. |
juillet 2007 Tollé
impérialiste contre la révocation de la licence de
diffusion des putschistes de RCTV – Les trotskystes appellent les
travailleurs à en prendre le contrôle
Venezuela : Bataille autour des médias Oncle
Sam, bas les pattes! Manifestation en
défense de la mesure de Chávez contre RCTV, un
instigateur clé du coup d’Etat soutenu par l’impérialisme
d’avril 2002. (Photo : Howard Yanes)
Juillet 2007 – Dans les dernières semaines, il y a eu un déferlement de dénonciations frénétiques de la part des médias et des porte-parole des gouvernements impérialistes concernant la révocation par le président vénézuélien Hugo Chávez de la licence de diffusion de RCTV, le plus grand réseau de télévision dans le pays. Le Sénat américain, le Parlement européen et le président allemand de l’Union européenne ont tous publié des déclarations affirmant que l’action du gouvernement vénézuélien est une violation de la liberté de parole, de la liberté des médias, etc. Human Rights Watch, le Comité pour la protection des journalistes, Reporters sans frontières et d’autres groupes pour les « droits de l’homme » ont fait de même. Tous ces groupes sont financés par l’impérialisme nord-américain, notamment au travers de la National Endowment for Democracy (NED), qui sert de canal à la CIA, et par d’autres gouvernements ; ils ont à plusieurs reprises battu les tambours de guerre pour des interventions impérialistes en Yougoslavie, en Irak et ailleurs. Au Venezuela, les réactionnaires de la droite ont mobilisé les étudiants des universités catholiques et des universités d’ « élite » en prétendant défendre la « liberté d’expression ». Ailleurs en Amérique latine, la présidente chilienne Michelle Bachelet a « regretté » la décision et le Sénat brésilien a demandé à Chávez de « reconsidérer » la mesure. La Ligue pour la
Quatrième Internationale met en
garde : le tollé déclenché par
les maîtres de l’impérialisme sur
Radio Caracas
Television fait partie de leurs efforts redoublés
pour renverser le régime
vénézuélien. Ce n’est pas une
question de liberté de la presse mais de défense
élémentaire contre l’agression
impérialiste. RCTV a agi dans le passé et continue d’agir
comme instrument
direct de l’impérialisme américain. Pour justifier leurs tentatives
incessantes pour affaiblir et renverser le
président vénézuélien, les Etats-Unis
bavardent sur la
« démocratie ». Mais Chávez a
été élu à plusieurs reprises lors
d’élections générales, la dernière fois (en
décembre 2006) par 61% des votes.
Tout en n’accordant aucun soutien politique au gouvernement
Chávez, qui en
dépit de sa rhétorique socialiste est un gouvernement capitaliste, nous soutenons la défense militaire
de ce régime
nationaliste contre les attaques de l’impérialisme et de la
réaction
intérieure. Et tout en défendant la mesure prise contre
un des plus célèbres
médias putschistes, nous appelons les
travailleurs vénézuéliens à se mobiliser
indépendamment pour imposer le contrôle ouvrier sur tous
les médias bourgeois
et sur l’économie capitaliste. RCTV ainsi que d’autres grands
empires des médias ont agi en tant
qu’acteurs clés lors du coup d’Etat d’avril 2002 contre le
gouvernement Chávez,
qui était devenu la bête noire de Washington et de la
majeure partie de la
bourgeoisie vénézuélienne. Ils n’ont pas seulement
soutenu le coup d’Etat en se regroupant autour du palais
présidentiel de Miraflores pour
manifester un soutien à la figure de proue du putsch, Pedro
Carmona, le chef de
la Chambre de commerce vénézuélienne, qui pendant
les 47 heures où il exerça le
pouvoir a supprimé l’Assemblée nationale et la Cour
suprême, a renvoyé les
gouverneurs élus par la population et a instauré par
décret un régime militaire ouvert. Les chaînes de
télévision ont joué un rôle actif dans
la préparation et la réalisation du putsch en aidant
à orchestrer une «grève
générale» contre-révolutionnaire et en
diffusant la désinformation selon
laquelle les partisans de Chávez auraient tiré sur des
manifestants. La réalité
était tout à fait le contraire : ceux qui ont
été tués le 11 avril 2002
étaient principalement des chavistas (partisans
de Chávez) abattus par des tireurs professionnels de
la Police municipale de Caracas
contrôlée par l’opposition de droite. Et, quand le 13
avril des milliers de
partisans de Chávez ont envahi le centre de la capitale depuis
les bidonvilles
des collines entourant Caracas pour
s’opposer au coup d’Etat, les médias ont observé un
silence total. Tous les médias
contre-révolutionnaires auraient dû être saisis au
moment
où le coup d’État a été vaincu et leurs
directeurs arrêtés et passés en
jugement. Quand les accusations étaient prouvées, eux et
