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novembre 2005 La
condition de la victoire : mobiliser la classe ouvrière
Québec : bilan de la grève étudiante de
2005 Manifestion de quelques milliers de grévistes à Montréal le 12 mars 2005, convoquée par la Coalition de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante élargie (CASSÉ). (Photo: Centre des médias alternatifs du Québec)
Il faut forger un parti
ouvrier révolutionnaire ! D’un
correspondant à Montréal L’hiver
et le printemps 2005 ont été marqués par la plus
importante grève
étudiante de l’histoire du Québec. Même en 1968,
année de mobilisations
étudiantes et ouvrières importantes au niveau
international, le milieu de
l’éducation québécois n’avait pas connu un
débrayage de cette ampleur. Le
mouvement de grève a été lancé le 24
février et s’est terminé le 11
avril : sept semaines au total. Plus de 200 000
étudiants et étudiantes
y ont participé, dont environ 80 000 pour toute la
durée de la grève. Le
détonateur du mouvement a été la
décision du gouvernement libéral de
Jean Charest de convertir 103 millions de $ de bourses en prêts
en 2004, ce qui
signifie une forte augmentation de l’endettement des étudiants, à laquelle s’ajoute la dégradation continuelle
du système d’éducation québécois. Le
gouvernement a été fortement fragilisé par ce
débrayage,
l’ « opinion publique » étant
plutôt favorable aux étudiants
malgré une intense propagande médiatique bourgeoise
cherchant à présenter les
participants et participantes à la grève comme
étant des « vandales et des
violents ». Le taux d’impopularité de ce
gouvernement, déjà très élevé, a
monté en flèche pour avoisiner les 80 pour cent. Et
pourtant, la grève s’est
terminée par un échec. Il faut se demander
pourquoi ? La défaite de cette
« grève historique » s’explique surtout
par son programme
circonscrit, limité aux revendications défensives ;
un cadre
organisationnel qui ne dépassait pas les divisions entre
plusieurs fédérations
et associations en compétition (absence d’un comité de
grève de délégués élus
par les assemblées générales) ; et son isolement
de la classe ouvrière, seule
force capable de vaincre le gouvernement bourgeois. L’enjeu principal
était
l’absence d’une direction révolutionnaire. La
grève a été lancée par la CASSÉE,
coalition fondée à l’initiative de
l’ASSÉE (Association pour une solidarité syndicale
étudiante). Cette dernière
fait partie d’une tradition de militantisme étudiant
remontant aux années
70 et 80 avec l’ANEEQ (Association nationale des étudiants et
étudiantes du
Québec) et ensuite le MDE (Mouvement pour le droit à
l’éducation) dans les
années 90. En opposition à cette tradition de lutte,
même si strictement étudiante,
se trouvent les deux fédérations droitières, FECQ
(Fédération étudiante
collégiale du Québec) et la FEUQ
(Fédération étudiante universitaire du
Québec), traditionnellement inféodées au Parti
Québécois et spécialistes en
chef du sabotage des mobilisations étudiantes remontant aux
années 90. En
1996, lors d’une grève contre la volonté du gouvernement
péquiste de
l’époque, dirigé par Lucien Bouchard, d’augmenter les
frais de scolarité au
niveau universitaire et d’imposer des amendes aux élèves
du collégial qui
échoueraient à plus de cinq cours (la tristement
célèbre « taxe à
l’échec »), les deux fédérations ont
dénoncé le mouvement de grève
déclenché par le MDE
(« prématuré », selon elles). Elles
se sont
empressées alors de négocier une entente bidon avec la
ministre de l’Education,
Pauline Marois, donnant leur aval à la taxe à
l’échec en échange de la promesse
du gel (temporaire) des frais de scolarité et, encore plus
scandaleux, à une
hausse importante des frais de scolarité pour les
étudiants étrangers. La
FECQ et la FEUQ sont un tremplin pour des apprentis politiciens et
bureaucrates syndicaux et communautaires. Deux jeunes
