouvrier révolutionnaire !
Lutter pour un gouvernement ouvrier et paysan ! A lire
aussi :
L’« autre guerre » contre les indigènes de Oaxaca (10 novembre 2006) Une Commune de Oaxaca? (10 novembre 2006)
Pour contacter la Ligue pour la Quatrième Internationale ou ses sections, envoyez un courrier electronique à: internationalistgroup@msn.com |
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