Déchaînons la force de
la classe ouvrière !
 

charleston five
Les Cinq de Charleston, des dockers arrêtés pour défendre leurs lignes de piquet contre une attaque policière (janvier 2000)
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Lockout patronale la Côte pacifique aux Etats-Unis  : une déclaration de guerre contre les dockers et tout le mouvement syndical  (octobre 2002)
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septembre 2004   


Wal-Mart, Jonquière, Québec
“Nos prix sont plus bas” – les salaires aussi. Wal-Mart à Jonquière, Québec.

Il faudra une lutte de classe acharnée pour battre le géant antisyndical

Dans les années 90, alors que les emplois industriels mieux rémunérés disparaissaient, la seule « alternative » pour de nombreux travailleurs licenciés dans les communautés durement touchées du « Rust Belt » (vieilles zones industrielles pleines d’usines fermées aux États-Unis), ainsi que pour des millions de jeunes qui arrivaient sur le marché du travail, était constituée par les emplois payés au salaire minimum dans les restaurants McDonalds : Nous appelions cela des « McJobs ». Aujourd’hui, la « walmartisation » est devenue le symbole de l’attaque contre les salaires et les conditions de travail de la classe ouvrière au niveau international. Wal-Mart, chaîne de magasins dont le siège est à Bentonville en Arkansas, est maintenant le plus grand employeur aux Etats-Unis, avec 1.3 millions de travailleurs qui gagnent environ 9.50 $ de l’heure. Grâce au travail de ses employés, la multinationale accumule jusqu’à 270 milliards de dollars en ventes annuelles et 60 milliards en profits annuels. Pas un seul de ses 3 500 magasins aux États-Unis, 633 au Mexique et 225 magasins au Canada n’est syndiqué. Jusqu’à maintenant.

Le 2 août, la Commission des relations du travail du Québec a statué qu’une majorité des employés rémunérés à l’heure du magasin Wal-Mart à Jonquière (arrondissement de la ville de Saguenay) ont adhéré au syndicat et, sur cette base, elle a reconnu le Local 503 des TUAC (Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce) comme leur représentant. Le TUAC fait partie de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et est affilié au UFCW américain. Le fait que des travailleurs et travailleuses dans cette région du Nord aient réussi à se syndiquer, dans ce qui est le seul magasin Wal-Mart syndiqué de toute l’Amérique du Nord, devrait mettre Jonquière sur la carte du mouvement syndical. Ce fut une grande nouvelle à travers le monde. Le Guardian de Londres (4 août) a publié un article : « Le personnel de Wal-Mart au Québec gagne le droit de se syndiquer ». Il a fait la une au Mexique, où Wal-Mart est aussi le plus grand employeur. Mais les journaux américains n’ont rien dit à ce sujet.

Wal-Mart est synonyme de destruction des emplois syndiqués avec des salaires plus élevés et des prestations sociales gagnés à travers des années de dures luttes, remplacés par des emplois débutant à 8 $ de l’heure avec assurance-santé et fonds de pension minimaux ou inexistants. Une entreprise dont l’administration est brutalement antisyndicale, qui impose une discipline stricte à ses employés avec des réunions quotidiennes et des chants, qui essaie de les endoctriner avec l’idéologie de la compagnie (les pensées de Sam Walton), qui fait de la discrimination contre les femmes, qui force ses « associés » à travailler pendant leurs périodes de repas, qui oblige les équipes de nettoyage (composées surtout d’immigrés sans papiers et sans droits, embauchés par l’intermédiaire de sous-traitants à travailler de nuit, et qui licencie dans un clignant des yeux quiconque regarde de travers un gérant : ça, c’est Wal-Mart. La seule rumeur que Wal-Mart a l’intention d’ouvrir un magasin localement conduit ses concurrents à faire de grosses coupures dans les salaires et les prestations sociales.

La menace de Wal-Mart d’installer des magasins dans le Sud de la Californie a déclenché dans les supermarchés la grève acharnée de l’UFCW qui dura d’octobre 2003 à février 2004 et qui s’est terminée par un échec du syndicat, avec des baisses jusqu’à 2.80 $ US de l’heure pour les salaires des nouveaux employés, l’introduction de co-paiement pour l’assurance maladie des travailleurs, la limitation des versements médicaux de l’employeur et la réduction des contributions patronales au fonds de pension (voir « California Grocery Strike Sold Out », The Internationalist n° 18, mai-juin 2004). En juin, le Syndicat international des employés de service (SEIU), dirigé par Andrew Stern, a annoncé le financement d’un million de dollars pour une campagne de syndicalisation chez Wal-Mart. La même semaine, un juge fédéral a statué que des travailleuses pourraient poursuivre la compagnie dans un procès pour discrimination sexuelle. Mais la justice patronale et le fait de dépenser beaucoup d’argent ne parviendront pas à syndiquer Wal-Mart. Pour cela, il faudra une lutte de classe acharnée.

