. |
août 2008 Des Haïtiens brûlés et
tués à coups de machette par des meutes de lyncheurs, des
dizaines de milliers expulsés par l'armée dominicaine
Arrêtez la persécution des
travailleurs haïtiens en République Dominicaine!Résultat d’un attaque de lyncheurs dans le batey de Fao en Guerra, République dominicaine, le 22 janvier 2006. (Photo: Justo/El Nacional) Ce texte datant
de 2006 a été traduit de l’anglais à l’occasion d’un
piquet organisé par des groupes de gauche dominicains, haitiens
et américains face au consulat dominicain à New York, le
7 août 2008. 31 JANVIER 2006 – Depuis le moi
de mai 2005, une vague de violence raciste et xénophobe
(anti-étranger) a
déferlé sur la République dominicaine,
incité par le gouvernement dominicain,
en ciblant les travailleurs immigrés haïtiens ainsi que les
Dominicains à la
peau foncée d'origine haïtienne. (Haïti et la
République dominicaine se
partagent l’île de Quisqueya (Hispaniola)
dans les Antilles, et le racisme anti-haïtien est depuis longtemps
un élément
de base de la politique bourgeoise dominicaine.) Au cours de cinq
grandes
vagues, au moins 20.000 hommes, femmes et enfants ont été
ramassés par des
soldats et sommairement expulsés en Haïti sans la moindre
prétention de
légalité1. En outre, au
moins une vingtaine de Noirs ont été assassinés
par des meutes de
lyncheurs et nombre d’entre eux frappés à morts avec des
machettes ou brûlés
vifs en les arrosant avec de l’essence et en les mettant en feu. A
partir du 1er janvier, le gouvernement du président
dominicain
Leonel Fernández intensifia la persécution
anti-haïtienne. L’opération Vaquero
(Cowboy) a placé un cordon de soldats le long de la
frontière pour traquer les
immigrés. Les premières victimes furent 25 Haïtiens
qui sont morts d’asphyxie
le 10 janvier, pris au piège dans un camion poursuivi par la
police
dominicaine. Douze jours plus tard dans la ville de Guerra,
après un incident
au cours duquel un sergent de l’armée de l’air a
été tué par un policier, une
foule assassine d’hommes lourdement armés a
dévasté 27 maisons d’immigrés
Haïtiens et de Dominicains noirs et a tenté de brûler
un bébé vivant. Une
semaine plus tard, les maisons haïtiennes furent réduits en
cendres à Moca.
Maintenant, un agent supérieur dominicain de l’immigration vient
de déclarer
que tous les Haïtiens sans papiers de résidence seront
expulsés, et le
gouvernement a coupé l’importation annuelle de milliers de
travailleurs
haïtiens pour la récolte de sucre, provoquant une crise
dans ce secteur clé. Pendant
ce temps, à l’autre côté de la frontière des
troupes d’occupation
de l’ONU pour le « maintien de la paix » en
Haïti ont procédé à une
série d’attaques meurtrières dans les bidonvilles de la
capitale, en ciblant
les partisans de Jean-Bertrand Aristide, le président
haïtien démis de ses
fonctions et enlevé par une invasion américaine en mars
2004. Comme un grand nombre
de Haïtiens fuient le chaos, la misère et la
répression de leur pays occupé,
les autorités américaines s’empressent de les retourner.