députés péquistes,
Jonathan Valois et Nicolas Girard, sont des anciens dirigeants de la
FEUQ,
ainsi que le nouveau vice-président du PQ, François
Rebello. Nous pouvons
mentionner également l’ancien ministre péquiste et
nouveau chef du PQ, André
Boisclair, qui fut président de la FAECQ
(Fédération des associations
étudiantes collégiales du Québec), l’ancêtre
de la FECQ. La recherche de carrières
prestigieuses dans les rangs de la bourgeoisie
« souverainiste » en
paroles constitue une priorité fondamentale pour tous ceux et
celles qui se
trouvent à la tête de ces fédérations, bien
davantage que la défense, même
limitée, des intérêts des étudiants et
étudiantes. La coupure de plus de 100 millions
de $ d’aides financières aux étudiants a
eu pour effet d’appauvrir les étudiant(e)s originaires de la
classe ouvrière et
d’augmenter leur niveau d’endettement déjà
élevé. La bourgeoisie québécoise
(toutes tendances politiques confondues) a beau se vanter
continuellement du
fait que les frais de scolarité des universités
québécoises soient les plus bas
d’Amérique du Nord. Quand même, bon nombre
d’étudiants d’origine prolétarienne
(et aussi de classe moyenne) croulent sous leur dette d’études
en quittant
l’université. Avec un baccalauréat
complété, on peut se retrouver facilement
avec une dette de 20 000 $ et plus. Pour ceux qui font des
études avancées
(maîtrise et doctorat,) la dette peut atteindre facilement les
40 000 $. Le
remboursement des prêts étudiants n’est pas une mince
affaire pour
quiconque travaille à bas salaire. Contrairement à la
propagande bourgeoise,
les études universitaires ne mènent pas automatiquement
à des emplois
« bien rémunérés ». Loin de
là ! Avec les attaques constantes du
capital contre les conditions de vie et de travail de la classe
ouvrière pour
compenser la chute tendancielle du taux de profit, il y a une
énorme pression à
la baisse sur les salaires. Le fait que le gouvernement
fédéral a décrété
depuis 1997 que les étudiants et étudiantes doivent
attendre dix ans après la
fin de leurs études pour avoir le droit de déclarer
faillite oblige un grand
nombre d’entre eux à tirer le diable par la queue pour
être capables de mener
une existence « décente » dans cette
société capitaliste. Le
déclenchement de la grève a eu lieu le 24 février
dernier après une
campagne de mobilisation menée par l’ASSÉE depuis octobre
2004. Une semaine
auparavant, soit le 16 février, plus de 150 étudiants et
étudiantes ont
manifesté à Montebello en Outaouais pour perturber la
tenue d’un caucus du
Parti Libéral du Québec, dans le but de dénoncer
la fermeture totale du
gouvernement Charest face aux revendications étudiantes. Le
résultat fut une
intervention policière musclée, beaucoup de
brutalité et d’arrestations. Les
éditorialistes de la presse bourgeoise en ont profité
comme d’habitude pour
dénigrer les « étudiants casseurs et
violents » et pour prendre la
défense du gouvernement libéral. L’intransigeance
de ce dernier n’a fait que croître. Le ministre de
l’Éducation, Jean-Marc Fournier, a déclaré que la
grève étudiante était
illégitime. Le premier ministre, de son côté, a dit
que les étudiants du Québec
étaient les mieux traités au monde et que leur
débrayage n’était qu’un caprice
d’enfants gâtés. Ces déclarations incendiaires ont
contribué à galvaniser le
mouvement de grève qui a atteint 45 000 étudiants et
étudiantes le 1er
mars. La FECQ et la FEUQ se trouvèrent rapidement
débordées et, pour ne pas
être davantage marginalisées, lancèrent à
leur tour un appel à la grève le 8
mars suite au refus catégorique du ministre Fournier de
réinjecter les 103
millions coupés dans le prochain budget du gouvernement
québécois. Débrayage
dans les écoles sécondaires le 10 mars 2005 s’en prend au
ministre de l’Éducation Fournier. (Photo: BadAcid)
Les