les autres auteurs du
coup d’Etat auraient été de manière
appropriée sévèrement condamnés. C’est une
question élémentaire de défense militaire
face à la contre-révolution
parrainée par les impérialistes, qui doit être
écrasée par des mesures
vigoureuses. Nous ne nous tournons pas vers le gouvernement
Chávez pour
exécuter de telles mesures, parce que c’est un régime
capitaliste reposant sur
l’armée bourgeoise. En proclamant une
« Révolution bolivarienne » (du
nom de Simon Bolivar, le chef de la lutte latino-américaine au
XIXe siècle pour
l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne) et plus
récemment en s’engageant à
construire le « socialisme du XXIe
siècle », l’ancien colonel
militaire Chávez a adopté une posture radicale, déclarant
même son admiration pour le révolutionnaire russe
Léon
Trotsky. Mais il a cherché à plusieurs reprises à
ménager et à acheter
l’opposition de droite. Les révolutionnaires trotskystes, au
contraire,
cherchent à mobiliser les masses travailleuses pour mettre en
oeuvre des
mesures révolutionnaires contre les forces de la
contre-révolution par
l’intermédiaire de tribunaux populaires et de conseils ouvriers
(soviets)
construits dans la lutte pour la révolution prolétarienne. Etudiants de l’Université catholique Andrès Bello et d’autres universités d’élite protestant le 31 mai contre le non-renouvellement de la licence de diffusion de RTCV. (Photo : Juan Barreto/AFP) En aucune façon les
trotskystes ne défendent chaque mesure prise par le
gouvernement Chávez. Il a mis sur pied un Parti socialiste
unifié du Venezuela
(PSUV), un parti bourgeois d’Etat, dont le but est de garder les
différents
groupes soi-disant socialistes et les syndicats sous la coupe du
gouvernement.
En 2000, il a tenté d’imposer un
contrôle étatique sur les syndicats au
moyen d’un plébiscite, auquel nous nous sommes opposés en
même temps que nous avons
dénoncé les politiques pro-impérialistes des
dirigeants traîtres de la CTV
(Confederacion de Trabajadores de Venezuela), qui était alors la
plus grande
confédération syndicale. Plus récemment,
Chávez a accusé l’UNT (Union Nacional
de Trabajadores), dont les dirigeants sont de gauche et qui est
maintenant la
principale organisation syndicale, d’être
« empoisonnée » parce
qu’elle n’a pas accepté immédiatement de se
« subordonner » au PSUV,
alors même que la direction de l’UNT a appelé à
voter Mais sur la question de la presse
et du refus de renouveler la licence de
diffusion de RCTV, notre critique est qu’en laissant le contrôle
des ondes
entre les mains des patrons des médias putschistes après
l’écrasement du putsch
parrainé par les impérialistes en avril 2002,
Chávez cherchait, vainement, à se
concilier la réaction impérialiste et nationale, ouvrant
ainsi la voie à de
nouveaux coups d’Etat. Le résultat en fut le lock-out patronal
de décembre 2002
et janvier 2003, une série d’attaques terroristes au
début de l’année 2004 (les
soi-disant « guarimba »)
appuyées par les médias, et maintenant le boucan au sujet
de RCTV. Ce que les
impérialistes tentent maintenant de faire est de préparer
la voie à un coup
d’Etat « soft » comme
celui qu’ils ont monté en Yougoslavie en 2000 et qu’ils ont
réitéré en Ukraine
en décembre 2004. Certains des mêmes « experts
des médias » tels que
la Albert Einstein Institution, qui ont conseillé les
manifestants
« étudiants » à Belgrade et
à Kiev, sont maintenant en train de faire
encore leur sale boulot à Caracas. Quand les étudiants de
droite ont demandé à
être entendus par l’Assemblée nationale et qu’ensuite ils
ont sorti de la salle au lieu de débattre avec
les étudiants
pro-Chávez, ils ont laissé derrière eux la
dernière page d’un script (littéralement)
qu’ils ont suivi,
élaboré par l’agence NRS Publicidad, liée
étroitement au groupe de
« formation électorale » financé
par le NED. Mais même encore aujourd’hui,
Chávez n’a pas exproprié ou passé les
directeurs de RCTV en jugement ; il a seulement refusé de
renouveler leur
licence de diffusion, ce que le gouvernement a entièrement le
droit de faire.
Aux Etats-Unis, de telles licences permettant la
télédiffusion sur certaines
fréquences hertziennes sont données (et
révoquées) par la Federal
Communications Commission. RCTV a quitté les ondes le 27 mai et
a été remplacée
par une nouvelle chaîne d’Etat non commerciale, TVes. Mais RCTV
peut toujours
transmettre sur le câble. Les libéraux citent ce fait pour
démontrer à quel
point le président vénézuélien est
modéré. Mais, en réalité, cette
« modération » est une menace mortelle
pour la perspective d’une
révolution socialiste au Venezuela, qui est opposée au
populisme bourgeois de
gauche de la « Révolution bolivarienne ».