Le 19 janvier [2006],
les avocats représentant des tas de réfugiés
haïtiens ont demandé que
Washington mette fin à toutes les déportations vers
Haïti. Et le 7 février, les
élections présidentielles haïtiennes se tiendront
après avoir été reportées
plusieurs fois. Alors que les sondages d’opinion montrant que le
candidat
favorisé par les adeptes du président Aristide
[René Préval] devance, de loin,
ses adversaires, la capitale haïtienne se trouve dans un
état de haute tension
et certains s’attendant à des actions préventives de la
part des secteurs
droitiers de la bourgeoisie, de leurs forces paramilitaires ou des
forces d’occupation
de l’ONU. La
Ligue pour la Quatrième Internationale et le Groupe
Internationaliste
exhortent les travailleurs avec une conscience de classe, les jeunes
à l’esprit
révolutionnaire et tous les opposants de l’impérialisme
à protester contre la persécution des
Haïtiens pauvres, des immigrés et
des réfugiés. De Saint-Domingue à New York,
nous revendiquons les pleins droits de citoyenneté
pour
tous les immigrants, légaux ou
« illégaux ». Contre les haines
nationalistes toxiques, nous luttons pour l’unité
des travailleurs haïtiens, dominicains et américains contre
le capital. En
République dominicaine, en Haïti et aux États-Unis,
nous luttons pour construire des partis ouvriers
révolutionnaires contre tous
les partis capitalistes. Et
nous soulignons que cette orgie de répression chauvine et de
massacres des
Haïtiens fait partie de la « guerre contre le
terrorisme » des
États-Unis visant à terroriser le monde jusqu’à la
soumission aux diktats
américains. Nous disons: Chassons les
impérialistes et leurs laquais hors de l’Afghanistan, de l’Irak
et d’Haïti! Pogroms
anti-Haïtiens Le
déclencheur pour les pogroms anti-haïtiens prolongés
a été le meurtre
d’un couple dominicain à la mi-mai dans la petite ville
dominicaine de Hatillo
Palma située dans la province de Montecristi. Après que
la police avait détenu
dix Haïtiens (aucune preuve les reliant à la
criminalité n’a été présenté), les
lyncheurs ont commencé à incendier des cabanes
d’immigrés haïtiens pauvres,
principalement des travailleurs sur des exploitations de bananes. Avant
l’aube
le jour suivant, les soldats dominicains ont commencé sans
discrimination à
rafler des centaines de Noirs et à les transporter
jusqu’à la frontière
haïtienne. Au cours de trois jours, presque toute la population
noire de la ville
a été déportée. Rapidement la violence de
la meute anti-haïtienne s’est
répandue dans le nord-ouest de la République dominicaine,
poussant des milliers
de personnes vers la frontière en Haïti. Lorsque certains
réfugiés sont
retournés un mois plus tard, à Hatillo Palma, des
miliciens sont tombés sur eux
pendant qu’ils dormaient, décapitant deux d’entre eux. Cette
combinaison de la répression gouvernementale et de la violence
des
meutes de lyncheurs a réveillé les craintes d’une
répétition du massacre organisé
en 1937 par le dictateur dominicain Rafael Leónidas Trujillo,
alors qu’on
estime que 37.000 Haïtiens et Dominicains noirs ont
été ramassés sous la menace
des armes et exécutés, souvent par des machettes (pour
donner l’impression que
les paysans avaient commis les meurtres). Beaucoup d’autres ont
été emmenés sur
les quais et jetés à la mer à Montecristi avec
leurs bras et pieds liés. La
Rivière Massacre qui sépare Haïti de la
République dominicaine est devenue
rouge avec le sang des victimes. Cette horreur a fait l’objet du roman,
The
Farming of Bones (Amabelle en français) (1998), par
l’écrivaine
américano-haïtienne Edwidge Danticat. Avec
cette horrible scène gravée dans leur mémoire
collective, les Haïtiens
et Dominicains noirs s’enfuirent massivement en juin 2005 de Santiago
de los
Caballeros, le centre de la région de Cibao, pour leur
sécurité. Les parents
ont assiégés les bureaux du gouvernement en exigeant des
certificats de
naissance pour leurs enfants et les jeunes nés en
République dominicaine. La
réponse des autorités fût d’ordonner plus de
déportations, 200 de Santiago
seulement. À la mi-août, le gouvernement a expulsé
3.000 autres personnes en
Haïti, en particulier des femmes et des enfants. La raison de
cette rafle
sélective est claire: la banane dominicaine, les fermes de
café et les
plantations de sucre ne pourraient pas fonctionner sans le travail des
hommes
d’origine haïtienne, qui peinent dans des emplois
éreintants pour quelques
dollars par jour. Jusqu’à un million d’immigrants haïtiens
vivent en République
dominicaine (sur une population totale de 7 millions d’habitants), bon
nombre y
résidant depuis des décennies. Toujours
en août 2005, quatre jeunes hommes haïtiens dans la capitale
dominicaine de Saint-Domingue ont été
bâillonnés, arrosés avec un liquide
inflammable et mis en feu; trois sont morts. Le modèle sanglant
se répète tout
au long de l’automne: à la fin de septembre, deux hommes noirs
ont été accusés
d’avoir tué un travailleur dominicain à Guatapanal, non
loin de Puerto Plata.