fédérations désiraient surtout prendre le
contrôle d’un mouvement qui
jusque-là échappait à leur emprise. Elles
centrèrent leur campagne sur la
coupure des 103 millions de $, comme si la résolution de cette
seule
revendication règlerait tous les problèmes. La FECQ et la
FEUQ tenaient à
montrer une image « respectable et raisonnable »
et à jouer un rôle
d’interlocuteur « crédible » face au
gouvernement. La CASSÉÉ
dénonçait aussi l’ensemble de la réforme des
prêts et bourses et le projet de
décentralisation du réseau des cégeps, porte
ouverte à la privatisation et donc
aussi à la hausse des frais de scolarité. Mais, alors que
l’ASSÉÉ se prononce
formellement pour la gratuité de l’éducation publique
universitaire, elle n’a
pas lutté pour cette revendication fondamentale pendant la
grève. Le
7 mars, la CASSÉÉ occupa le bureau de comté du
ministre Jean-Marc
Fournier à Châteauguay. Une intervention policière
musclée pour déloger les
étudiants et étudiantes provoqua une confrontation entre
ces derniers et la
police, ce qui eut pour effet d’abîmer du mobilier dans le
bureau. Il n’en
fallut pas plus pour que la presse bourgeoise se déchaîne
contre la CASSÉÉ,
accusée de pratiquer la « violence et le
vandalisme ». Étant donné
que la CASSÉÉ a refusé, avec raison, de condamner
les gestes bien mineurs commis
par certains de ses membres en réaction à la
brutalité policière, le ministre
Fournier en a profité pour l’exclure de la table des
négociations, pour le plus
grand bonheur de la FECQ et de la FEUQ, qui en profitèrent pour
imposer leur
agenda corporatiste de « concertation et de
partenariat ». Dans
la nuit du 10 au 11 mars, la police d’émeutes mettait fin
à
l’occupation d’un atelier de l’Université de Québec
à Montréal (UQAM), avec
l’arrestation de 48 de ses occupants. Pourtant, la répression
n’a pas pu
étouffer la volonté de lutte des étudiants. La
CASSÉE organisa une
manifestation regroupant plus de 8000 personnes au centre-ville de
Montréal le
12 mars. Par la suite, elle mena des actions de perturbation
économique,
notamment au port de Montréal, au Casino et à la Tour de
la Bourse et elle
occupa les bureaux du Conseil du Patronat du Québec et du
ministère des
Finances. Entre-temps, le mouvement de grève fit rapidement
tache d’huile et
des associations qui d’habitude ne font pas grève se
rallièrent au mouvement,
ce qui indiqua l’ampleur du mécontentement contre les politiques
réactionnaires
du gouvernement Charest. Quant
à la FECQ et la FEUQ, elles organisèrent une
manifestation
rassemblant des dizaines de milliers de personnes au centre-ville de
Montréal
le 16 mars. Mais, en coulisse, les tractations pour une entente au
rabais se
sont poursuivies entre le ministre de l’Éducation et les deux
fédérations, sans
informer la population étudiante concernée. Pour
comprendre le rôle de ces
bureaucrates étudiants, il faut examiner la politique du Parti
Québécois,
l’opposition officielle, lors de cette grève. En effet, le PQ a
tenté dès le
début de récupérer le mouvement de
débrayage étudiant à des fins partisanes.
Ainsi avons-nous pu entendre le chef péquiste, Bernard Landry,
un
« néolibéral » pur et dur, exhorter
le PLQ à répondre aux
revendications étudiantes. Pourtant, il est facile de se
rappeler les coupures
draconiennes effectuées par le PQ dans les années 90 au
nom du sacro-saint
déficit zéro, dont le même Landry fut un des
principaux artisans. Le
Parti Québécois a largement pavé la voie aux
politiques actuelles de
démolition sociale du Parti Libéral du Québec et,
s’il reprend le pouvoir, il
continuera sur la même lancée malgré ses promesses
mensongères et démagogiques.
Tous les partis politiques de la bourgeoisie, de gauche comme de
droite,
appliquent les mêmes politiques d’austérité
budgétaire et les mêmes attaques
antiouvrières pour faire face à la crise du capitalisme.