L’Internationaliste s’est rendu dans le Nord du Québec à la mi-août pour discuter avec les travailleurs et travailleuses de Wal-Mart. Nous sommes arrivés alors qu’ils commençaient à célébrer leur victoire. Les membres du syndicat et les dirigeants du Local 503 étaient d’excellente humeur. Évidemment, marquer un but contre le monstre antisyndical n’est pas une mince affaire. Les arrogants patrons de Wal-Mart sont habitués à agir en rouleau compresseur pour aplanir tout obstacle sur leur chemin. Mais les quelque 170 travailleurs et travailleuses de Jonquière, dont 80% sont des femmes, ne leur ont pas permis de les écraser – ils se sont tenus debout pour défendre ils se sont dressés en défense de leurs droits. C’est ce à quoi on pouvait s’attendre dans cette ville avec une solide tradition syndicale. La direction de Wal-Mart fut alors prise par surprise. Elle s’imaginait que le syndicat avait été battu quand au moment où, en avril dernier, le TUAC avait perdu de peu un vote de représentation. Mais les travailleurs et travailleuses sont revenus tout de suite à la charge , trois mois plus tard, ils ont rempli des cartes syndicales en quantité plus que suffisante pour que le syndicat ait une solide majorité, même si l’entreprise essaie d’y inclure des cadres et même « quelques clients du lundi matin » nous a affirmé le représentant international de l’UFCW, Herman Dallaire.

Wal-Mart Jonquière “Notre équipe fait toute la différence” – Wal-Mart prise par surprise par la victoire syndicale à Jonquière, Quebec. (Photo: Pascal Rathé/Le Devoir)

Les militants syndicaux nous ont dit que les questions clés étaient les salaires et le R-E-S-P-E-C-T, qui s’épelle de la même façon en français qu’en anglais, ce que les patrons de Wal-Mart n’ont ni ne donnent. Le salaire de départ est 8 $ (canadiens) de l’heure (ce qui fait moins de 6 $ américains), un peu plus que le salaire minimum, comparé à 13 $ pour l’entreprise syndiquée Costco située tout près, à Chicoutimi. Théoriquement, cela pourrait monter à 9.50 $ de l’heure après plusieurs années, mais le magasin n’est pas ouvert depuis longtemps. Bien sûr, avec le favoritisme rampant, les employés qui sont en bons termes avec l’administration pourraient être nommés « gérants de rayons », qui sont simplement des contremaîtres glorifiés et payés quelques dollars de plus. Aucun cas de harcèlement sexuel manifeste n’a été mentionné, mais ce qui a vraiment enragé les femmes était la façon dont les gérants de Wal-Mart essayaient d’humilier les travailleurs et travailleuses dans les réunions du matin, en « disant que ce sont des lâches, qui ont demandé des congés ». Ce fut après une de ces sessions qu’ils ont fait appel au syndicat.

« Si un gérant aperçoit un employé ne pas applaudir ou chanter la chanson du matin, et ce à quelques reprises, c’est noté et ça signifie une perte assurée de 10 $ d’augmentation. Nous voulons aussi arrêter le fait que les nouvelles employées passent devant des travailleuses plus expérimentées », avait dit un membre du syndicat au journal saguenéen  Progrès-Dimanche (28 mars). Autre grief vivement ressenti par les travailleurs, c’est l’absence d’une planification anticipée de la semaine de travail. (Un horaire de 28 heures par semaine est considéré plein temps, et beaucoup de femmes travaillent seulement 12 heures par semaine.) Ils ont essentiellement un travail précaire et peuvent être appelés au travail à tout moment ; s’ils refusent de répondre à cet appel, cela sera noté dans leur évaluation annuelle. C’est particulièrement difficile pour les femmes qui cherchent à concilier travail et famille. « Par exemple, si tu as un enfant, il est malade, tu manques le travail », nous a dit une travailleuse.