Une foule est descendu dans les quartiers haïtiens,
déterminée à assouvir sa
vengeance: de nombreux Noirs ont été battus, un autre
s’est noyé dans une
rivière en fuyant ses assaillants. Un article dans le New
York Times (20
novembre 2005) a déclaré: « ‘Lorsqu’il ya deux
Haïtiens, un doit être tué, s’il y a trois
Haïtiens, deux devront être tués’, disaient les
dirigeants de la foule qui est
descendu dans les camps d’immigrants, selon les Haïtiens ici s’en
souviennent.
Mais ils en laissent toujours un partir pour qu’il puisse retourner
dans son
pays et raconter ce qui s’est passé ». Et au début du mois de
décembre,
au moins dix Haïtiens ont été assassinés par
des meutes de lyncheurs tandis que
des dizaines de Noirs ont été brûlés dans
leurs foyers dans la ville
dominicaine de Villa Trina, au nord du pays, encore une fois
supposément en
représailles pour la mort d’un homme Dominicain. Au
milieu de cette orgie de meurtres et d’incendies xénophobes il y a une chose qu’il ne faut pas
oublier: les bandes de tueurs déchaînés peuvent
être composées de paysans
dominicains appauvris et d’habitants des taudis, mais ils ont
été mis en
mouvement par les dirigeants bourgeois. L’histoire
d’« anti-haitianisme » dans la République
dominicaine Tout
au long de l’histoire dominicaine, des politiciens nationalistes
réactionnaires ont fait appel à l’idéologie
raciste de l’ « antihaitianismo »
pour consolider et conserver leur pouvoir dans
« leurs » deux-tiers
de l’île. Après la Révolution haïtienne de
1791-1804 – la première révolte
d’esclaves réussie dans l’histoire, qui a
vaincu les efforts conjugués des forces
expéditionnaires françaises,
britanniques et espagnoles – l’armée révolutionnaire
haïtienne a marché trois
fois sur Saint-Domingue; elle expulsait finalement les colonialistes
espagnols
et abolissait l’esclavage en 1822. Même après que
l’indépendance dominicaine
d’Haïti ait été déclaré en 1844, les
propriétaires terriens conservateurs
étaient tellement préoccupés par une
« menace haïtienne » qu’ils ont rendu
le pays à l’Espagne. Il a fallu la Guerre
de la Restauration en
1861-65 (coïncidant avec la Guerre Civile américaine), sous
la direction du
général noir Gregorio Luperón, pour
reconquérir l’indépendance dominicaine. Le
racisme anti-haïtien de Trujillo, le dictateur installé par
les
États-Unis qui a régné sur la République
dominicaine avec une main de fer de
1930 jusqu’à ce qu’il devienne un fardeau pour les É.U.
et que la CIA l’ait
assassiné en 1961, est légendaire. Il en va de même
pour son acolyte Joaquín
Balaguer, qui suite à l’invasion américaine de Santo
Domingo en 1965 a dirigé
le pays au nom de l’impérialisme américain de 1966
à 1978, puis de nouveau de
1986 à 1996. Pour justifier le massacre par Trujillo en 1937
d’Haïtiens et de
Dominicains d’origine haïtienne, Balaguer a déclaré:
« Le problème de la
race est, par conséquent, le principal problème de la
République dominicaine
.... De cela dépend, d’une certaine manière, l’existence
même de la nationalité
qui depuis plus d’un siècle a dû lutter contre une race
plus prolifique » (cité
par Ernesto Sagás, « Un cas d’identité
erronée: L’antihaitianismo dans la culture
dominicaine », Latinamericanist [1993]).
Mais
les soi-disant dirigeants
« démocratiques » du Parti
Révolutionnaire Dominicain (PRD) et du Parti de la
Libération Dominicaine
(PLD), ont également joué la carte du racisme
anti-haïtien. Il y a déjà eu des
déportations massives d’Haïtiens et de Dominicains noirs en
1991 sous Balaguer,
en 1997 et 1999 sous le président Leonel Fernández du
PLD, et en 2000-2001 sous
le président Hipólito Mejía du PRD (Coalition
nationale pour les droits des
Haïtiens, « Les Haïtiens en République
dominicaine: expulsions et
déportations de masse », novembre 2001). Mejía
en a expulsé 12.000 vers
Haïti dans le seul mois de mars 2001 (« Rapport
de la délégation du Réseau de soutien à
Haïti dans
la Républicaine Dominicaine », avril 2001).