Le sort des
étudiant(e)s québécois(es) est le même que
celui des travailleurs et
travailleuses au Québec, dans tout le Canada et à travers
le monde. On n’a qu’à
regarder du côté de l’Allemagne par exemple, avec le
programme de compressions
budgétaires Agenda 2010 mis en œuvre par la
social-démocratie, pour comprendre
que parler d’un « État providence » plein
de programmes sociaux est
désormais une illusion. La
très légitime colère des travailleurs et
travailleuses du Québec contre
les gouvernements libéraux de Jean Charest
à Québec et Paul
Martin à Ottawa ne doit surtout pas être
récupérée par le PQ ni par les
nouveaux partis petits-bourgeois de l’UFP (Union des
forces
progressistes) et Option Citoyenne. Les belles paroles que tous ces
partis
adressent aux travailleurs et travailleuses (le revenu minimum garanti,
un
grand chantier de logement social, le salaire minimum à
10$/heure, la semaine
de 32 heures payée 40 heures, etc.) à l’heure des
élections vont se révéler
rapidement n’être que des mensonges copieux une fois qu’ils
exerceront le pouvoir
pour le compte du capital. Et la promesse du PQ d’une vague
« souveraineté-association » ou même
d’un Québec indépendant sous la
botte du capital se révélera vide pour les
exploités. La
Ligue pour la Quatrième Internationale insiste qu’il n’existe
aucune
solution pour la classe ouvrière à l’intérieur du
système capitaliste. Nous
appuyons l’indépendance du Québec dans le but de mettre
fin à l’oppression
nationale historique de la nation québécoise et aussi
pour briser l’emprise
mortelle du nationalisme bourgeois et petit-bourgeois sur la classe
ouvrière
québécoise. Enlever la question nationale de l’ordre du
jour permettra de
montrer aux travailleurs québécois et canadiens-anglais
que leurs ennemis
véritables sont leurs capitalistes respectifs et non la classe
ouvrière de
l’autre nation. Il faut souligner que la volonté des bourgeois
québécois du PQ
d’être « maîtres chez nous » n’aidera
en rien les travailleurs, les
étudiants, les immigrants, les peuples autochtones, les femmes et tous ceux qui sont opprimés sous le
capitalisme canadien et le seront aussi dans un capitalisme
québécois (sous les
ordres des banques new-yorkaises). Alors
que la CASSÉE dénonce la « crise des finances
publiques »
comme « un mensonge honteux de l’État
néolibéral », nous insistons
que l’origine des compressions budgétaires et des
« réformes » qui
font de l’éducation post-secondaire chaque fois plus un
privilège de la
bourgeoisie et des couches aisées de la petite-bourgeoisie, au
lieu d’un droit
de tous, n’est pas le
« néolibéralisme », c’est le
capitalisme tout
court. Et justement à cause de cela, la condition pour gagner
les luttes des
étudiants québécois est de les lier, dès le
départ, avec le mouvement ouvrier
et d’autres luttes des travailleurs et travailleuses.
Ainsi,
au beau milieu de la grève, le gouvernement libéral
annonça des
coupures dans le régime d’aide sociale de l’ordre de 150
millions de $. En même
temps, les enseignants descendaient dans la rue pour leurs propres
revendications. Les assistés sociaux québécois ont
déjà subi des compressions
budgétaires draconiennes de la part du PQ et du PLQ – on n’a
qu’à penser à la
Loi 37 du gouvernement libéral de Robert Bourassa et à
la Loi 186 du
gouvernement péquiste de Lucien Bouchard/Bernard Landry. Bien
entendu, la FECQ
et la FEUQ en bons relais du PQ n’ont pas réagi à cette
annonce, alors que la
CASSÉE s’est empressée d’exprimer sa solidarité
avec les personnes assistées
sociales qui étaient sur le point de passer à leur tour
dans le collimateur du
gouvernement Charest. Cela représenta une occasion en or de
construire des
liens de solidarité et d’élargir la lutte contre les
politiques antisociales de
l’État québécois. Voyons
ce qui s’est passé. Le 30 mars, les professeurs des
cégeps
débrayaient devant 20 établissements collégiaux.
Selon Le Devoir (31
mars), « d'autres mandats de grève limitée
étaient adoptés par les 87 500
employés de la Fédération des syndicats de
l'enseignement (FSE-CSQ) et de
l'Association provinciale des enseignants du Québec
(APEQ) ». Le 31, une
manifestation fut organisée au centre-ville de Montréal
par la CASSÉE
conjointement avec des groupes populaires, dont l’Organisation
populaire pour
les droits sociaux (OPDS), pour dénoncer les coupures à
l’aide sociale. Par la
suite, le gouvernement recula partiellement sur sa décision et
coupa
« seulement » 80 millions de $ dans le budget de
l’aide sociale.