Une femme remarquait qu’elle a toujours travaillé en étant syndiquée, et qu’elle n’était pas prête d’accepter ce genre d’attitude chez les gérants. On a déjà essayé en 2002 d’organiser un syndicat, affilié à la CSN (Confédération des syndicats nationaux), et cela s’est terminé par un échec. Mais elle et une autre femme ne s’avouèrent pas vaincues. Quand Wal-Mart a essayé son stratagème d’obliger l’équipe de nettoyage à travailler enfermée à clé toute la nuit, les travailleurs ont dénoncé cet abus illégal et forcé la compagnie à céder. En décembre 2003, il y a eu suffisamment d’employés qui signèrent des cartes du TUAC pour exiger une nouvelle élection. La présidente du local 503 Marie-Josée Lemieux a dit que le facteur qui a permis de repousser le harcèlement de la compagnie a été l’existence d’un comité des travailleurs à l’intérieur du magasin. Ce qui a été décisif, déclara Dallaire à Recto Verso (janvier-février 2004), c’est que « nous avons deux femmes courageuses et déterminées sur le terrain ».

Travailleurs bloquent la route 175, 11.12.2003 800 travailleurs du Saguenay ont bloqué la route 175 dans le trajectoire Québec-Chicoutimi pour protester contre les lois anti-syndicales du gouvernement Charest, le 11 décembre 2003. (Photo: Mishell Potvin)

Un autre facteur vital a été la tradition de luttes syndicales au Québec, et en particulier dans la région du Saguenay-Lac St-Jean, une région industrielle de grandes scieries, plantes hydroélectriques et d’usines de papier et d’alumineries. En décembre dernier, quand le gouvernement du Parti Libéral de Jean Charest se préparait à voter au parlement des lois antisyndicales, des milliers de syndiqués ont convergé en pleine tempête de neige sur l’Assemblée Nationale à Québec, entourant  l’édifice et lançant des balles de neige, des œufs et de la peinture jaune. L’autoroute 175 vers Chicoutimi fut bloquée par une manifestation de 800 personnes, et des camionneurs déversèrent sur le pavé de gros tas de sable, bouclant effectivement la région. Cela ne s’est terminé qu’à minuit quand la Sûreté du Québec est intervenue pour arrêter 15 personnes, parmi elles le responsable du FTQ, Jean-Marc Crevier. Deux jours après, plusieurs milliers de travailleurs de Saguenay ont manifesté pour protester contre la fermeture annoncée de la papetière Port-Alfred d’Abitibi-Consolidated à La Baie (Saguenay). Le 1er mai dernier, la FTQ, la CSN et d’autres fédérations syndicales ont convoqué une énorme manifestation à Montréal qui rassembla entre 75 000 et 100 000 manifestants, la plus grande marche du 1er mai de l’histoire du Québec.

En janvier dernier, la direction de la multinationale d’aluminium Alcan avait annoncé au rassemblement de l’élite capitaliste internationale à Davos en Suisse qu’elle allait fermer la salle de cuve Söderburg de l’usine Arvida à Jonquière. Au lieu de simplement accepter ce coup majeur, les 550 travailleurs de la fonderie et les autres membres du syndicat, le SNEAA (Syndicat national des employés d’Alcan à Arvida), affilié aux Travailleurs canadiens de l’automobile), ont occupé l’usine, continuant de produire pendant 19 jours jusqu’à ce que la Commission des relations du travail du Québec statue que leur action était illégale. En constatant que la compagnie veut utiliser l’énergie épargnée par la fermeture de la cuve pour alimenter d’autres alumineries dans la région, les travailleurs ont revendiqué la nationalisation des installations hydroélectriques de l’Alcan à Saguenay-Lac-St.-Jean (L’aut’courriel, 11 février). L’occupation ouvrière de l’usine a provoqué des ondes de choc à travers le Canada et a rencontré un large soutien dans la région avec une manifestation de protestation de plus de 5 000 personnes le 31 janvier. Mais l’action de la Commission devrait briser toute illusion que les travailleurs pourraient obtenir justice d’une manière ou d’une autre de la part des tribunaux et des gouvernements capitalistes.

Manif solidarité, Jonquière, 31.01.2004 Plus de 5 000 personnes ont manifesté à Saguenay, le 31 janvier 2004, en solidarité avec les travailleurs dAlcan qui occupaient lusine pour faire face aux menaces des patrons de fermer la salle de cuve. (Photo: Mishell Potvin)

Au lieu de limiter l’occupation à une seule fonderie dont la fermeture était planifiée, les syndicats devraient arrêter la production dans toutes les usines d’Alcan. C’est toujours une question brûlante, alors que plus de 800 travailleurs de l’usine d’aluminium ABI de Bécancour (ville de Trois-Rivières) sont en grève depuis le 7 juillet. La direction d’ABI menace d’amener des scabs (briseurs de grève), en dépit de la loi anti-scab québécoise qui prétend empêcher l’utilisation de « travailleurs de remplacement ». En même temps, quelque 400 travailleurs de l’Iron Ore à Sept-Iles sur la Côte Nord du fleuve St-Laurent sont en grève depuis le début du mois d’août. Et maintenant, l’Alcan agite la menace de fermer son usine de Vaudreuil à Jonquière, frappant les emplois de 1 200 ouvriers. Si l’administration de Wal-Mart essaie de durcir la partie pour vaincre la tentative de syndicalisation à Jonquière (par exemple, en menaçant de fermer le magasin, comme McDonald’s l’a fait à Montréal), la clé pour la victoire syndicale sera de mobiliser les syndicats de toute la région qui ont une réelle puissance industrielle.