Même en l’absence d’expulsions
massives, les déportations d’Haïtiens de la
République dominicaine ont tourné
autour de 20.000 par an au cours de la dernière décennie
et demie. Ces
rafles arbitraires sont justifiées par des hauts fonctionnaires
avec un
racisme non dissimulé. Quand Human Rights Watch a
interrogé le dirigeant des
affaires haïtiennes pour le Département dominicain
d’émigration sur la façon
dont ils ont identifié les Haïtiens, il a répondu
qu’ils peuvent être repérés
« par leur mode de vie », parce
« qu’ils sont plus pauvres que
nous le sommes », « qu’ils vivent dans des
maisons horribles »,
qu’ils ont « la peau rugueuse » et
« qu’ils sont beaucoup plus
noirs que nous le sommes ». Il a dénoncé
l’« invasion » des
jeunes délinquants haïtiens, qui sont faciles à
reconnaître « parce qu’ils
boivent et dansent comme ils le font dans la capitale
haïtienne » (HRW,
« République dominicaine, ‘Le peuple illégal’:
les Haïtiens et les
Dominico-Haïtiens en République dominicaine »,
avril 2002). De tels appels
xénophobes et racistes de la part de fonctionnaires du plus haut
niveau
attisent les lyncheurs dans la rue. Surexploitation
et quasi-esclavage des travailleurs haïtiens Le parrainage officiel de
l’hystérie anti-haïtienne n’est pas limitée à
la sphère idéologique, elle est
profondément ancrée dans la structure juridique et
économique du capitalisme
dominicain. Légalement, les descendants d’immigrants
haïtiens sont privés de
tous les droits par un impénétrable réseau
d’obstacles. Bien que l’article 11
de la Constitution dominicaine reconnaisse la citoyenneté de
« toute
personne née sur le territoire de la République
dominicaine », il y a une
lacune juridique. Les immigrés haïtiens sans papiers sont
considérés comme
étant « en transit », et ainsi leurs
enfants nés en République
dominicaine se voient refuser la citoyenneté. Tout d’abord, le
personnel
hospitalier refuse de donner aux mères des certificats de
naissance stipulant
quand et où leurs enfants sont nés. Ensuite, quand elles
cherchent à inscrire
les enfants à l’état civil, ils sont refusés parce
que les parents n’ont pas de
papiers d’identité ou de résidence dominicains. Et quand
ils essaient d’aller à
l’école, les enfants se font souvent refuser l’entrée
s’ils n’ont pas une
preuve de citoyenneté. Il
y a donc une couche entière de la population qui a grandi sans
tout
droit légal que ce soit, maintenue dans l’ignorance
forcée et la pauvreté, et
périodiquement soumise à la terreur parrainée par
l’État. Les demandes par les
Dominicains d’origine haïtienne à ce que la
citoyenneté de leur enfants soit
confirmé ont causé un tollé international et
produit un arrêt de la Cour
interaméricaine des droits de l’homme en octobre 2005 ordonnant
au gouvernement
d’accorder la citoyenneté (ainsi que des réparations et
des excuses publiques)
à deux filles, Dilcia Yean (maintenant 8 ans) et Violeta Bosico
(maintenant 20
ans), et de réformer ses lois pour rendre explicite le droit de
tous les
enfants qui sont nés dans le pays à la citoyenneté
dominicaine. Ceci a mené à
des hurlements d’indignation de la part du gouvernement, et en
décembre la Cour
Suprême dominicaine a déclaré que les enfants
d’immigrés sans-papiers ne sont
pas des citoyens. La
présence d’une énorme masse de personnes (bien plus de 10
pour cent de
la population totale) vivant dans une semi-clandestinité ne peut
être que le
résultat de forces économiques puissantes. Et en fait,
l’industrie sucrière,
qui fut pendant des décennies le pilier de l’économie
dominicaine, a été
construite grâce au travail forcé des travailleurs
haïtiens. Cela remonte à la
Première Guerre mondiale, lorsque les États-Unis ont
perdu leurs livraisons de
sucre de betterave de l’Europe et ont entrepris une vaste expansion de
la
production de canne à sucre en République dominicaine
(que les États-Unis ont
occupé de 1916 à 1924, officiellement pour recueillir des
dettes de paiement
aux banques de Wall Street) à l’aide de travailleurs
importés en provenance
d’Haïti (que les États-Unis ont également