Pendant que Chávez parle de
manière démagogique de la « révolution
permanente » et fait l’éloge
du Programme de transition de Trotsky, le trotskysme représente
le parti de
l’opposition intransigeante à tous les gouvernements bourgeois.
Les trotskystes
authentiques cherchent à construire un parti ouvrier
révolutionnaire et des
syndicats de lutte de classe indépendants de tout contrôle
étatique, afin de
lutter pour un gouvernement ouvrier et paysan qui commence la
révolution
socialiste et qui cherche à la l’étendre
internationalement à travers tout
l’hémisphère et à l’intérieur du centre
impérialiste. Le rôle des
médias dans le coup d’Etat de 2002 Le coup d’Etat de Caracas en avril
2002 fut planifié en détails au moins
six mois à l’avance. Il fut préparé et
exécuté en collaboration étroite avec le
gouvernement nord-américain. A cause du discrédit des
principaux partis
capitalistes, l’Action démocratique (AD – affiliée
à la IIe Internationale
social-démocrate) et le Parti social-chrétien (COPEI),
qui sont
irrémédiablement embourbés dans la corruption, les
médias bourgeois ont
largement remplacé les partis en tant qu’organisateurs actifs du
coup d’Etat. A
l’époque, tous les quotidiens de Caracas, à l’exception
d’un seul (qui était
neutre), étaient violemment hostiles au gouvernement, alors que
toutes les
chaînes de télévision étaient
anti-Chávez, à l’exception de celle dirigée par
l’Etat, dont les émissions furent bloquées pendant le
putsch. L’opposition
contre-révolutionnaire contrôlait donc totalement
l’information publique durant
les deux jours cruciaux. Cela fut précédé par des
mois de travail acharné des
médias contre le gouvernement, ce qui contribua à faire
chuter la popularité de
Chávez à l’époque. Sur la base des documents obtenus grâce
au Freedom of
Information Act (Acte pour la liberté de l’information), dont
plusieurs ont été
reproduits dans le livre de l’avocate Eva Golinger, The
Chávez Code : Cracking US Intervention in Venezuela (Olive
Branch Press, 2006), et qui sont disponibles sur le site Internet
venezuelafoia.info, on en sait déjà beaucoup à
propos de l’implication américaine dans le putsch raté de
2002.
Il y a eu le financement habituel des partis politiques de l’opposition
par la
National Endowment for Democracy, l’organisation gouvernementale
américaine
mise sur pied pour remplacer les opérations clandestines de
financement de la
CIA quand leur couverture a définitivement éclaté
dans les années 70. Au
Venezuela, la NED (par l’intermédiaire de l’International
Republican Institute)
a même inventé de toutes pièces un nouveau parti
(Primero Justicia – Justice
avant tout). Après l’échec du coup d’Etat et du lock-out
patronal au début de
2003, la NED a mis sur pied et financé une organisation visant
à promouvoir la
participation électorale (Sumate)
pour demander un référendum sur la révocation.
Elle a financé le Carter Center
pour fournir des observateurs
« indépendants » des élections. Et
elle
a embauché un institut de sondage (Penn, Schoen & Berland
Associates) pour
faire des sondages à la sortie des urnes (réalisés
par Sumate) qui ont donné
59% d’électeurs en faveur de la démission de
Chávez, alors qu’en fait 59%
avaient voté pour le garder en fonction. C’est là la
conception nord-américaine
des «élections libres» : un vote
« acheté et payé » totalement
contrôlé par les Etats-Unis. Des
milliers de travailleurs et de pauvres se sont précipités
au palais présidentiel pour s’opposer au coup d’État
soutenu par les É.U. contre Hugo Chávez en avril 2002.