En dernière instance, la bataille pour syndiquer Wal-Mart, d’un simple magasin dans les forêts boréales du Québec à la chaîne multinationale au complet, nécessitera une rude bataille de classe. Et comme Karl Marx et Friedrich Engels l’ont noté il y a plus d’un siècle et demi, chaque lutte de classe sérieuse est une lutte politique. Ce qui est nécessaire est une direction ouvrière qui puisse résister aux tribunaux, aux policiers et aux partis et gouvernements capitalistes qu’ils servent. Les dirigeants du UFCW/TUAC regardent vers le Québec parce que les lois locales du travail y sont plus favorables qu’aux États-Unis ou ailleurs au Canada, permettant un simple contrôle des cartes syndicales (card check) au lieu d’un simulacre d’élection pour décider de la représentation syndicale, dans laquelle les patrons intimident librement les travailleurs avec des menaces et des pots-de-vin. Mais le combat pour gagner le droit de se syndiquer ne sera pas remporté en jouant selon les règles patronales.

Manif ouvrière à Jonquière, 31.01.2004 Il faut mobiliser la force de la classe ouvrière pour vaincre aux briseurs de syndicats. Saguenay, le 31 janvier 2004.
Photo: Mishell Potvin

Le taux de représentation syndicale du Québec est de loin supérieur à celui du reste de l’Amérique du Nord (42% des travailleurs et travailleuses, comparé à 13% aux Etats-Unis). Cela n’a pas été obtenu en courbant l’échine ou en basant la lutte sur ce qui est permis ou non par l’arsenal juridique des patrons. Aujourd’hui, les syndicats québécois sont l’objet d’une attaque frontale de Charest avec son plan pour la « réingénierie de l’État » québécois.  Dans Le Soleil (3 décembre 2003) de Quebec, Normand Provencher demande si Charest a l’intention d’installer “Un gouvernement Wal-Mart ? »:

« Et si la réingénierie de l'État, à l'heure du libre-échange et de la mondialisation, ne signifiait pas tout simplement l'approche Wal-Mart : créer beaucoup d’emplois, non syndiqués, avec les salaires et les avantages sociaux les plus bas possible. Est-ce cela qui attend les travailleurs québécois ? »

Aujourd’hui, la FTQ, la CSN et les autres syndicats ont approuvé des résolutions appelant à une « grève générale » contre le gouvernement libéral de Charest et ses lois anti-syndicales…quand la direction jugera le moment approprié. Une vraie grève générale n’est pas une grande parade mais une épreuve de force avec la bourgeoisie, une dure bataille pour décider « qui est le maître chez nous », comme ce fut le cas de la tumultueuse grève générale du Québec en 1972 dans laquelle Sept-Iles fut occupée par les travailleurs. Mais la grève de 1972 s’est soldée par un échec précisément à cause de l’absence d’une direction révolutionnaire.

Les patrons de tout le Québec furent alarmés par l’accréditation du syndicat de Wal-Mart. L’hebdomadaire patronal Les Affaires (14 août) publie en manchette : « Le Québec, paradis des syndicats ». Cet organe des employeurs se plaint non seulement que le taux de syndicalisation est le plus haut du continent, mais aussi que, alors qu’il chute ailleurs, au Québec il s’est accru dans les dernières années. En même temps, l’article signale que les supermarchés Métro (syndiqués par TUAC/UFCW) « demandent une réduction des salaires pour rester concurrentiels  face à l’arrivée prochaine des Sam’s Club au Québec…. ». En réalité, comme l’a souligné le professeur d’histoire de l’Université de Montréal Jacques Rouillard , « les syndicats sont sur la défensive » (cité dans un article de fond paru dans Le Devoir (7-8 août), « Le syndicalisme québécois dans des sables mouvants »).  Rouillard, l’auteur de Le syndicalisme québécois : deux siècles d’histoire (Boréal, 2004), est pessimiste: « On attend toujours un tournant pour que le mouvement syndical reprenne l’offensive, mais ça ne se produit pas. Les gouvernements font toujours passer l’économique avant le social. » Mais ce sont des gouvernements capitalistes qui seront toujours du côté des patrons contre les travailleurs !