Mais, alors même que la manif du 31 mars représentait un
pas dans la bonne
direction, on en est resté là. Les
tractations se poursuivirent dans l’ombre entre les
fédérations
étudiantes et le gouvernement libéral. Au début
d’avril, une entente de
principe intervint qui maintenait l’intégralité de la
coupure de 103 millions
de $ pour l’année scolaire en cours (2004-2005), qui la
réduisait de 70
millions pour la prochaine année (2005-2006) et qui
réinjectait la totalité de
la somme seulement à partir de 2006. Tous les autres aspects de
la
« réforme » de l’aide financière
étaient maintenus et rien n’était
prévu pour soulager l’endettement croissant des étudiants
du Québec. La
Fondation des Bourses du Millénaire, créée par le
gouvernement fédéral, vint à
la rescousse du gouvernement québécois avec des sommes
d’argent qui avaient été
retranchées du programme de prêts et bourses suite aux
coupures effectuées par
les libéraux au printemps 2004. La
FECQ et la FEUQ étaient trop contentes de montrer leur
« bonne
volonté » face à la bourgeoisie et de mettre
un terme à un mouvement qui
échappait à leur emprise depuis le début et qui
menaçait leur prétention de
s’afficher comme les « représentants » de
la population étudiante.
Leur attitude fut tout à fait identique à ce qui s’est
passé lors de la grève
de 1996, soit de poignarder dans le dos un mouvement de grève
qui leur était
complètement étranger, à la différence que
cette fois-ci c’était le plus grand
débrayage étudiant de l’histoire du Québec. Peu
après la conclusion de
l’entente, des étudiants membres de la FEUQ, exprimant la
colère de leurs
copains floués, ont saccagé les bureaux de cette
dernière pour dénoncer la trahison
qui avait été perpétrée par les ambitieux
bureaucrates étudiants. La
CASSÉE recommandait initialement le rejet de ce qu’elle appelait
« une entente au rabais », laquelle
représentait en
réalité l’échec du mouvement. Cependant, plusieurs
associations étudiantes,
sans doute essoufflées par plus de cinq semaines de
grève, votèrent pour le
retour en classe tout en rejetant l’entente. Finalement, la
CASSÉÉ recommanda
le 11 avril de mettre fin à la grève tout en promettant
de continuer le combat
contre les coupures du gouvernement libéral. Néanmoins,
les « grèves
tournantes » des enseignants continuèrent
jusqu’à mi-mai. C’est ainsi
qu’une lutte, qui à son point culminant englobait jusqu’à
230 000 grévistes
étudiants et pouvait s’étendre à presque 100 000
enseignants, s’est soldée par
une défaite. Au lieu de cloisonner les luttes de chaque secteur,
ce qui est
presque toujours une garantie de défaite et de recul, il fallait
fusionner
toutes les luttes ouvrières contre les politiques
d’austérité de l’État bourgeois. Quant
au rôle joué par la CASSÉÉ dans ce mouvement
de grève, la combativité
qu’elle a démontrée dès le début tranche
avec l’opportunisme éhonté de la FECQ
et de la FEUQ. Mais des actions combatives ne peuvent pas compenser
l’absence
d’un programme de lutte de classe. La revendication abstraite de
l’ASSÉE pour
la gratuité scolaire restait ainsi lettre morte, ne jouant aucun
rôle dans la
grève. Même lorsqu’elle revendique un
« syndicalisme de combat »,
pour l’ASSÉE les « différents moyens de
pressions (manifestations, grèves,
occupations) » étaient conçus seulement pour
« mettre la pression sur
l’autre partie » (Ultimatum, octobre 2005).