Les médias aux mains des magnats putschistes ont supprimé
toute nouvelle de leur mobilisation. Maintenant ces fantoches de
l’agression impérialiste crient pour la liberté de la
presse. (Photo
: Ricardo Mazatlán/AP) En plus, il y avait le financement
américain traditionnel des syndicats
pro-impérialistes, en l’occurrence la CTV dirigée par
Carlos Ortega, avec au
moins 320 000 dollars américains acheminés par
l’American Center for
International Labor Solidarity (ACILS – le nouveau nom
de l’American Institute for Free Labor Development, AIFLD,
célèbre pour avoir servi d’instrument de la CIA dans les
coups d’Etat qu’elle a
orchestrés du Guyana en 1959 au Chili en 1973). Ortega
était un des principaux
organisateurs du coup d’Etat de Caracas en 2002, même s’il a
été mis sur la
touche par les dirigeants d’entreprises d’extrême-droite
rassemblés autour de
Carmona. Les Etats-Unis ont financé
des
voyages d’Ortega à Washington (en février 2002) et de
Carmona (en novembre
2001) pour des consultations. Ils y ont rencontré le
sous-secrétaire aux
Affaires de l’hémisphère occidental Otto Reich, un gusano cubain qui a joué un rôle clé
dans les années 80 dans la
production de désinformations pour l’administration Reagan,
visant à camoufler
le rôle des Etats-Unis dans l’organisation des mercenaires contras du Nicaragua qui avaient engagé une guerre
terroriste
contre le gouvernement sandiniste. Des câbles
déclassifiés montrent que, début avril, le
gouvernement
américain avait en sa possession des informations
détaillées en provenance de
sources militaires, selon lesquelles un coup d’Etat était en
vue. L’ambassade
américaine avait aussi deux attachés militaires à
l’intérieur du QG de l’armée
à Fort Tiuna qui étaient en contact étroit avec
les auteurs du putsch tout au
long de son déroulement. Il y avait même une mission
d’entraînement de la
police dirigée par l’ancien chef de
police de New York William Bratton, financée par la NED, pour
améliorer les
opérations de la police municipale de Caracas
contrôlée par l’opposition, et
dont les tireurs d’élite firent feu sur les manifestants le 11
avril. Mais le
rôle des médias fut crucial, et pas seulement en
façonnant le climat politique.
Un « Résumé des renseignements pour des cadres
directeurs » de la CIA à la veille
du coup
d’Etat rapporte que « le
président Chávez est confronté à une forte
opposition continue de la part du
secteur privé, des médias, de l’Eglise catholique et des
partis politiques
d’opposition... Des officiers militaires mécontents sont en
train de planifier
un coup d’Etat... » Un article de Jon Beasley-Murray,
un universitaire de l’University of
British Columbia, intitulé « Le coup d’Etat sera
télévisé » et publié
dans la collection dirigée par Gregory
Wilpert, Coup against Chávez in Venezuela
(Caracas 2003), écrit le jour même du putsch militaire,
commence ainsi :
« Voici comment on vit un coup
d’Etat moderne : en regardant la télévision. Le coup
d’Etat au Venezuela
(et il faut dire sans ambages que c’est un coup d’Etat) a pris place
dans les
médias, fomenté par les médias, et avec les
médias eux-mêmes l’objectif évident
des deux côtés du conflit. ». Suit un
article, « La révolution ne
sera pas télévisée », qui commence
ainsi : « Voici comment un coup d’Etat
moderne est
défait : presque invisiblement, en marge des médias.
Une gigantesque
révolte populaire contre un régime illégitime (la
junte dirigée par Carmona) a
eu lieu alors que la classe moyenne du pays regardait des feuilletons
populaires et des jeux télévisés ».
L’auteur raconte comment il a reçu
des appels téléphoniques à propos du
mécontentement dans l’armée, du refus des
unités d’opération d’exécuter les ordres des
généraux séditieux, des
mobilisations de milliers de pauvres qui descendaient dans le centre de
la
ville, et rien de tout cela ne fut rapporté à la TV ou
à la radio. A la place,
RCTV diffusait le film Pretty Woman
et des dessins animés des Warner Brother Looney Tunes. Les médias ont
préparé la voie au coup d’Etat en diffusant de
façon
ininterrompue des histoires à propos de la «grève
générale» du 11 avril, qui
consista principalement en une énorme foule (au moins
200 000
manifestants) de réactionnaires enragés de la classe
moyenne et de la bourgeoisie
qui se sont rendus dans les quartiers généraux des
compagnies pétrolières pour
en
défendre la direction. La TV l’a
décrite comme une action spontanée d’une foule qui se
transforme tout à coup en
une manifestation à travers la ville jusqu’au palais
présidentiel de
Miraflores, alors que les médias savaient que ce changement de
route avait été décidé la
nuit d’avant par
les auteurs du coup d’Etat. La télévision diffusa de
longues interviews des
dirigeants du coup d’Etat ainsi que la cérémonie au cours
de laquelle Carmona a
prêté serment tout seul comme président. Et
ensuite, quand les unités
militaires se sont rebellées et que les pauvres et les
travailleurs se sont
soulevés contre le coup d’Etat, il n’y eut soudain plus de
nouvelles du tout.