occupé de 1915 à 1934). Les
compagnies sucrières avaient des quotas annuels de dizaines de
milliers de
travailleurs haïtiens, qui reçurent (tout au plus) des
salaires de misère et
furent confinés dans les misérables batayes
(bidonvilles) sur le bord des plantations par les patrouilles de la
milice, de
la police et des gardes en milieu rural. Ce
système de plantation d’esclavage virtuel a été
supervisé par une Police
Nationale formée par les États-Unis. Quelques
années après le départ des
Marines, le général Trujillo est arrivé au pouvoir
à Saint-Domingue. Il faisait
partie d’une série de dictateurs au petit pied dans les
Caraïbes et en Amérique
centrale qui provinrent des rangs de la police coloniale dans d’autres
pays
occupés par les États-Unis (Somoza au Nicaragua, Batista
à Cuba), ainsi que des
armées fantoches des « Républiques
bananières » semi-coloniales
(Ubico au Guatemala). Dans les années 1950, Trujillo a
décidé de prendre en charge
les raffineries de sucre appartenant aux Américains et de les
diriger comme son
propre fief. Après qu’il ait été renversé
en 1961, les plantations furent
nationalisées et ont formé le CEA (Conseil d’État
du sucre). Ainsi, que ce soit
sous les Américains, sous Trujillo ou ses successeurs
pseudo-« démocratiques », le
système était basé sur la
surexploitation du travail forcé des Haïtiens. Ceci
représente un quasi-esclavage. En fait, le massacre de 1937 et
les
périodiques rafles/déportations de masse au cours des
dernières années ont été
concentré parmi les Noirs trouvés en dehors des bateyes, qui furent traités comme des esclaves
fugitifs. Ce système
a été bien documenté, notamment dans le reportage
de Maurice Lemoine, Sucre amer: esclaves aujourd’hui dans
les
Caraïbes (Édition Encre, 1981). Une série de
rapports par la Coalition
nationale pour les droits des Haïtiens en 1989-1992 a
montré comment les
travailleurs haïtiens ont été recrutés de
manière trompeuse, ont été rassemblés
à la frontière par l’armée dominicaine,
transportés par camion vers les
différentes plantations et soumis à des mauvais
traitements brutaux. Après que
les raffineries du CEA furent privatisées en 1999, les
conditions étaient aussi
mauvaises, voire pire. Lorsque
plusieurs raffineries fermèrent après une
dégringolade des prix du sucre, des
dizaines de milliers de travailleurs noirs dans les bateyes se
sont
retrouvés sans emploi. Certains d’entre eux ont trouvé du
travail dans
l’industrie de la construction urbaine. Mais ils courent le risque
d’être
ramassés et déportés, même s’ils sont
nés en République dominicaine, et que
dans certains cas leurs familles y ont résidées pendant
plusieurs générations. Unissons travailleurs Haïtiens
et Dominicains La
répression brutale infligée par l’armée
dominicaine ne se limite pas aux
immigrés haïtiens et leurs descendants. Sous Trujillo et
son acolyte Balaguer,
des milliers de gauchistes dominicains ont été
assassinés pendant des
décennies. Dans la période post-Trujillo/Balaguer, des
grèves générales au
sujet des pannes constantes d’électricité et de la hausse
des prix du carburant
ont été régulièrement écrasés
avec un bilan de plusieurs morts. Dans le cas le
plus récent, en octobre 2005, deux manifestants ont
été tués par la police lors
dans une manifestation à Santiago. Sous le
précédent gouvernement de Hipólito
Mejía, une grève générale en novembre 2003
a été écrasé avec sept grévistes
tués. Mais le meilleur exemple du rôle de ces
armées semi-coloniales, dont le
travail est de réprimer une population agitée afin
d’assurer la poursuite de la
domination impérialiste, est arrivé au début de
l’année 2004. Le
contingent « Plus Ultra » de plusieurs centaines
de soldats de
l’élite dominicaine venait de rentrer d’Irak, où ils
assumaient les fonctions
de troupes mercenaires de l’occupation américaine. Les 28 et 29
janvier 2004,
la police, les milices présidentielles et les militaires ont
réprimé une grève
générale. Ils ont affronté les grévistes
dans cinq villes et ont laissé un
bilan de huit manifestants tués. En même temps,