C'est-à-dire qu’elle
aussi, tout autant que les fédérations acquises au PQ,
considérait que son
propos était de négocier avec Charest, seulement avec un
meilleur « rapport de
force ». Les
deux concurrents du syndicalisme étudiant partagent la
même
« politique de pression » bourgeoise. Il
n’y a pas là une
différence qualitative, seulement tactique. L’ASSÉE se
vante d’être
« progressiste », promettant « la
solidarité syndicale avec
toute lutte internationale progressiste visant le mieux-être de
la
société ». Pareilles formules vagues
caractérisent les fronts populaires,
tels l’Unité Populaire de Salvador Allende au Chili ou leur
reflet au Québec,
l’UFP et Option Citoyenne, qui cherchent à amarrer les
travailleurs et opprimés
à un secteur de leurs patrons et oppresseurs bourgeois. Pour les
révolutionnaires prolétariens, par contre, les luttes de
chaque secteur devront
être guidées par la nécessité de faire
accroître la conscience de classe de la
nécessité d’unir les opprimés dans une lutte
commune contre le capital et ses
agents. Si
la FECQ et la FEUQ se présentent comme des sous-fifres du PQ,
l’ASSÉE
ambitionne tout au plus d’être le relais pour une
« option »
politique bourgeoise plus « progressiste » que
celle du PLQ, alors
que la tâche primordiale, dans la grève étudiante
comme dans toute autre lutte
sociale, au-delà des revendications particulières, est de
préparer la classe
ouvrière et tous les déshérités pour le
combat contre le système capitaliste
qui est à l’origine de tous les maux qui les assaillent, depuis
la
guerre-occupation impérialiste de l’Irak jusqu’à
l’offensive contre les
garderies d’enfants au Québec. Ils cherchent une réforme
impossible de ce
système de guerres, de racisme et de misère, alors que le
vrai enjeu est de le
renverser.
L’ASSÉÉ
a présenté des « solutions » au
gouvernement pour
financer la réalisation de ses revendications, dont la
principale était la
fameuse réforme de la fiscalité. Cette dernière
constitue la revendication
majeure de toute la gauche réformiste, dont le
célèbre professeur de
comptabilité de l’UQAM Léo-Paul Lauzon et sa Chaire
d’Études socio-économiques.
Elle consiste principalement à supprimer les abris fiscaux dont
bénéficient les
grandes compagnies et les individus les mieux nantis pour faire en
sorte que
« les riches payent leur juste part
d’impôt ». Comme si les
capitalistes qui contrôlent l’État vont accepter
d’alourdir leur fardeau fiscal
! Il faut préciser ici que, contrairement à ce
prétendent les réformistes de
tout acabit, l’État n’est pas un arbitre neutre entre les
classes sociales mais l’instrument de la classe
dominante. La
revendication d’une fiscalité plus
« juste » a même déjà
figuré dans le programme électoral de certains partis
bourgeois, comme le Parti
Libéral fédéral en 1993 et le Parti
Québécois en 1994, pour tomber aussitôt
dans l’oubli après les élections. Aucun gouvernement
bourgeois n’« osera »
mettre cette réforme en application, parce que, sans aucun
doute, les
entreprises déménageront rapidement vers un pays
où le fardeau fiscal est plus
« léger ». C’est là une expression
du caractère mondial du marché
capitaliste, qui n’est pas le produit d’une
« mondialisation »
récente mais une des tendances intrinsèques du
capitalisme dès sa naissance. Et
la réforme de la fiscalité ne fera pas un
« autre monde possible » et
meilleur ; l’époque de l’État-providence est
révolue, surtout depuis
l’effondrement contre-révolutionnaire de l’URSS et des
États ouvriers déformés
de l’Europe de l’Est entre 1989 et 1991. Aujourd’hui,
il n’y a plus de contrepoids aux impérialistes occidentaux
auquel la bourgeoisie et leurs chiens de garde
sociaux-démocrates se voient
obligés de faire concurrence. Ils n’ont plus besoin de
présenter le capitalisme
« à visage humain », ce qui laisse les
coudées franches aux
capitalistes pour saccager continuellement les programmes sociaux
obtenus par
des luttes âpres de la classe ouvrière. Ce qu’il nous faut
pour faire face à
cette offensive contre-révolutionnaire, c’est surtout forger un
parti ouvrier
révolutionnaire, léniniste-trotskyste, basé sur
l’héritage historique de la
Révolution bolchevique de 1917. Seul un tel parti
internationaliste pourra
mener à bien les luttes de classe internationales pour vaincre
les attaques du
capital. Comme l’écrivait Léon Trotsky dans le Programme
de Transition (1938)
de la IVe Internationale : « Il
faut aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes,
à trouver le pont entre leurs revendications actuelles et le
programme de la
révolution socialiste. Ce pont doit consister en un
système de revendications
transitoires, partant des conditions actuelles et de la conscience
actuelle
de larges couches de la classe ouvrière et conduisant
invariablement à une
seule et même conclusion : la conquête du pouvoir par le
prolétariat. »
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