La télévision a aussi joué un rôle
décisif en transmettant à plusieurs reprises
le mensonge que Chávez avait démissionné, ce qui
était crucial pour donner un vernis de
légitimité à l’action militaire. Le gouvernement
américain et les
médias impérialistes ont initialement avalisé la
prétention que les putschistes
comblaient seulement un « vide de pouvoir ». Le New York Times (13 avril 2002) dans son éditorial
déclara avec
approbation : « M. Chávez, un
démagogue ruineux, a démissionné après que
l’armée fut intervenue et eut remis
le pouvoir à un dirigeant d’entreprise respecté, Pedro
Carmona. » Les chaînes de
télévision, dont RCTV, ont joué un rôle
crucial en
transmettant de façon continue un autre mensonge, comme quoi les
chavistas auraient tué plus d’une
douzaine de manifestants. (« Des
partisans armés de Chávez ont tiré sur des
grévistes pacifiques, tuant au moins
quatorze d’entre eux et blessant des centaines d’autres. M.
Chávez a réagi
comme d’habitude. Il a obligé cinq chaînes privées
de télévision à cesser
d’émettre pour avoir montré des images du massacre »,
affirmait
l’éditorial du Times.) Le récit d’un
témoin oculaire recueilli
par Gregory
Wilpert (« Le coup d’Etat de 47 heures qui a tout
changé »
venezuelanalysis.com, le 13 avril [2002]) raconte comment les
directeurs de TV
ont coupé les images pour montrer
uniquement certains partisans de Chávez qui tiraient
des coups de pistolet, mais sans montrer qu’ils ripostaient
à des
hommes armés de droite qui avaient tiré sur eux. Ils
n’ont pas montré non plus
les manifestants qui indiquaient
la direction de
ce qui s’avérait être des tireurs
d’élite de la police stationnés sur les toits et qui
ouvraient le feu sur la
foule. Ils n’ont pas non plus rendu compte que la majorité de
ceux qui ont été
tués le 11 avril étaient des chavistas.
Ce fut en réalité un exemple parfait de comment mentir
avec des images, et les
médias pro-coup d’Etat ont joué un rôle
décisif dans la fabrication de la
réalité virtuelle qui a été ensuite
colportée partout à travers le monde. Le plus révélateur
fut quand le correspondant de CNN Otto Neufstaldt
déclara plus tard lors d’un débat universitaire qu’il
avait été informé la nuit
d’avant par un contact dans l’opposition que « demain,
le 11, il y aura une vidéo de Chávez, la manifestation
se rendra en direction de Miraflores et il y aura des morts... »
Le
matin suivant, il fut appelé pour réaliser un
enregistrement vidéo d’un pronunciamiento par
les putschistes,
dirigés par le vice-amiral Hector Ramirez Perez, qu’il a
filmé à 14 heures. Les officiers ont
donné comme
un des motifs de leur action que Chávez était responsable
de la mort de six
personnes soi-disant tuées par ses partisans. Mais au moment
où la déclaration
fut enregistrée (elle ne fut diffusée que plusieurs
heures plus tard), personne n’avait encore
été tuée. En
d’autres termes, les coups de feu sur des manifestants
désarmés faisaient
partie d’un macabre complot criminel pour fabriquer des martyrs pour la
cause
de l’opposition (voir Wilpert, « Le coup d’Etat de 47
heures... »). Quant à la pénurie
d’informations à propos des mobilisations populaires en
faveur de Chávez, Neustaldt raconta qu’il y avait de nombreux
journalistes dans
les rues les 12 et 13 avril, mais les magnats des
médias
refusèrent de diffuser ou de publier leurs reportages. Le patron
de RCTV,
Marcel Granier, et d’autres directeurs des médias sont
allés à Miraflores.
Andrès Izarra, ex-directeur d’un journal
télévisé de RCTV, témoigna à
l’Assemblée nationale qu’il avait reçu des instructions
directes de Granier, le
jour du coup d’Etat et par la suite, de ne diffuser aucune information
à propos
de Chávez, de ses ministres ou de ses partisans ; et que
Granier refusa de
diffuser l’information que Chávez n’avait pas
démissionné. Le film documentaire
« La révolution ne
sera pas télévisée » (2003)
inclut
des scènes de présentateurs de nouvelles à la TV
félicitant Venevision, Globovision et RCTV pour
le rôle qu’ils ont joué en
aidant le coup d’Etat. Et, du fait que
Chávez avait laissé le contrôle des médias
entre les mains de ces putschistes
invétérés, ça ne s’est pas
arrêté là. Deux mois après le coup d’Etat
d’avril
2002, le programme USAID a mis sur pied un Bureau d’Initiatives de
transition
qui a dépensé plus de 9 millions de
dollars américains (« en liquide,
pour être payé en monnaie locale ») pour
des publicités télévisées
anti-Chávez qui devaient être diffusées fin 2002 et
début 2003. C’était
précisément à l’époque du lock-out patronal
que les médias décrivaient comme
une grève générale. Le coup d’Etat militaire
raté a été suivi d’une tentative
de coup d’Etat économique, mais qui a elle aussi
échoué. La liberté de la
presse et
la révolution ouvrière La question de la liberté de
la presse refait surface dans presque toutes
les situations révolutionnaires ou potentiellement
révolutionnaires quand les
évènements atteignent un point critique. C’est dû
au fait que le contrôle de l’information est un
élément clé de la domination
militaire. La
question s’est posée en Russie à la fois en
février-mars 1917 et suite à la
révolution d’Octobre, quand les soviets ont interdit les
journaux
contre-révolutionnaires. Plus récemment, la question de
la liberté de la presse
a joué un rôle important pendant les années
où le Front sandiniste de
libération nationale (FSLN) gouverna le Nicaragua, quand La Prensa, dirigée par la famille Chamorro et
financée par le
gouvernement US, fut interdite et qu’ensuite cette interdiction a
été levée. Aujourd’hui, les
impérialistes poussent avec une énergie toute
particulière
le cri de guerre de la liberté de la presse pour couvrir leurs
intrigues
contre-révolutionnaires. Suite à l’échec du coup
d’Etat vénézuélien d’avril
2002, du lock-out de décembre 2002 et janvier 2003, et aux
différents
référendums et élections, Washington se
prépare à répéter les
« révolutions » aux codes de couleur qu’il
a parrainées de la
Yougoslavie à l’Ukraine (orange) et à la Géorgie
autrefois soviétique (rose).