l’armée dominicaine a fourni
des camps d’entraînement pour une force de plusieurs centaines
d’anciens
soldats haïtiens qui se préparaient à envahir
Haïti et organiser un coup d’État
visant à renverser le gouvernement Aristide. À la
mi-février, les putschistes
lancèrent leur attaque. Alors qu’ils s’approchaient de la capitale haïtienne de Port-au-Prince, le 29
février 2004,
les États-Unis ont envoyé un corps expéditionnaire
de 2.000 Marines, de Forces
Spéciales et d’agences de sécurité
« privé », qui ont expédié
Aristide dans un avion sans insigne et l’ont largué sur une
piste au milieu de
l’Afrique centrale. Dès
le lendemain, un corps de soldats dominicains a débarqué
à l’atelier
d’exploitation CODEVI dans une « zone de
libre-échange » à
Ouanaminthe juste à l’intérieur d’Haïti pour
réprimer un débrayage par les
travailleurs haïtiens. L’usine appartient à un fabricant de
vêtements
dominicain, le Grupo M, qui est financé par Wall Street par
l’intermédiaire de
la Banque mondiale. Deux jours plus tard, un détachement de
« rebellés » de l’ancienne armée
haïtienne est arrivé pour passer les
menottes aux dirigeants syndicaux et
forcer les travailleurs à retourner au travail sous la menace
des armes. Voici
donc les forces armées des deux États capitalistes sur
l’île travaillent
ensemble en tant que chiens de garde du capital impérialiste.
Comme nous
l’avons écrit à l’époque, « Ceci
démontre d’une façon criante le besoin pour la lutte
révolutionnaire commune par
les travailleurs dominicains et haïtiens contre leurs patrons
respectifs, les
régimes néocoloniaux qui les répriment, et contre
leurs maîtres impérialistes! »
(« La lutte pour la révolution ouvrière dans
les Antilles » dans The Internationalist no.18,
mai-juin
2004). Au
cours du dernier siècle et demi, les persécutions
racistes et l’hystérie
xénophobe contre les Haïtiens et la Dominicains à la
peau foncée d’origine
haïtienne ont été utilisés par les
propriétaires terriens blancs, par les
propriétaires de raffineries du sucre et d’ateliers
d’exploitation
capitalistes, ainsi que par la police et l’armée
meurtrières pour diviser les
travailleurs dans les deux-tiers orientaux de Quisqueya. Cette
île prospère qui
fut jadis la plus riche colonie du monde reste enlisée dans la
pauvreté,
pendant que les dirigeants bourgeois se prélassent dans leurs
villas et que
leurs maîtres impérialiste construisent des gratte-ciel
à Manhattan (comme
l’ancienne tour Gulf+Western) et des domaines immobiliers dans les
îles des Caraïbes
avec les surprofits extraits de la sueur des travailleurs haïtiens
et
dominicains. La
gauche, toutefois, a été enchaînée par le
nationalisme des deux côtés de
la frontière, en subordonnant les travailleurs à des
politiciens bourgeois, du
caudillo nationaliste dominicain Juan Bosch au populiste haïtien
Aristide. En
République dominicaine, les nationalistes-réformistes de
gauche ont au plus
offert une défense tiède et légaliste du droit
à la citoyenneté pour les
enfants nés en République Dominicaine, dans le cas du PTD
(Partido de los
Trabajadores Dominicanos), tandis que des bouffons
dégoûtants comme le Pacoredo
(Partido Comunista de la República Dominicana) ont en fait
attisé la frénésie
chauvine contre « l’invasion massive par les
Haïtiens » et des plans
mythiques par des « pro-Haïtiens »
capitalistes/ecclésiastiques pour
fusionner Haïti et la République dominicaine. En revanche, un véritable parti communiste en République
Dominicaine exigerait les
pleins droits de citoyenneté pour tous, et prendrait
l’initiative pour
mobiliser unies des travailleurs
dominicains et haïtiens en défense des bateyes contre la
violence des meutes de
lyncheurs. Aujourd’hui,
les organisations soi-disant socialistes sur l’île sont plus
faibles que jamais, mais la lutte de classe continue. Ce qui est d’une
nécessité brûlante maintenant est une direction
révolutionnaire
internationaliste. Dès les premiers moments de l’intervention
USA/ONU en Haïti,
la Ligue pour la Quatrième Internationale a lutté pour
chasser les forces expéditionnaires.