Devant l'Assemblée nationale à Québec, le 15.12.2003 Les syndicalistes ont entouré l'Assemblée nationale du Québec en plein tempête de neige le 15 décembre 2003, pour protester contre les lois du gouvernement de Charest visées à briser les syndicats. (Photo: FTQ)

Pour vaincre un géant comme Wal-Mart, les travailleurs ne peuvent compter que sur leur propre puissance de classe. On ne remportera pas la victoire en se fiant aux tribunaux, commissions de relations de travail ou politiciens bourgeois, ni avec des appels régionalistes, nationalistes et protectionnistes. Il faut avant tout mobiliser la force des travailleurs dans le monde entier. La bataille pour la syndicalisation est partie prenante de la lutte des classes au niveau international qui a vu l’année dernière une manifestation de 250 000 personnes à Montréal (et 3 000 à Chicoutimi) contre la guerre en Irak… et aussi un exercice d’occupation de Sherbrooke par l’armée canadienne (qui a placé le Québec tout entier sous la loi martiale en 1970). La guerre impérialiste contre l’Irak (et l’occupation d’Haïti par les troupes impérialistes canadiennes) est intimement liée à la guerre des patrons contre les travailleurs et travailleuses « dans le propre pays ».

Depuis plusieurs années, le Québec est déchiré au sujet de son statut dans l’État canadien. Les syndicats québécois sont liés au Parti Québécois (PQ), un parti nationaliste capitaliste qui représente certaines couches de la classe dirigeante locale qui aimeraient réaliser une meilleure entente avec l’impérialisme américain en relâchant leurs liens avec le reste du Canada, selon la formule « souveraineté-association ». Les Libéraux ont un appui solide auprès d’autres capitalistes québécois qui aimeraient participer à l’exploitation de la classe ouvrière à travers tout le Canada. L’Internationalist Group et la Ligue pour la Quatrième Internationale appellent à l’indépendance du Québec, mais en même temps nous luttons pour le programme de l’internationalisme prolétarien contre les nationalistes bourgeois, ainsi que contre les nationalistes petits-bourgeois comme l’Union des Forces Progressistes (UFP), SPQLibre et Option Citoyenne qui sont en orbite autour du PQ.

Périodiquement, lors de l’ouverture des magasins de Wal-Mart ou des restaurants de McDonald’s, il y a eu des appels en faveur de boycotts de consommateurs, généralement avec des relents protectionnistes/nationalistes, comme c’est le cas de la campagne des libéraux altermondialistes d’Alternatives pour « boycotter des produits américains ». Les campagnes de cette nature prennent pour cibles les employés de Wal-Mart mis ensemble avec les patrons, tout en divisant  les travailleurs selon des lignes nationales. Mais les patrons québécois ne sont pas mieux que leurs confrères canadiens anglophones ou US. Le conglomérat Quebecor World, dont le chef est Pierre Karl Péladeau, est le plus grand imprimeur de périodiques du monde, dont la revue Time ou le catalogue de lingerie Victoria’s Secret.  Péladeau, ancien maoïste (il était membre de En Lutte!), non seulement a brisé la grève de Vidéotron (compagnie qu’il avait achetée avec l’argent du gouvernement péquiste), mais il est aussi inculpé de cassage de syndicats et de discrimination raciste par des travailleuses noires des imprimeries de Quebecor World à Memphis, Tennessee et Mississippi dans le Sud des États-Unis.

La lutte de Wal-Mart et Arvida à Jonquière, tout comme les luttes de dizaines de milliers de militants ouvriers québécois, exigent l’évincement des dirigeants procapitalistes qui enchaînent les syndicats aux patrons et à leurs partis. Aux Etats-Unis aussi, la bataille contre la « walmartisation » devra s’engager sur le plan politique. Le vice-président républicain Dick Cheney louange Wal-Mart pour être un joyau de la politique économique de l’administration Bush, tandis que le candidat présidentiel démocrate John Kerry critique pieusement la compagnie pour son échec à fournir des prestations sociales. Les démocrates ne sont cependant pas une solution : il ne faudrait pas oublier que Hillary Rodham Clinton fut une avocate de Wal-Mart et pendant six ans membre du conseil d’administration de l’entreprise.

Du Québec aux États-Unis, la lutte contre la guerre impérialiste « à l’extérieur » et la guerre capitaliste contre la classe ouvrière, les minorités, les immigrants et immigrantes et les pauvres « à l’intérieur » exige de forger un parti ouvrier de lutte de classe qui combatte pour un gouvernement ouvrier et la révolution socialiste internationale.  n


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