Et pour faire descendre dans la rue les activistes étudiants et
petits-bourgeois de la « société
civile », le contrôle des médias est
crucial. Les marxistes défendent la
liberté de la presse en tant que droit
démocratique. Nous défendons ce droit avec vigilance,
même dans le cas des
bellicistes de droite comme Judith Miller du New York
Times*, parce que nous savons que toute restriction de la
liberté de la
presse (comme
de tout autre droit démocratique) sera utilisée en
dernière instance contre les organisations
ouvrières, et
plus particulièrement contre les révolutionnaires. En
1945, le gouvernement
français de front populaire a interdit le journal trotskyste La Vérité dans le but de consolider un
régime bourgeois d’après-guerre, se servant de lois
prétendument dirigées
contre les fascistes. De la même manière, les milices
ouvrières ont souvent été
interdites par des lois dont le but déclaré était
de supprimer les bandes fascistes. Mais dans des conditions de
révolution ou de guerre, les questions
démocratiques sont subordonnées aux questions de classe
fondamentales et aux
exigences de la défense militaire. George Washington en 1776
pendant la Guerre d’Indépendance
nord-américaine avait interdit des
publications britanniques loyalistes. Abraham Lincoln pendant la Guerre
civile
nord-américaine de 1861-1865 a fermé des dizaines de
journaux qui apportaient
leur soutien ou adoptaient une attitude conciliatrice à
l’égard des confédérés
esclavagistes du Sud. Lénine et Trotsky appuyaient la fermeture
des journaux
contre-révolutionnaires, mais ils étaient soucieux de
limiter les interdictions
au strict minimum nécessaire. Dans un décret du 9
novembre 1917 du Soviet de
Petrograd, Lénine ordonna que les seuls journaux qui devrait être fermés seraient ceux « (1) qui appellent à la résistance ouverte ou
à l’insubordination contre
le gouvernement des ouvriers et des paysans; (2) qui sèment la
sédition par des
déformations des faits tout à fait prouvables ; (3)
qui sont à l’origine
d’actions d’une nature manifestement criminelle, c’est-à-dire,
criminellement
punissables ». RCTV (et d’autres chaînes de
télévision et radio) ont
rempli tous ces critères. Comme Trotsky le signalait dans un
article d’août 1938 sur « La
liberté de la presse et la classe ouvrière » (Œuvres, tome 18): « Naturellement,
si on est
obligé de diriger l’artillerie et
l’aviation contre l’ennemi, on ne peut permettre à ce même
ennemi de maintenir
ses propres centres d’information et de propagande à
l’intérieur du camp armé
du prolétariat. Pourtant, même dans ce cas, si les mesures
exceptionnelles se
prolongent jusqu’au point de se transformer en un régime
durable, elles portent
elles-mêmes le danger de la libération totale et du
monopole politique d’une
bureaucratie ouvrière qui peut même devenir une source de
sa dégénérescence ». Au Nicaragua, une fois que la
guérilla
contre-révolutionnaire a sérieusement commencé,
les sandinistes ont été forcés
de fermer La Prensa qui fonctionnait
comme porte-parole des contras. Nous
avons approuvé fermement cette interdiction à
l’époque, tout en disant qu’elle
devait être le point de départ d’actions de la classe
ouvrière pour exproprier
la totalité de la bourgeoisie nicaraguayenne. Au lieu de cela,
après avoir
«suspendu» la publication de La Prensa
en 1985, les sandinistes ont signé deux ans plus tard les
accords de «paix»
d’Esquipulas qui appelaient à la réouverture
inconditionnelle de ce journal
contre-révolutionnaire. C’était le début de la fin
pour le FSLN, qui par la
suite a perdu les élections de 1989 au profit de Violeta
Chamoro, dont la
candidature et le journal étaient fortement financés par
Washington. Au Chili, en 1970-1973, le
gouvernement américain a versé des millions pour
financer le journal conservateur El
Mercurio, qui mena une agressive et permanente campagne de
journalisme
jaune contre le gouvernement de l’Unidad Popular (UP) de Salvador
Allende. La
CIA a aussi acheté les services de journalistes et a même
dicté la mise en page
du journal. Le front populaire bourgeois d’Allende, qui jurait
fidélité à la
défense de la légalité capitaliste, n’a rien fait.