Nous sommes aux côtés de ceux qui résistent contre
les impérialistes yankees,
leurs mercenaires des
« Nations-Unies » et leurs flics coloniaux
meurtriers. En même temps,
nous ne donnons pas de soutien politique à Aristide, le
protégé des Démocrates
libéraux qui a été installé dans le palais
présidentiel haïtien et ensuite
enlevé de celui-ci par les baïonnettes des Marines. Au
cours des huit derniers
mois, le Groupe Internationaliste a participé à de
nombreuses manifestations à
New York dénonçant la répression des Nations-Unies
en Haïti et la persécution
des immigrés haïtiens en République dominicaine. Pendant
des décennies, l’énergie révolutionnaire des
travailleurs et des
peuples opprimés en Amérique latine et dans le monde a
été gaspillée au service
des alliances de collaboration de classe avec les forces bourgeoises.
De
l’Espagne dans les années 1930 à Salvador Allende du
Chili dans les années 70,
le « Front populaire » a toujours
été une recette pour la défaite,
qui limitait la lutte aux objectifs démocratiques bourgeois, ce
qui laisse
intact les armées trempées de sang et leurs maîtres
capitalistes au pouvoir.
Ceci reflète le dogme anti-marxiste de « la
construction du socialisme
dans un seul pays » mis de l’avant par Staline et ses
héritiers pour
couvrir leur abandon du programme de la révolution socialiste
mondiale de V.I
Lénine et Léon Trotsky. Ce mot d’ordre
nationaliste-stalinien est d’autant plus
criminel dans le cas d’Haïti et de la République
dominicaine, où cela signifie
limiter la lutte à un tiers ou deux de l’île appauvrie. Les
léninistes-trotskystes luttent au contraire pour le programme de
la
révolution permanente. Nous insistons que la seule façon
d’éradiquer les forces
réactionnaires enracinées est que la classe
ouvrière renverse le capitalisme,
conjointement avec une révolution agraire dans les campagnes, et
procède aux
tâches socialistes et à l’extension internationale de la
révolution. Il
n’existe pas de base pour un Haïti ou une République
Dominicaine démocratique
et capitaliste – les classes dirigeantes bourgeoises sont trop faibles
pour se
maintenir au pouvoir sans l’aide des juntes militaires, des escadrons
de la
mort et des troupes impérialistes (avec un avion planqué
à l’hacienda pour une
fuite rapide). Les patrons attisent des haines nationalistes pour
inciter les
travailleurs à se battre les uns contre les autres – Dominicains
contre
Haïtiens, les îles hispanophones contre les anglophones et
les francophones –
dans une région découpée autrefois par sept
puissances coloniales. Cependant,
en luttant pour surmonter ces divisions sur la base de
l’internationalisme
prolétarien, on peut jeter les bases pour une fédération
socialiste volontaire des Antilles. Depuis
l’époque du grand général révolutionnaire
haïtien Toussaint Louverture,
la lutte contre les propriétaires d’esclaves et les capitalistes
dans les deux
parties de l’île de Quisqueya a été
inextricablement liée. Elle est également
intimement liée à la lutte pour la révolution
ouvrière dans le centre de
l’impérialisme américain. Près d’un million
d’immigrants haïtiens et
dominicains sont stratégiquement situés dans la capitale
financière du monde
capitaliste. Dans la ville de New York, les semences de la
révolution ouvrière
commune haïtienne-dominicaine peuvent être semées,
tout en luttant aussi pour
l’indépendance de Porto Rico et pour défendre Cuba contre
l’impérialisme
yankee. A la veille du siècle dernier, des
révolutionnaires antillais – les
Cubains José Martí et Antonio Maceo, le Dominicain
Máximo Gómez et le Porto-Ricain
Eugenio María de Hostos – se sont regroupés dans le Parti
Révolutionnaire
Cubain et travaillaient ensemble à Saint-Domingue et à
New York pour lutter
contre la domination coloniale. Aujourd’hui, la Ligue pour la
Quatrième
Internationale cherche à forger les noyaux de futurs partis
trotskystes
d’avant-garde pour mener la lutte internationaliste qui peut enfin
transformer
la luxueuse Perle des Antilles en un paradis tropical pour tous. n 1 Des chiffres ultérieures constatent
qu’il
y avait plus de 60.000 Haïtiens expulsés en 2005. Pour contacter la Ligue
pour la Quatrième
Internationale ou ses sections, envoyez un courrier electronique
à:
internationalistgroup@msn.com
Retourner
à la page du Groupe Internationaliste/LQI |