Cette guerre psychologique a
joué un rôle important en préparant la voie au coup
d’Etat sanglant de Pinochet
en septembre 1973. Les libéraux bourgeois en
appellent parfois
aux gouvernements «progressistes» pour réorganiser
les médias dans le but de se
débarrasser ou de réduire le pouvoir des groupes de
presse réactionnaires comme
Fox News. Au Mexique, le PRD nationaliste bourgeois (et la Tendance
Militante à
l’intérieur de ce parti) ont salué avec un enthousiasme
débordant les mesures
de Chávez, les citant comme un exemple de ce qui devrait
être fait pour briser
le double monopole de Televisa et de TV Azteca, qui a été
inséré dans la loi
avec la Ley Televisa de l’année
dernière. Mais appeler les gouvernements bourgeois à
promouvoir la «diversité»
dans les médias peut avoir des résultats inattendus. Le
régime Chávez a mis sur
pied plusieurs émetteurs de télévision
communautaires, mais ne comptez pas sur
elles pour permettre à de véritables trotskystes
d’appeler sur les ondes au
remplacement de son gouvernement bonapartiste par des conseils
ouvriers.
Montrer quelques visages de Noirs ou d’Indiens au teint foncé au
lieu du
sempiternel défilé des reines de beauté blondes au
look européen est une chose.
Autoriser l’agitation pour la révolution ouvrière est
quelque chose de tout à
fait différent. Au Venezuela, comme nous l’avons
signalé, pratiquement toute la presse
bourgeoise a collaboré activement au putsch d’avril 2002 qui a
brièvement
remplacé Hugo Chávez au pouvoir. Certains médias,
tels que RCTV, on joué un
rôle actif en mettant à exécution ce coup d’Etat
raté et le lock-out patronal
qui a suivi. Ce fut une tentative d’étrangler
économiquement le régime Chávez,
tout comme les Etats-Unis essaient de le faire contre le régime
de Castro à
Cuba depuis plus de 45 ans. Mais contrairement à Cuba, un Etat
ouvrier
bureaucratiquement déformé avec une économie
collectivisée, l’économie
capitaliste semi-coloniale du Venezuela rend ce dernier beaucoup plus
vulnérable à une telle guerre économique. Les
médias vénézuéliens ont agi comme
pions de l’agression impérialiste. Les travailleurs devraient s’emparer
du contrôle des organes de
propagande réactionnaires mais, au lieu de cela, Chávez a
essayé de se
concilier les putschistes. Le refus de renouveler la licence de
diffusion de
RCTV est une mesure tardive et loin d’être adéquate de
défense militaire contre
les attaques parrainées par les impérialistes. Certains courants de gauche, comme
la Fraction trotskyste (FT) dirigée par
le PTS d’Argentine (Partido de Trabajadores por el Socialismo – Parti
des
travailleurs pour le socialisme), ont affirmé que puisque
Chávez n’a pas fermé
les médias putschistes en 2002 et qu’il n’a pas
révoqué les licences de
diffusion de Globovision et de Venevision, la révocation de la
licence de RCTV
« n’a donc rien à voir avec des
mesures d’autodéfense ». Mais tout en admettant
que l’impérialisme et
la réaction intérieure se sont emparés de la
question de RCTV comme cri de
guerre pour la « liberté de la presse »,
une déclaration de
l’organisation vénézuélienne sympathisante de la FT, le JIR (Juventad de Izquierda Revolucionaria
–
Jeunesse
communiste révolutionnaire), a évité de prendre
une position explicite sur la
question. Ils affirment que lors d’une éventuelle confrontation
de rue « quand et si » elle atteint le
niveau de 2002, « nous ne sommes pas neutres »
et qu’ils seraient en
première ligne pour lutter contre une nouvelle tentative de coup
d’Etat. Dans
ces conditions, les travailleurs devraient s’emparer du contrôle
des médias
comme les grévistes de Oaxaca (au Mexique) l’ont fait
l’année dernière,
disent-ils. Mais la déclaration mielleuse de la JIR (La
Verdad Obrera, 31 mai 2007) ne dit pas de quel côté
elle se
situe dans les mobilisations actuelles et implique qu’elle s’oppose
à la
révocation de la licence de RCTV en tant que « mesure
restrictive » et « censure
gouvernementale ». La FT refuse de voir que les
mobilisations réactionnaires parrainées par
les impérialistes font partie d’une opération visant le
renversement du régime
de Chávez et l’oppression massive des travailleurs, paysans et
citadins pauvres
de plus en plus radicalisés. Cet aveuglement
délibéré est en conformité avec
l’opposition de la FT aux peines de mort prononcées par le
gouvernement cubain
à l’encontre des pirates de l’air inspirés par l’invasion
américaine de l’Irak
en mars 2003. Tout en disant que « nous ne nions pas que dans
certaines
circonstances de la lutte des classes un Etat ouvrier ou un pays
semi-colonial
doive utiliser des mesures exceptionnelles pour faire face aux
oppresseurs ou
aux provocations de la contre-révolution », elle a
alors condamné
l’application des peines de mort contre les pirates qui se sont
emparés d’un
ferry au moment de l’invasion US de l’Irak (La
Verdad Obrera, 21 mai 2003). En fait, comme nous l’avons
mentionné, les
dirigeants américains cherchaient agressivement à
susciter à l’époque une
hystérie contre-révolutionnaire à Cuba,
espérant provoquer une nouvelle vague
de « balseros » ou de
« boat people » se
dirigeant vers Miami. Dans ces circonstances, les trotskystes
authentiques,
tout en n’accordant aucun soutien politique au régime de Castro,
défendaient la
répression menée par Cuba contre les comploteurs gusano et les pirates de l’air
(voir «Libéraux et réformistes
hurlent avec les loups impérialistes : Pour la
défense révolutionnaire
internationaliste de Cuba !» dans L’Internationaliste
no.4). Au Venezuela, nous appelons les travailleurs
(et non un colonel au discours de gauche devenu président)
à arracher le contrôle des médias
aux capitalistes.
Mais c’est seulement possible durant des situations de bouleversement
révolutionnaire ou de luttes sociales aiguës, comme ce fut
le cas à Oaxaca, où
le Grupo Internacionalista, la section mexicaine de la Ligue pour la
Quatrième
Internationale, a soutenu activement la prise de contrôle des
stations de radio
et de TV par les grévistes, dans le but de briser le
contrôle absolu des médias
par le gouvernement assassin. De même, nous défendons la mesure
tardive et partielle de refus du régime populiste bourgeois de
Chávez de
renouveler la licence du plus grand des médias putschistes face
aux hurlements
des impérialistes, qui voient leurs derniers plans de putsch
contrariés, au
moins temporairement. Nous cherchons à construire un parti
ouvrier
révolutionnaire authentiquement trotskyste avec sa propre
presse, luttant pour
la révolution socialiste internationale, qui est la seule
véritable garantie
contre le triomphe de la réaction. n * Judith Miller, journaliste du New
York Times, joua un rôle clé dans la
préparation du scénario de guerre de
l’administration Bush avec l’invention des « armes de
destruction
massive » (ADM) en Irak. Elle rapporta à plusieurs
reprises les
histoires d’exilés irakiens de
droite
sur des armes biochimiques et un programme d’armes nucléaires,
lesquelles
étaient toutes inventées. Nous avons
dénoncé cette fabrication et le rôle joué
par Miller dans un article détaillé intitulé
« The U.S.’ Pretext for
Imperialist War: The Great Chemical Weapons Hoax” [Le prétexte
des USA pour la
guerre impérialiste : La grande fraude des armes chimiques]
(The Internationalist n° 16, mai-juin 2003).
Plus tard, dans l’affaire
concernant la « révélation » d’une
agente de la CIA par la Maison
Blanche tentant de discréditer les informations sur
l’inexistence des armes de
destruction massive, un juge exigea de Miller qu’elle
révèle ses sources, sinon
elle serait emprisonnée pour désobéissance au
tribunal. En même temps que nous
soulignions la responsabilité de Miller dans la fraude des armes
de destruction
massive, nous nous opposions à son emprisonnement parce que
obliger des
journalistes à révéler leurs sources est une
atteinte à la liberté de la presse
et que cela réduira au silence ceux qui ont connaissance de
machinations du
pouvoir et ainsi aidera le gouvernement à stopper les fuites
(voir “Zionist
Flack y ‘WMD’ Fabricator Jailesd in Government Witchhunt: Free Judith
Miller!”
[Écrivaillon sioniste et faussaire des ‘ADM’ emprisonnée
lors d’une chasse aux
sorcières gouvernementale : Libérez Judith
Miller !] The Internationalist n° 21, été 2005).
Pour contacter la Ligue pour la Quatrième Internationale ou ses sections, envoyez un courrier electronique à: internationalistgroup@msn.com |
|